RSOC Vol. 01 No. 01 2004 pp 11 - 12. Publié en ligne 01 août 2004.

Formation chirurgicale

Larry Benjamin FRCS(Ed) FRCOphth DO

Chirurgien ophtalmologiste spécialisé, Service d’Ophtalmologie, Hôpital de Stoke Mandeville, Mandeville Road, Aylesbury, Buckinghampshire, HP21 8AL, Royaume-Uni

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Les lettres publiées dans l’édition 14 : 30-31 du Journal of Community Eye Health 2000 concernant l’EIC (extraction intracapsulaire de la cataracte) et l’EEC (extraction extracapsulaire de la cataracte) sont très intéressantes. De nombreux commentaires ont trait aux résultats de la chirurgie de la cataracte, et abordent les connaissances et l’expérience requises nécessaires pour obtenir de bons résultats chirurgicaux. Afin que cela devienne la norme plutôt que l’exception, il est essentiel que plusieurs conditions soient réunies :

  1. la connaissance de la procédure employée,
  2. une supervision de la formation,
  3. une observation et une pratique de la chirurgie, ce qui entraîne
  4. l’expérience ;
  5. un suivi et un audit des résultats obtenus pour évaluer les précédentes étapes ;
  6. modifier les étapes 1 à 4, si nécessaire, pour améliorer ou maintenir le niveau des résultats.

De mon point de vue, la supervision de la formation et la pratique sont les pierres angulaires pour atteindre un niveau d’expertise qui permet une pratique compétente et l’acquisition d’une bonne expérience. Par voie de conséquence, les résultats s’amélioreront.

Rôle de l’apprenti

L’ancienne méthode qui consistait à observer, agir puis à enseigner (« see one, do one, teach one » en anglais dans le texte original) ne s’applique pas au domaine de la chirurgie. Pour apprendre une technique, il est essentiel de comprendre ce qui se passe à chaque stade de la procédure et, pour cela, les nouveaux apprentis devraient commencer par observer et interroger leur formateur. Lorsqu’un chirurgien expérimenté opère, il ou elle utilise de nombreux petits « trucs » et mouvements qui ne seront pas forcément évidents pour l’observateur inexpérimenté. Il peut être très utile de noter dans un carnet les différentes étapes d’une opération, premièrement pour apprendre le déroulement de la procédure et, dans un second temps, pour avoir une trace de la méthode utilisée par chaque formateur.

Il peut être également très utile de côtoyer les infirmiers et infirmières pour apprendre les étapes d’une procédure car il est toujours bon de pouvoir anticiper, avant le chirurgien, ce dont il va avoir besoin. On dit qu’« un bon assistant vous donne ce dont vous avez besoin, pas ce que vous lui demandez ! » Une telle collaboration avec le corps infirmier permet également de constituer une bonne équipe.

Lors de l’apprentissage d’une nouvelle procédure, il est utile de la diviser en petites sections.

Tout d’abord, l’enseignement d’une technique chirurgicale doit avoir lieu à l’écart des patients. Les yeux en plastique ou d’animaux sont pratiques, et il existe plusieurs modèles chirurgicaux qui peuvent être utilisés pour l’enseignement.

D’après moi, il est très utile de suivre une formation en microchirurgie. On n’insistera jamais assez sur l’importance de savoir bien manipuler les instruments, de connaître le rôle propre de chaque instrument, de savoir faire un nœud, etc. On laisse généralement les apprentis apprendre en observant, mais il est intéressant de voir combien de chirurgiens expérimentés ne savent pas faire un nœud plat correctement !

Toute personne en formation doit pratiquer.

N’importe quelle activité de haut niveau exige un entraînement spécifique et du temps. La chirurgie n’échappe pas à la règle. Cela semble aller de soi, mais les apprentis qui s’entraînent régulièrement sont très peu nombreux. Si un laboratoire de travaux pratiques n’est pas disponible, alors le microscope opératoire habituellement utilisé pourra être utilisé dès que la salle d’opération est libre. Seuls les yeux en plastique ou tout autre matériel non organique peuvent être utilisés dans la salle d’opération, et les fils de suture (qui ne sont plus stériles) peuvent être conservés pour que les apprentis s’en servent pour s’entraîner. Il est utile de prévoir de bons instruments pour s’exercer, car de la même façon qu’un mauvais ouvrier blâme ses outils, un bon ouvrier n’utilise pas de mauvais outils.

Fig. 1 : Prototype du plateau d’entraînement du Royal College of Ophthalmologists.  Pharmabotics, UK
Fig. 1 : Prototype du plateau d’entraînement du Royal College of Ophthalmologists. Pharmabotics, UK
Fig. 2 : La tête d’entraînement du Royal College of Ophthalmologists. Pharmabotics, UK.
Fig. 2 : La tête d’entraînement du Royal College of Ophthalmologists. Pharmabotics, UK.

La Figure 1 représente un plateau d’entraînement mis au point par le Royal College of Ophthalmologists qui permet de s’entraîner à de nombreuses procédures.

La Figure 2 montre une tête d’entraînement qui peut recevoir un œil d’animal ou un œil en plastique. Elle simule un visage humain et peut être placée sous microscope. Des morceaux de fruits comme du raisin ou des tomates peuvent servir à s’entraîner à la capsulorhexis sous le microscope opératoire.

Formateurs

Une fois le microscope et les instruments maîtrisés et que les apprentis les utilisent aisément, les progrès sont bien plus rapides en salle d’opération.

Lors des sessions d’apprentissage chirurgical, il est utile de se fixer des objectifs précis.

Il est essentiel que les apprentis soient confrontés régulièrement et fréquemment à la chirurgie et il existe plusieurs moyens d’y parvenir :

  1. Accorder un temps déterminé à la personne en formation au cours de chaque opération. Je prends quarante minutes au début de chaque liste d’intervention pour m’assurer que chaque apprenti reçoit une formation. Il est important de reprendre les rênes après quarante minutes. Bien qu’au début cela soit trop court pour que les apprentis aient le temps de faire grand chose, une participation régulière aux interventions leur permettra de faire des progrès rapides, et probablement, après quelques mois seulement ils pourront réaliser entièrement une opération.
  2. Si un apprenti doit s’entraîner sur un point particulier, il est possible de le superviser en lui faisant réaliser la procédure pour chaque intervention inscrite sur la liste. De cette manière, des progrès très rapides sont réalisés lors de chaque session chirurgicale, mais chaque cas est tout de même réalisé en un temps raisonnable par le formateur.
  3. « La formation inversée » est une méthode d’apprentissage des procédures en partant de la fin. Par exemple, l’apprenti commencera par nouer les points de suture d’une extraction extracapsulaire de la cataracte. Si cela est bien fait, il peut la fois suivante effectuer lui même les points de suture, puis les nouer. Ensuite, il se chargera de l’irrigation et de l’aspiration, puis il réalisera l’opération. Ce principe permet aux apprenants de toujours travailler sur un œil en bon état, puisque le chirurgien formateur aura lui-même réalisé les étapes précédentes.
  4. Une attitude et une approche positives encouragent les apprentis, et l’humiliation ou les hurlements n’ont rien à voir avec la formation chirurgicale. Il est important de faire le point sur les phases de l’opération qui se sont bien déroulées, puis de parler de celles qui auraient pu être réalisées différemment. Ainsi, cela permet d’identifier les points à travailler la fois suivante. Il faut parfois aussi que certain entraînement soit supervisé.

La chirurgie moderne de la cataracte peut être très efficace et rendre la vue. Afin que tous les patients en bénéficient au mieux, la chirurgie doit être bien réalisée, et pour acquérir de bonnes connaissances chirurgicales, une formation supervisée et de qualité ainsi qu’un entraînement régulier et fréquent sont essentiels.

Note : Cet article a été précédemment publié dans Community Eye Health, n°42, Vol 15, 2002.