RSOC Vol. 12 No. 15 2015 pp 35 - 36. Publié en ligne 10 mars 2016.

Endophtalmie postopératoire

Nuwan Niyadurupola

Chirurgien ophtalmologiste et chef de service, Norfolk and Norwich University Hospital, Norwich, Royaume-Uni. [email protected]


Nick Astbury

Ophtalmologiste et maître de conférences, International Centre for Eye Health, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni.

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Endophtalmie. Nick Astbury
Endophtalmie. Nick Astbury

L’endophtalmie peut avoir des conséquences désastreuses sur la vision du patient et doit être traitée en urgence. Le temps écoulé entre le diagnostic et le traitement a une influence capitale sur l’obtention d’un résultat favorable. Afin de pouvoir intervenir le plus rapidement possible, il est important que tous les chirurgiens oculaires effectuant des consultations postopératoires aient constamment à disposition des kits endophtalmie et un protocole de prise en charge. Vous trouverez ci-dessous un protocole simple basé sur les pratiques recommandées par différentes sources.

Toute intervention intraoculaire comporte un risque d’endophtalmie. Toutefois, à l’échelle mondiale, les endophtalmies sont le plus souvent signalées après une opération de la cataracte ou une injection intravitréenne, tout simplement parce que ces deux interventions sont extrêmement courantes partout dans le monde. Les mesures prophylactiques présentées dans le protocole ci-après font plus particulièrement référence à la chirurgie de la cataracte, mais il faut adopter des mesures similaires pour toute intervention intraoculaire. Le diagnostic clinique et la prise en charge sont similaires dans tous les cas d’endophtalmie.

Il est absolument capital de bien préparer le patient avant une intervention intraoculaire si l’on veut réduire le risque d’endophtalmie1. Instillez de la povidone iodée à 5 % dans le cul-de-sac conjonctival et appliquez avec précaution un champ stérile pour isoler le champ opératoire des paupières et des cils1–5. Il n’est pas nécessaire de couper les cils, car ceci ne réduit pas la flore bactérienne péri-oculaire et ne diminue pas le risque d’endophtalmie.5

Le chirurgien doit se laver soigneusement les mains et porter une blouse et des gants stériles1. À l’issue d’une opération de la cataracte, il est recommandé d’effectuer une injection intracamérulaire de céfuroxime, car ceci diminue le risque d’endophtalmie6. Si le patient développe une rougeur oculaire, des douleurs et une vision trouble dans les jours ou semaines suivant une intervention intraoculaire, vous devez considérer qu’il s’agit d’une endophtalmie jusqu’à preuve éventuelle du contraire. S’il y a inflammation oculaire, en particulier s’il y a présence d’un hypopion, commencez immédiatement un traitement contre l’endophtalmie.

ATTENTION : N’essayez pas de traiter d’abord avec des corticostéroïdes. Ceci retardera la prise en charge et le patient risquera alors de perdre son œil.

Un kit endophtalmie (voir encadré ci-dessous) devrait être facilement accessible lors de toute consultation postopératoire. Ce kit permet de gagner un temps précieux et favorise un diagnostic et une prise en charge précoces.

Effectuez immédiatement une ponction de vitré par la pars plana pour permettre une coloration de Gram et une mise en culture. Si la vision du patient est réduite à une perception lumineuse, il a été montré qu’une vitrectomie est plus bénéfique qu’une ponction de vitré7. Toutefois, si la réalisation d’une vitrectomie est susceptible d’entraîner un retard, mieux vaut effectuer une ponction de vitré et des injections intravitréennes d’antibiotiques pour traiter plus rapidement.

Administrez immédiatement des injections intravitréennes d’antibiotiques (vancomycine et ceftazidime ou amikacine et ceftazidime) en utilisant une seringue et une aiguille neuves pour chaque médicament (voir encadré ci-dessous pour les concentrations de chaque antibiotique). L’injection intravitréenne de dexaméthasone (un corticostéroïde) reste controversée.

Vous pouvez envisager une antibiothérapie générale de 48 heures en traitement adjuvant, avec les mêmes antibiotiques que ceux injectés par voie intravitréenne, ce afin de maintenir des niveaux d’antibiotiques plus élevés dans le segment postérieur de l’œil. Si une antibiothérapie systémique n’est pas possible, une antibiothérapie locale vaut certainement mieux que rien. Il est important de surveiller attentivement le patient. La réaction au traitement et les résultats de la coloration de Gram et de la mise en culture devraient déterminer s’il est ou non nécessaire de renouveler les injections intravitréennes d’antibiotiques.

Contenu du kit endophtalmie

Matériel pour la préparation du patient

  • Tétracaïne
  • Povidone iodée
  • Champ stérile
  • Blépharostat
  • Matériel pour l’anesthésie sous-ténonienne :
    – 10 ml de lignocaïne à 2 %
    – 1 seringue de 10 ml
    – 1 canule sous-ténonienne
    – Ciseaux de Westcott

Matériel pour la ponction/biopsie de vitré

  • 1 aiguille de calibre 23 ou 25
  • 1 seringue de 5 ml
  • 1 compas de mesure

Matériel pour la préparation des injections intravitréennes d’antibiotiques

  • 1 flacon de 500 mg de vancomycine ou 1 flacon de 500 mg (250 mg/ml) d’amikacine
  • 1 flacon de 500 mg de ceftazidime
  • 3 x 10 ml de chlorure de sodium injectable à 0,9 %
  • 4 seringues de 10 ml
  • 2 seringues de 5 ml
  • 2 seringues de 1 ml
  • 1 pot stérile (pour l’amikacine)
  • 6 aiguilles de calibre 21 pour préparer les antibiotiques
  • 2 aiguilles de calibre 30 pour les injections intravitréennes

Instructions écrites pour la préparation des injections d’antibiotiques

(à préparer avant la ponction ou biopsie de vitré)

  • Vancomycine 1 mg/0,1 ml
    – Reconstituer le flacon de 500 mg avec 10 ml de solution isotonique salée
    – Prélever la totalité des 10 ml avec une seringue de 10 ml
    – Réinjecter 2 ml de cette solution dans le flacon
    – Compléter jusqu’à 10 ml avec 8 ml de solution isotonique salée (10 mg/ml)
    – Prélever 0,1 ml de cette solution avec une seringue de 1 ml (1 mg/0,1 ml)
  • Amikacine 400 µg/0,1 ml
    – Prélever 1,6 ml d’amikacine avec une seringue de 10 ml (250 mg/ml)
    – Compléter jusqu’à 10 ml dans la seringue avec de la solution isotonique salée
    – Jeter 9 ml de cette préparation et, toujours dans la seringue, compléter le 1 ml restant jusqu’à 10 ml avec de la solution isotonique salée
    – Transférer cette solution dans un pot stérile et, avec une seringue de 1 ml, prélever 0,1 ml de cette solution (400 µg/0,1 ml)
  • Ceftazidime 2 mg/0,1 ml
    – Reconstituer le flacon de 500 mg avec 10 ml de solution isotonique salée
    – Prélever la totalité des 10 ml avec une seringue de 10 ml
    – Réinjecter 2 ml de cette solution dans le flacon
    – Compléter jusqu’à 5 ml en ajoutant dans le flacon 3 ml de solution isotonique salée (20 mg/ml)
    – Prélever 0,1 ml de cette solution avec une seringue de 1 ml (2 mg/0,1 ml)

Endophtalmie aiguë : prophylaxie, diagnostic clinique et traitement

Comment PRÉVENIR l’endophtalmie

Facteurs de risque

  • Éviter d’opérer tout patient présentant une infection oculaire patente (par ex. blépharite ou conjonctivite) ou une obstruction du canal lacrymal.
  • Noter que les patients qui portent une prothèse oculaire dans l’autre œil, ou qui portent des lentilles de contact, présentent un risque d’infection plus élevé.

Prophylaxie

  • Povidone iodée à 5 % : cornée et cul-de-sac conjonctival.
  • Povidone iodée à 10 % : zone périorbitaire ; attendre au moins 3 minutes avant d’inciser.
  • Le chirurgien doit se laver les mains (lavage chirurgical) et enfiler une blouse et des gants stériles.
  • Mettre en place un champ opératoire, maintenir les paupières et cils avec du sparadrap (ne pas couper les cils).

En cas de chirurgie de la cataracte

  • Respecter les règles d’une chirurgie sûre (incisions étanches, prise en charge efficace des complications).
  • Éviter les implants intraoculaires en silicone.
  • À la fin de l’intervention, effectuer une injection intracamérulaire de 1mg de céfuroxime dilué dans 0,1 ml de solution salée (0,9 %).

Comment RECONNAÎTRE l’endophtalmie

  1. Suspecter une endophtalmie si le patient présente au moins un des symptômes et signes suivants, en particulier en cas d’antécédents d’intervention chirurgicale, d’injection intravitréenne ou de traumatisme perforant :
    – vision trouble
  2. – douleur

    – rougeur oculaire

    – hypopion

    – opacités vitréennes

    – paupières gonflées

    – diminution de l’intensité du reflet rétinien

  3. Effectuer une échographie en mode B (si possible) pour vérifier qu’il n’y a pas inflammation du vitré ou décollement de rétine.
  4. Ne surtout pas administrer un collyre à base de corticostéroïdes en première intention, car cela retarderait le diagnostic !

Comment TRAITER l’endophtalmie

NE RETARDEZ PAS LE TRAITEMENT ! IL S’AGIT D’UNE URGENCE MÉDICALE

DANS UN DÉLAI D’UNE HEURE

Effectuer une ponction de vitré par la pars plana. Prélever des échantillons de vitré pour coloration de Gram et mise en culture. Une vitrectomie peut être indiquée si le patient ne conserve plus qu’une perception lumineuse. 6

Comment réaliser une ponction de vitré :

  • Respecter les règles de l’asepsie chirurgicale et mettre en place un champ opératoire.
  • Instiller un antibiotique local, ainsi que de la povidone iodée à 5 %.
  • Réaliser une anesthésie sous-conjonctivale ou sous-ténonienne.
  • Insérer l’aiguille (calibre 23 ou 25) à 4 mm en arrière du limbe (si yeux phaques) ou à 3,5 mm derrière le limbe (si yeux aphaques ou pseudophaques) jusqu’au milieu de la cavité vitréenne, en la dirigeant vers la papille optique (à environ 7–8 mm de profondeur). Viser à aspirer 0,3 ml à 0,5 ml de vitré.

IMMÉDIATEMENT APRÈS LA PONCTION DE VITRÉ, injecter les antibiotiques dans le vitré :

Premier choix :

  • vancomycine 1 mg dans 0,1 ml

et

  • ceftazidime 2 mg dans 0,1 ml

Deuxième choix :

  • amikacine 400 µg dans 0,1 ml

et

  • ceftazidime 2 mg dans 0,1 ml

Attention : Utiliser une seringue et une aiguille de calibre 30 neuves pour chaque nouveau médicament. Ne pas mélanger les médicaments dans une même seringue.

Après les injections intravitréennes d’antibiotiques, injecter dans le vitré de la dexaméthasone sans conservateur (400 µg dans 0,1 ml) en utilisant une seringue et une aiguille de calibre 30 neuves. (L’usage des stéroïdes reste controversé, mais il est recommandé par la Société Européenne de Chirurgie de la Cataracte et de Chirurgie Réfractive).

Envisager comme traitement adjuvant une antibiothérapie par voie générale (avec les mêmes antibiotiques) pendant 48 heures, ce afin de maintenir des niveaux d’antibiotiques plus élevés dans le segment postérieur de l’œil.

Références

1 Niyadurupola N, Astbury N. Endophthalmitis: controlling infection before and after cataract surgery. Comm Eye Health J 2008;21:9 –10.

2 Mamalis N, Kearsley L, Brinton E. Postoperative endophthalmitis. Curr Opin Ophthalmol 2002;13:14–18. 3 Buzard K, Liapis S. Prevention of endophthalmitis. J Cataract Refract Surg 2004;30:1953–1959.

4 Kamalarajah S, Ling R, Silvestri G, Sharma NK, Cole MD, Cran G, Best RM. Presumed infectious endophthalmitis following cataract surgery in the UK: a case-control study of risk factors. Eye 2007;21:580–586.

5 Schmitz S, Dick HB, Krummenauer F, Pfeiffer N. Endophthalmitis in cataract surgery: results of a German study. Ophthalmology 1999;106:1869–1877.

6 ESCRS Endophthalmitis Study Group. Prophylaxis of postoperative endophthalmitis following cataract surgery: results of the ESCRS muticenter study and identification of risk factors. J Cataract Refract Surg 2007;33:978–988.

7 Endophthalmitis Vitrectomy Study Group. Results of the Endophthalmitis Vitrectomy Study. A randomized trial of immediate vitrectomy and of intravenous antibiotics for the treatment of postoperative bacterial endophthalmitis. Arch Ophthalmol 1995;113:1479– 1496.