RSOC Vol. 02 No. 01 2005 pp 21. Publié en ligne 01 août 2005.

Leçons à tirer du programme marocain de lutte contre le trachome

Youssef Chami, Jaouad Hammou, Jaouad Mahjour

Adresser toute correspondance à : Y. Chami-Khazraji, Directeur de la Division des maladies infectieuses, Ministère de la santé, 71 Avenue Ibn Sina, Agdal, Rabal 10 000, Maroc.

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Figure 1. Provinces ciblées par la lutte contre le trachome au Royaume du Maroc.
Figure 1. Provinces ciblées par la lutte contre le trachome au Royaume du Maroc.

En 1992, le Programme marocain de lutte contre la cécité a terminé son enquête nationale sur la prévalence et les causes de la déficience visuelle au Royaume du Maroc. Depuis lors, la prévention du trachome est devenue une priorité fondamentale du Programme. Au Royaume du Maroc, le trachome cécitant sévit uniquement dans cinq provinces méridionales : Errachidia, Figuig, Ouarzazate, Tata et Zagora. Ces provinces représentent 25 % du territoire national et leur population s’élève à 1 619 000.

Évolution du programme

Le Programme marocain de lutte contre la cécité s’est développé en deux phases-clés. La première phase, qui a établi les bases du programme, consistait à intégrer les activités de prévention aux systèmes de soins de santé oculaire et primaire, à établir des unités de coordination structurées pour permettre une collaboration à chaque niveau entre les différents secteurs, à former le personnel nécessaire et à sensibiliser la communauté par des groupes de développement local.

En 1997, l’adoption de la stratégie CHANCE a encore renforcé la lutte contre le trachome. Elle a favorisé une intégration plus poussée des activités, a amélioré la collaboration intersectorielle et encouragé une approche à base communautaire. Cette stratégie a bénéficié du soutien précieux de partenaires tels que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et des organisations non gouvernementales (ONG) internationales comme Helen Keller International (HKI), la Fondation Edna McConnell Clark, l’Initiative internationale contre le trachome (ITI) et Pfizer Inc.

En outre, la politique de décentralisation adoptée par le ministère de la santé a permis aux services de santé publique d’utiliser au mieux les ressources disponibles pour la prévention du trachome dans les régions d’endémie. Ceci a facilité le développement d’une « politique de proximité » qui répond plus efficacement aux besoins de la population. En effet :

  • une politique de proximité rapproche les services de santé de la communauté, ce qui permet de répondre aux inquiétudes de celle-ci et de fonctionner avec plus d’impact et d’efficacité
  • elle établit une communication directe entre l’État et ses partenaires sociaux sur le terrain (communautés locales et partenaires civils), ce qui permet d’identifier les « points de contact » avec la communauté les plus pertinents et de développer un meilleur équilibre dans les méthodes d’intervention publique
  • elle permet d’assurer une plus grande cohérence et une meilleure coordination des actions entreprises au niveau local

La prévention du trachome au Royaume du Maroc est actuellement dans une phase cruciale de consolidation, qui permettra de rendre les résultats permanents et d’éliminer la cécité par trachome en atteignant l’objectif ultime de l’intervention (OUI) pour chacune des quatre composantes de la stratégie CHANCE d’ici la fin 2005. Il faut noter également que, depuis son lancement, le Programme marocain de lutte contre la cécité a utilisé des procédures d’évaluation qui permettent, le cas échéant, de mettre en place des mesures de redressement en consultation étroite avec toutes les personnes concernées. En outre, un engagement politique à tous les niveaux de décision (national, local et du district) a fait de la prévention du trachome un problème de santé publique prioritaire dans les régions cibles.

Le nombre des interventions, autrefois pratiquées dans les hôpitaux régionaux, a augmenté lorsque celles-ci ont été décentralisées vers de petites unités sanitaires. MAROC. Hannah Kuper
Le nombre des interventions, autrefois pratiquées dans les hôpitaux régionaux, a augmenté lorsque celles-ci ont été décentralisées vers de petites unités sanitaires. MAROC. Hannah Kuper

Points forts du programme

En résumé, les points forts du Programme marocain pour l’élimination de la cécité par trachome sont les suivants :

1. Un engagement politique à tous les niveaux

2. L’intégration de la prévention aux services de santé oculaire et primaire

3. Une mise en œuvre intégrée de la stratégie CHANCE dans son ensemble. Ceci a facilité :

  a la structuration de comités pour coordonner les activités et faciliter la collaboration entre secteurs au niveau national, local et au niveau du district par des réunions régulières

  b l’adoption d’une approche à base locale (intégrée à d’autres activités sanitaires) pour répondre aux inquiétudes des communautés concernées

  c l’attribution de tâches entre les différents acteurs de la lutte contre le trachome, en fonction de leurs compétences respectives

  d la direction des opérations par le Programme marocain de lutte contre la cécité (PMLC), principal intervenant dans la lutte

4. L’adoption de l’évaluation comme composante fondamentale du suivi et de la planification

5. La décentralisation de la planification, du suivi et de l’évaluation

6. La communication au grand public des progrès de la lutte contre le trachome (visites de terrain par des professionnels des médias, interviews).