RSOC Vol. 11 No. 13 2014 pp 09 - 10. Publié en ligne 16 juillet 2014.

Glaucome et papille optique

Rupert RA Bourne

Chirurgien ophtalmologiste et spécialiste du glaucome, centres hospitaliers de Hinchingbrooke, Moorfields et Addenbrooke ; Professeur d’ophtalmologie, Anglia Ruskin University, Royaume-Uni.

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Figure 1. Papille optique normale. Rupert Bourne
Figure 1. Papille optique normale. Rupert Bourne

Tous les glaucomes s’accompagnent d’une neuropathie optique glauco- mateuse. L’examen de la papille optique est l’élément-clef qui permet d’identifier un glaucome et de décider de la conduite à tenir.

L’examen peut se faire par ophtalmoscopie directe, par ophtalmoscopie indirecte ou encore en utilisant une lampe à fente munie d’un verre de contact. Il peut être réalisé par des personnels de santé de différents niveaux, à condition qu’ils aient été dûment formés. Une pupille en mydriase facilite l’observation et en améliore la précision, quel que soit l’instrument utilisé. On peut également utiliser des instruments plus sophistiqués pour compléter l’examen clinique de la papille optique et obtenir des mesures quantitatives : polarimétrie à balayage laser, ophtalmoscopie confocale à balayage laser et tomographie à cohérence optique.

L’examen étant désagréable pour le patient, l’examinateur n’aura pas beaucoup de temps pour observer la papille optique. Par conséquent, avant de commencer l’examen, il est essentiel de bien connaître les caractéristiques d’une papille optique normale et celles d’une papille glaucoma- teuse et de savoir repérer les signes d’une suspicion de glaucome.

Caractéristiques d’une papille optique normale (Figure 1)

La papille optique ou disque optique est une sorte de « trou » rond ou ovale, dans lequel plus d’un million de fibres nerveuses passent au travers de la « lame criblée », une couche qui fait office de passoire, en quelque sorte. Ces fibres nerveuses se regroupent ensuite derrière l’œil pour former le nerf optique, qui va jusqu’au cerveau.

Les fibres nerveuses rétiniennes forment à la surface de la rétine une couche fine, d’épaisseur inégale, que l’on aperçoit bien juste au-dessus et juste au-dessous de la papille.

Les fibres nerveuses convergent vers la papille optique, passent par dessus l’anneau scléral (qui marque le bord de la papille), puis à la face interne de la papille. Ce regroupement important de fibres nerveuses au bord interne de l’anneau scléral nous apparaît sous la forme de l’anneau neurorétinien. L’excavation de la papille (ou « cup » en anglais) correspond à la zone centrale de l’anneau neurorétinien. Les vaisseaux sanguins de petite et moyenne tailles paraissent se couder à l’endroit où ils descendent dans l’excavation, ce qui permet de visualiser le bord externe de cette dernière (soit sa frontière avec l’anneau neurorétinien).

Dans la plupart des cas, une papille normale tend à être ovale suivant un axe vertical et la zone centrale de son anneau neurorétinien tend à être ovale suivant un axe horizontal.

En outre, dans la plupart des papilles normales (mais pas toutes), l’anneau neurorétinien est plus épais en position inférieure qu’en position supérieure, son épaisseur étant également plus importante en position supérieure qu’en position nasale. Il est le plus fin en position temporale. Soit l’ordre décroissant suivant : quadrant Inférieur, quadrant Supérieur, quadrant Nasal, quadrant Temporal (règle ISNT des anglo-saxons).

Figure 2. Neuropathie optique glaucomateuse : hémorragies en Flammèche. Rupert Bourne
Figure 2. Neuropathie optique glaucomateuse : hémorragies en Flammèche. Rupert Bourne

Caractéristiques d’une papille glaucomateuse

  • Élargissement généralisé ou focalisé de l’excavation. (Notez que le diamètre de l’excavation apparaît toujours plus petit en vision monoscopique qu’en vision stéréo- scopique).
  • Hémorragie papillaire se produisant dans un rayon égal à un diamètre papillaire (Figure 2).
  • Amincissement de l’anneau neurorétinien, généralement aux pôles supérieur et inférieur (Figures 3 & 4).
  • Asymétrie lorsqu’on compare l’excavation dans les deux yeux.
  • Perte de la couche de fibres nerveuses (Figure 5).

Signes supplémentaires renforçant la suspicion de glaucome

  • Ratio cup/disc ≥ 0,7. La mesure du ratio cup/disc vertical n’est pas suffisante à elle seule et peut même induire en erreur, car les papilles de petite taille auront une excavation de petite taille et donc un ratio cup/disc plus petit. Il est donc important de consigner la taille de la papille en notant sa hauteur (dimension verticale). Dans la plupart des populations, seulement 5 % des personnes ne présentant pas de glaucome ont un ratio cup/disc ≥ 0,7.
  • L’épaisseur de l’anneau neurorétinien n’obéit pas à la règle ISNT (voir plus haut).
  • Présence d’une atrophie péripapillaire (celle-ci est plus fréquente dans les yeux glauco- mateux).
Figure 3. Papille optique normale (a) et papille glaucomateuse de patients (b et c) à des stades différents de la maladie. Heiko Pilippin
Figure 3. Papille optique normale (a) et papille glaucomateuse de patients (b et c) à des stades différents de la maladie. Heiko Pilippin
Figure 4. Glaucome exfoliatif. Heiko Philippin
Figure 4. Glaucome exfoliatif. Heiko Philippin
Figure 5. Neuropathie optique glaucomateuse. Rupert Bourne
Figure 5. Neuropathie optique glaucomateuse. Rupert Bourne

Stratégie pour distinguer une papille glaucomateuse d’une papille normale

  1. Instillez un collyre mydriatique, si possible, lorsque cela ne présente aucun danger pour le patient.
  2. Identifiez le bord de la papille, le bord de l’excavation et l’anneau neurorétinien.
  3. L’épaisseur de l’anneau neurorétinien obéit-elle à la règle ISNT ?
  4. Y a-t-il une hémorragie ?
  5. Mesurez la hauteur (dimension verticale) de la papille optique.
  6. Estimez le ratio cup/disc vertical.
  7. Examinez la couche des fibres nerveuses rétiniennes en lumière verte, si nécessaire à la lampe à fente avec un verre de contact
  8. Dessinez et annotez un diagramme de la papille.
Figure 6. Exemple d'évolution d'une neuropathie optique glaucomateuse (oeil gauche) sur une durée de 7 ans. T Garway-Heath
Figure 6. Exemple d’évolution d’une neuropathie optique glaucomateuse (oeil gauche) sur une durée de 7 ans. T Garway-Heath

La neuropathie optique glaucomateuse a-t-elle évolué ?

L’apparition d’une ou de plusieurs caractéristiques glaucomateuses dans une papille optique ou l’accentuation de ces caractéristiques par rapport à un examen antérieur indique que la maladie s’est aggravée (Figure 6).

Les hémorragies papillaires peuvent durer de deux semaines à trois mois et elles sont un signe pronostique important dans l’évolution de la maladie. Il faut apporter beaucoup de soin à l’examen et consigner vos observations en détail. Les photographies sont fortement recommandées (de préférence en stéréoscopie).

Certaines techniques d’imagerie médicale permettent d’analyser l’évolution de la maladie, mais elles ne doivent pas se substituer à l’examen clinique détaillé. On doit pouvoir relier une détérioration progressive du champ visuel à des changements papillaires structurels.

Pièges et astuces

  • L’excavation de l’anneau neurorétinien est le signe d’une neuropathie optique glaucomateuse.
  • Une papille glaucomateuse à un stade avancé présente souvent un aspect blanchâtre, mais n’oubliez pas qu’une papille blanchâtre peut avoir d’autres causes, par exemple une atrophie optique.
  • La différence de couleur n’est pas un bon indicateur du bord de l’excavation. Il vaut mieux se fier au changement de direction des vaisseaux sanguins (Figure 4).
  • Les anomalies papillaires doivent pouvoir être corrélées avec les déficits du champ visuel. Si ce n’est pas le cas, d’autres examens seront nécessaires (par exemple tomodensitométrie ou IRM).
  • Le diamètre de l’excavation apparaît toujours plus petit en vision monoscopique qu’en vision stéréoscopique.