RSOC Vol. 05 No. 06 2008 pp 42. Publié en ligne 01 août 2008.

Dépistage de la rétinopathie diabétique aux Fidji à l’aide d’une technologie de base

Sandeep Nakhate

Directeur du service d’ophtalmologie, Labasa Hospital, Fidji.


Maria Walker

Allen County Retinal Surgeons.


Jonathan Walker

Allen County Retinal Surgeons, 7900 West Jefferson #300, Fort Wayne, IN 46804, États-Unis. Courriel : [email protected]

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Utilisation du rétinographe portable dans un centre de santé isolé. FIDJI. © Maria Walker
Utilisation du rétinographe portable dans un centre de santé isolé. FIDJI. © Maria Walker

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que près de 12 % des Fidjiens sont diabétiques. Bien qu’il n’existe pas de statistiques officielles sur la prévalence de la rétinopathie diabétique, une complication du diabète, celle-ci est la deuxième cause la plus importante de perte visuelle, derrière la cataracte, à l’hôpital de Labasa, aux Fidji.

L’un des principaux problèmes liés au traitement de la rétinopathie diabétique est que les patients demeurent asymptomatiques jusqu’à un stade très avancé de la maladie. Lorsqu’ils décident de consulter, il est parfois trop tard pour préserver leur vision.

L’idéal serait d’identifier aussi tôt que possible les personnes présentant une rétinopathie diabétique, afin de commencer le traitement au moment où il est plus efficace. Toutefois, il est difficile d’organiser le dépistage en clinique d’un grand nombre de patients diabétiques, d’une part parce que cela suppose que les patients vont parcourir de grandes distances pour se rendre sur place et, d’autre part, parce que les ressources sanitaires sont limitées (y compris les ressources humaines). En outre, les personnes qui souffrent d’un diabète ont tendance à ne pas vouloir utiliser le système de santé avant que leur maladie n’ait atteint un stade très avancé. Cette tendance s’observe non seulement aux Fidji, mais également dans les pays en développement partout dans le monde.

Afin de résoudre ce problème, nous avons conçu une approche utilisant un système photographique très simple pour dépister la rétinopathie diabétique en utilisant un rétinographe portable. Ce système pourrait être mis en œuvre dans des contextes où il n’y a pas de personnel formé à la photographie du fond d’œil et où il n’y a pas de soutien financier ou d’infrastructure informatique. Nous avons décidé de tester ce système de dépistage sur le terrain.

Œdème maculaire cliniquement significatif, avec exsudats durs qui empiètent sur la fovéa. Ceci a été identifié chez un patient asymptomatique en utilisant le dépistage photographique. © Sangita Sagar
Œdème maculaire cliniquement significatif, avec exsudats durs qui empiètent sur la fovéa. Ceci a été identifié chez un patient asymptomatique en utilisant le dépistage photographique. © Sangita Sagar

Nous avons choisi un rétinographe non mydriatique Topcon NW100 (voir photo à droite), parce qu’il est solide et facile à utiliser (en effet, après s’être entraînée avec cet appareil pendant une heure, une personne motivée sera capable de prendre des photographies de fond d’œil acceptables). Bien que le rétinographe puisse être utilisé sans l’instillation préalable de collyre mydriatique, il est beaucoup plus facile de photographier la rétine si on a auparavant dilaté les pupilles avec une solution de tropicamide 0,5 % (ou 1 %), en particulier si on ne peut pas s’installer dans une pièce sombre pour prendre les photographies. Une des infirmières de l’hôpital de Labasa a été formée à l’utilisation de ce rétinographe ; elle n’avait aucune expérience préalable dans les domaines de la photographie en ophtalmologie ou de l’examen du fond d’œil.

Cette infirmière s’est rendue avec le rétinographe dans des petits centres de santé éloignés. Sur place, elle a réalisé un examen préliminaire à la lampe torche pour éliminer les patients présentant des problèmes patents au niveau du segment antérieur qui empêcheraient la visualisation de la rétine (cataracte dense par exemple). Durant cette première mission de dépistage, l’infirmière a photographié 115 patients au total. Les images ont été sauvegardées sur un ordinateur portable. Un ophtalmologue dans notre hôpital a ensuite analysé ces images et fourni pour chacune d’entre elles un diagnostic photographique.

Au total, 75 % (86 patients) de ces images étaient « lisibles », c’est-à-dire qu’elles étaient de qualité suffisante pour déterminer si oui ou non une évaluation supplémentaire serait nécessaire. Neuf patients présentaient des signes de rétinopathie diabétique nécessitant un traitement au laser. Ces patients ont ensuite été contactés par leur centre de santé local, qui a organisé leur déplacement jusqu’à notre hôpital pour un examen complet. Tous ces patients se sont présentés pour leur traitement et dans tous les cas le diagnostic photographique était correct. Pour les 25 % restants, les images n’étaient pas lisibles ; les personnes concernées ont été encouragées à se rendre à l’hôpital de Labasa pour un examen plus approfondi.

Nous avons organisé depuis six missions de dépistage supplémentaires. Parmi les 370 patients examinés, 30 % présentaient au moins un signe de rétinopathie diabétique et 8 à 9% présentaient une rétinopathie suffisamment avancée pour que le traitement laser soit nécessaire. Jusqu’à présent, tous les patients nécessitant un traitement laser se sont rendus à notre hôpital. La qualité des images s’est également améliorée, avec l’expérience ; nous obtenons beaucoup moins d’images « illisibles ». Cette technique de dépistage photographique permet aussi d’identifier les patients présentant une rétinopathie à un stade modéré, qui ne nécessite pour le moment aucun traitement. Ce groupe de patients est sans doute le plus important : ils peuvent être prévenus (ainsi que leur médecin) de tout changement dans leur diabète et de la nécessité de mieux contrôler et suivre la maladie.

L’aspect le plus précaire de notre projet, qui a été financé en partie par SEE International, est sans doute que tout repose sur la solidité du rétinographe ; nous maintenons et nous transportons donc cet appareil avec beaucoup de soin (si le rétinographe tombe en panne, aucun patient ne pourra être examiné). Le premier jour, par exemple, nous avions entreposé le rétinographe dans une pièce climatisée ; lorsque nous l’en avons sorti, cela a créé de la condensation à l’extérieur et à l’intérieur de l’appareil. Fort heureusement, une fois que l’appareil a été complètement sec, il s’est remis à fonctionner normalement.

Cette méthode de dépistage permet d’utiliser le plus efficacement possible le temps dont disposent les médecins ; ils n’auraient pas le temps d’examiner les patients diabétiques qui ne présentent pas de rétinopathie et cette méthode leur permet de se concentrer sur les patients qui doivent être traités. Cette approche présente également un autre avantage : elle permet d’identifier la maladie à un stade plus précoce, lorsque le traitement est plus efficace et prend moins de temps.