RSOC Vol. 07 No. 08 2010 pp 20. Publié en ligne 01 janvier 2010.

Le PNLC du Cameroun et la nécessité de développer les soins oculaires primaires

Blaise Noa Noatina

Ophtalmologiste, coordonnateur adjoint du PNLC, Ministère de la santé publique, Yaoundé, Cameroun.


Gilles Kagmeni

Ophtalmologiste, CHU de Yaoundé, Cameroun.

Related content

Le plan national de lutte contre la cécité (PNLC) du Cameroun a été adopté en décembre 2002 et s’intègre dans les activités des structures sanitaires décentralisées existantes publiques et privées. Le pays, dont la population s’élève à près de 18,5 millions d’habitants, est divisé en 10 régions administratives, 58 départements et 178 districts de santé.

Résultats encourageants

Depuis le lancement du PNLC, nous avons obtenu certains résultats encourageants, notamment dans les domaines de la lutte contre la cataracte, des infrastructures et du développement des ressources humaines.

Le taux de chirurgie de la cataracte est passé de 339 opérations par million d’habitants en 2000 à 805 en 2009.

En 2003, le pays comptait 57 centres de soins oculaires (tous niveaux de soins confondus). Il en compte aujourd’hui 65. De 2003 à 2009, 15 centres de soins oculaires (CSO) ont été réhabilités, construits et/ou équipés dans les localités suivantes : Limbé, Mutengene, Kumba, Mamfé, Buea, Douala, Yaoundé, Bertoua, Mbalmayo, Mbingo et Obala.

Afin de remédier au manque de personnel spécialisé, des cycles de formation spécialisés ont été ouverts dans le pays : maîtrise en soins oculaires depuis 2006/2007, formation des infirmiers spécialisés en ophtalmologie (ISO) depuis 2007/2008, formation des résidents en ophtalmologie depuis 2007/2008. Un cycle de formation d’opérateurs de la cataracte ouvrira bientôt pour former des techniciens spécialisés en ophtalmologie (TSO) à la chirurgie du segment antérieur (cataracte et glaucome) dans trois centres : Kolofata, Kousseri et Lagdo.

Le Tableau 1 résume l’évolution du personnel disponible pour lutter contre la cécité depuis le lancement du PNLC. Noter que neuf nouveaux ophtalmologistes ont été formés, mais huit ont pris leur retraite administrative. On déplore cependant encore un nombre insuffisant de réfractionnistes et de techniciens en basse vision.

Répartition inégale des personnels et des infrastructures

En dépit des progrès effectués depuis le lancement du PNLC, une grande partie de la population du pays n’a pas accès aux soins oculaires. En effet, les personnels et les CSO (primaire à tertiaire) sont pour la plupart rassemblés autour des grandes villes.

Les deux plus grandes métropoles, Douala et Yaoundé, où résident environ 22 % de la population du pays, rassemblent la majorité des personnels et infrastructures :

  • 60 % des ophtalmologistes y exercent
  • 83 % des centres de niveaux tertiaires y sont localisés (cinq sur six)
  • 36 % des centres de niveau secondaire sont dans ces deux villes (17 sur 47)
  • 67 % des centres primaires sont localisés dans les régions du Centre et du Littoral, qui ont pour chefs-lieux respectifs Yaoundé et Douala.

Chiffre encore plus parlant, seuls 23 % des districts de santé (DS) du pays (41 sur 178) sont couverts par un centre de soins oculaires (tous niveaux confondus), comme le montre le Tableau 2.

Défi à relever : la mise en place d’un système cohérent de prise en charge partant de soins primaires

77 % des districts de santé ne possèdent pas de centre de santé oculaire. Si l’on veut mettre au point un système cohérent de prise en charge des affections oculaires partant du niveau primaire, secondaire puis tertiaire, la mise en œuvre des soins oculaires primaires est cruciale. Elle permettrait notamment d’améliorer la couverture des zones rurales.

Des potentialités existent pour mettre en place un réseau de soins primaires, notamment les nombreux centres de santé intégrés existant en zone rurale et le vaste réseau de distributeurs communautaires existant dans le pays. En effet, 15 projets de traitement par l’ivermectine sous directives communautaires (TIDC) sont implantés dans les 10 régions et il existe à ce jour 27 818 distributeurs communautaires. En 2009, 4 802 275 traitements ont été distribués et le taux de couverture thérapeutique pour cette année était de 76 %. Il y a donc un vaste réseau communautaire auquel on peut faire appel pour les SOP (voir articles aux pages 15 et 18 du présent numéro).

La mise en place d’un réseau de centres de soins oculaires primaires aura également un effet bénéfique sur les centres de soins oculaires des autres niveaux, puisqu’actuellement les patients vont consulter dans les centres secondaires, et même tertiaires, pour des affections qui peuvent être prises en charge par des personnels moins qualifiés. Ceci entraîne un surcroît de travail qui ne permet pas aux ophtalmologistes de s’occuper des cas plus graves et de se consacrer à d’autres tâches (chirurgie, recherche, enseignement).

Tableau 1. Personnels disponibles pour lutter contre la cécité

Désignation Nombre en 2003 Nombre en 2009
Ophtalmologistes 47 50
Optométristes 2 3
Opérateurs de la cataracte 9 14
TSO/ISO 18 53
Réfractionnistes 5 5
Techniciens de maintenance 0 20
Techniciens basse vision 0 1
Orthoptistes 3 5

Tableau 2. Répartition des centres de soins oculaires (CSO) dans les différentes régions du Cameroun

Région Population (millions) Nb. de districts de santé (DS) par région Nb. de CSO existants Niveau I Nb. de CSO existants Niveau II Nb. de CSO existants Niveau III Nb. de DS couverts par au moins un CSO % de DS couverts par au moins un CSO
Adamaoua 0,8 8 0 1 0 1 12,5 %
Centre 2,9 29 6 10 4 8 27,6 %
Est 0,9 14 1 1 0 2 14,3 %
Extrême Nord 3,2 28 0 6 0 6 21,4 %
Littoral 2,6 18 2 13 1 5 27,3 %
Nord 1,4 15 0 4 0 4 26,7 %
Nord Ouest 2,2 18 1 3 0 4 22, 2 %
Ouest 2,3 20 2 3 1 5 25, 0 %
Sud 0,6 10 0 1 0 1 10, 0 %
Sud Ouest 1,5 18 0 5 0 5 27, 3 %
Total 18,4 178 12 47 6 41 23,0 %