RSOC Vol. 08 No. 09 2011 pp 13 - 15. Publié en ligne 09 janvier 2011.

Méthodes d’évaluation

Detlef Prozesky

Directeur, Centre for Health Science Education, Faculty of Health Sciences, University of Witwatersrand, 7 York Road, Park Town, Johannesburg 2193, Afrique du Sud.


Sue Stevens

Anciennement infirmière conseillère pour le Community Eye Health Journal, International Centre for Eye Health, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Keppel Street, London WC1E 7HT, Royaume-Uni.


John Hubley (1949-2007)

Maître de conférences en promotion sanitaire, School of Health and Community Eye Care, Leeds Metropolitan University, Calverley Street, Leeds LS1 3HE, Royaume-Uni.

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La méthode d'évaluation choisie, tout comme la méthode d'enseignement, dépendra de ce que l'on veut que les apprenants retirent de la formation. OUGANDA. © Claire Walker
La méthode d’évaluation choisie, tout comme la méthode d’enseignement, dépendra de ce que l’on veut que les apprenants retirent de la formation. OUGANDA. © Claire Walker

Le cinquième volet de notre série aborde un aspect absolument essentiel de l’enseignement et de l’apprentissage : l’évaluation des connaissances et compétences de l’apprenant. Pourquoi cet aspect est-il si important ?

L’évaluation est au centre de l’apprentissage

L’évaluation est le moteur de l’apprentissage. Les apprenants se donnent en général beaucoup de peine pour découvrir exactement en quoi consistera l’examen. Pourquoi donc ? Tout simplement parce qu’ils veulent réussir l’examen ! Il y a toujours trop de choses à apprendre, donc il est logique que les apprenants se concentrent sur les connaissances nécessaires à la réussite de l’examen. Même si nous voulons que nos apprenants sachent poser un diagnostic, si l’examen ne teste que les faits les apprenants se contenteront très vite de mémoriser uniquement des données ! Par contre, si les apprenants savent que l’examen consiste à résoudre des problèmes cliniques, à diagnostiquer des maladies et à prendre en charge des malades, ils se prépareront en conséquence. Si l’examen ne comporte aucun volet pratique, les apprenants se tiendront à l’écart des consultations et passeront leur temps le nez dans les livres. En revanche, s’ils savent qu’ils vont avoir un examen clinique objectif structuré ou ECOS (voir encadré à la page 15), ils passeront du temps au chevet des patients afin de s’assurer qu’ils maîtrisent bien les compétences nécessaires. En pratique, ceci signifie que nous devons planifier nos examens avec beaucoup de soin, de façon à ce que les apprenants apprennent ce que nous souhaitons qu’ils apprennent.

Pourquoi évaluer les apprenants ?

La principale raison va de soi : nous voulons voir s’ils ont assimilé ce qui leur a été enseigné. Ce type d’évaluation, mis en œuvre à la fin d’une période d’enseignement, est qualifié d’évaluation sommative : il s’agit d’une récapitulation de ce que les apprenants ont appris. Il y a cependant d’autres raisons pour évaluer :

  • L’évaluation est très importante pour les apprenants parce qu’elle révèle leurs points faibles. C’est pourquoi les enseignants devraient toujours discuter de l’examen avec les étudiants, pour leur montrer quelles étaient les bonnes réponses et où ils ont fait des erreurs. Pour cette même raison, il faut rendre leurs notes et leurs copies aux apprenants aussi vite que possible. Ce type d’évaluation, qui a lieu pendant que l’apprenant est encore en train d’apprendre, est qualifié d’évaluation formative : elle « forme » ou « améliore » les apprenants.
  • L’évaluation fournit également des renseignements importants aux enseignants. Si les apprenants réussissent bien leur examen, cela montre aussi que les enseignants ont bien fait leur travail. Dans le cas contraire, il faut analyser la situation : peut-être les apprenants sont-ils surchargés de travail, ou l’examen est-il trop difficile ou compliqué, ou peut-être encore les apprenants n’abordent-ils pas l’examen et les révisions de façon optimale ?
  • Nous formons du personnel de santé à accomplir un travail. Afin de protéger la faire en sorte que les apprenants ayant terminé leur formation ne soient pas dangereux et connaissent suffisamment bien leur travail pour ne pas faire de mal à qui que ce soit. L’évaluation finale a pour rôle, entre autres, de vérifier que les apprenants ne présenteront aucun danger pour les patients : notre communauté attend que chacun accomplisse bien toutes les tâches qui lui sont déléguées.
Cet entretien évalue les connaissances de l'apprenant avant la formation. Les mêmes questions seront posées après la formation. TANZANIE. © Milka Mafwiri
Cet entretien évalue les connaissances de l’apprenant avant la formation. Les mêmes questions seront posées après la formation. TANZANIE. © Milka Mafwiri

L’évaluation doit être pertinente

Une bonne évaluation doit être pertinente, c’est-à-dire qu’elle doit tester ce qu’elle est censée mesurer. Imaginons que vous souhaitiez tester si les apprenants savent mesurer la pression intraoculaire (PIO). Vous pouvez leur demander de rédiger quelques paragraphes sur l’utilisation du tonomètre de Schiötz, mais cela ne vous dira pas s’ils savent l’utiliser pour mesurer la PIO. Votre méthode d’évaluation n’est pas pertinente. Une meilleure méthode consisterait à observer les apprenants pendant qu’ils mesurent la PIO d’un patient ; cela vous permettrait d’établir s’ils sont capables de le faire correctement. Cette seconde méthode d’évaluation est donc pertinente.

Pour tester les capacités de l'apprenant à communiquer, il vaut mieux l'observer en situation. CÔTE D'IVOIRE. © Ferdinand Ama
Pour tester les capacités de l’apprenant à communiquer, il vaut mieux l’observer en situation. CÔTE D’IVOIRE. © Ferdinand Ama

Dans l’article précédent de cette série (voir Revue de Santé Oculaire Communautaire janvier 2009 vol. 6 nº7, pages 18-20), nous avons évoqué la notion de domaines d’apprentissage. Nous avons vu qu’il faut utiliser une méthode spécifique pour permettre aux apprenants d’atteindre les objectifs de chaque domaine d’apprentissage particulier. Il en va de même pour l’évaluation : il faut évaluer chaque domaine d’apprentissage avec des approches spécifiques. Le Tableau 1 propose des exemples d’évaluation pouvant convenir à différents domaines d’apprentissage. Si vous suivez les lignes directrices de ce tableau, votre évaluation aura de fortes chances d’être pertinente ; elle testera ce qu’elle est censée mesurer.

Certains enseignants se complaisent à poser des « questions-pièges » pour « coincer » les apprenants. D’autres aiment poser des questions sur des maladies très rares et peu connues. Ce type d’évaluation n’est pas pertinent. En effet, une évaluation pertinente doit être claire et simple et elle doit être axée sur les connaissances indispensables à posséder (les « choses à savoir ») et les gestes à maîtriser (« le savoirfaire »), c’est-à-dire sur ce qui compte réellement dans la pratique quotidienne.

Enfin, lors d’une évaluation, l’enseignant utilise un échantillon de l’ensemble des savoirs qu’a dû acquérir l’apprenant, car il manque forcément de temps pour évaluer toutes les connaissances. Afin que l’évaluation soit pertinente, cet échantillon doit couvrir l’ensemble des connaissances et compétences que l’apprenant est censé maîtriser.

Tableau 1. Exemples de méthodes d’évaluation adaptées aux compétences à évaluer

Compétences ou objectifs contributifs à évaluer Méthodes d’évaluation appropriées
Compétence manuelle

  • Effectuer une rotation du tarse
  • L’évalué doit réaliser l’opération sur un patient présentant un entropion, pendant que l’enseignant observe et évalue sa performance en se référant à une liste de contrôle
Aptitude à communiquer

  • Transmettre à une famille les connaissances nécessaires pour prévenir la survenue du trachome
  • L’évalué doit apprendre à une famille comment prévenir la survenue du trachome, pendant que l’enseignant observe et évalue sa performance en se référant à une liste de contrôle
Prise de décision

  • Diagnostiquer et prendre en charge un cas de trachome
  • On présente à l’évalué un patient atteint de trachome. L’évalué doit poser des questions au patient et l’examiner, puis expliquer comment il/elle pose son diagnostic, pendant que l’enseignant l’observe et l’interroge
  • L’enseignant peut aussi présenter à l’évalué une étude de cas par écrit (détaillant les antécédents et les résultats de l’examen du patient)
Connaissances

  • Connaissance des signes et symptômes, des stades de la maladie, de l’agent pathogène, des médicaments, de l’anatomie, de l’évolution de la maladie, de sa prévention, etc.
  • Examen écrit comportant des questions à réponse courte, des questions à choix multiple (QCM), ou des questions ouvertes à réponse longue
  • Épreuve orale
Comportement

  • Comportement caractérisé par la sollicitude et la bienveillance
  • L’enseignant observe l’évalué pendant que celui-ci exerce dans l’établissement de santé. Au bout d’une semaine environ, l’enseignant rédige l’évaluation finale de l’évalué en se servant d’une liste de contrôle

L’évaluation doit être fiable

Une bonne évaluation se doit d’être fiable. Ceci signifie que la note obtenue sera la même si on évalue le même apprenant à un autre moment ou si on refait cette évaluation en faisant appel à un autre enseignant.

Certains types d’évaluation sont plus fiables que d’autres (voir les deux encadrés ci-contre). Un examen clinique objectif structuré ou ECOS sera plus fiable que des travaux pratiques traditionnels faisant appel à des patients différents pour chaque étudiant. Un examen écrit (où tous les évalués doivent répondre aux mêmes questions) est généralement plus fiable qu’un examen oral (où les évalués ne sont pas tous interrogés par le même enseignant et ne répondent pas aux mêmes questions).

Avec un peu de réflexion, il est possible d’améliorer la fiabilité de tout type d’examen. Les examens de type « travaux pratiques » seront plus fiables si vous utilisez une liste de contrôle pour évaluer la performance de l’évalué. Les examens écrits seront plus fiables si les examinateurs sont équipés d’un document très clair indiquant les points attribués à chaque question.

Conclusion

Souvent, les enseignants passent plus de temps à préparer leurs cours et à les dispenser qu’à en évaluer les résultats. Ils doivent cependant apporter tout autant de soin à la préparation et à la conduite de l’évaluation, car celle-ci est le moteur de l’apprentissage. Tout temps passé à améliorer le contenu de l’examen sera très profitable, parce que les étudiants seront en conséquence de meilleurs apprenants.

Les questions à choix multiple ou QCM : séduisantes, mais fatales ?

Une question à choix multiple consiste en un énoncé principal ou vignette, se terminant par une question. Cet énoncé est suivi par un certain nombre de réponses possibles ou options, parmi lesquelles l’évalué devra faire son choix. Trois types de QCM sont couramment utilisés :

Les évaluations par QCM ne sont souvent pas très pertinentes. TANZANIA.
Les évaluations par QCM ne sont souvent pas très pertinentes. TANZANIA.
  1. La vignette de la QCM pose un problème (souvent d’ordre clinique) et une seule des propositions de réponse est correcte. La dernière phrase de la vignette demande sous une forme ou une autre laquelle de ces propositions est la plus probable. Ce type de QCM teste la capacité de l’évalué à résoudre un problème.
  2. La QCM comporte des réponses à apparier avec les questions. Ce type de QCM commence par une liste de dix à vingt réponses, suivie par une série de vignettes ou énoncés. La réponse à chaque énoncé est l’une des réponses de la liste.
  3. La vignette de la QCM est généralement courte et deux ou plus des cinq propositions de réponse peuvent être vraies. La dernière phrase de la vignette demande sous une forme ou une autre quelles propositions sont vraies parmi les propositions qui suivent. Ce type de QCM permet à l’examinateur d’évaluer des faits.

Les QCM sont très répandues parce qu’elles sont très fiables et sont en outre faciles à noter. Elles présentent cependant de sérieux inconvénients :

  1. Les étudiants comprennent souvent de travers une partie de la QCM (vignette ou options).
  2. Dans les QCM du troisième type décrit ci-dessus, chaque option doit être complètement vraie ou complètement fausse. Par conséquent, ce type de QCM ne convient que lorsque l’on évalue uniquement les faits ou données ; il ne permet pas d’évaluer l’application de ces faits (ce que permettent par contre les deux premiers types de QCM décrits ci-dessus).

Pour ces raisons, les évaluations par QCM ne sont souvent pas très pertinentes. Il est souhaitable de tester les QCM au préalable afin de vérifier qu’elles ne prêtent pas à confusion et que les évalués les comprendront correctement. Les personnes chargées de créer des QCM doivent au préalable suivre une formation ou consulter un manuel à cet usage.

Qu’est-ce qu’un ECOS ?

Un ECOS est un type particulier d’examen maintenant couramment utilisé. L’abréviation signifie :

Examen

Clinique : il s’agit d’un examen pratique qui teste uniquement les compétences de l’évalué. Il peut s’agir de compétences manuelles, par exemple l’examen de la chambre antérieure de L’œil , ou de compétences en communication, ou encore le recueil des antécédents d’un patient.

Objectif : si chaque évalué examine un patient différent, l’évaluation risque d’être injuste car certains patients sont plus faciles à examiner et certaines maladies plus faciles à diagnostiquer que d’autres. Dans l’ECOS, par conséquent, tous les évalués examinent le même patient et sont évalués par le même examinateur, c’est pourquoi on qualifie l’ECOS d’examen objectif.

Structuré : cet examen permet d’évaluer plusieurs compétences. Chaque compétence est évaluée dans une pièce séparée, que l’on peut appeler un poste. Chaque poste comporte une fiche sur laquelle figurent des consignes claires pour l’évalué, tout le matériel dont ce dernier aura besoin, un patient (le cas échéant), ainsi qu’un examinateur qui note en s’aidant d’une liste de contrôle. Un ECOS peut comporter dix postes et dix étudiants sont alors évalués en même temps. Chacun commence à un poste différent et, après cinq à dix minutes, passe au poste suivant.

Les bons ECOS sont un excellent moyen pour évaluer les compétences. Comme tous les examens pratiques, ils sont longs à préparer et à exécuter.

Note de la rédaction

Cet article est le cinquième dans notre série sur l’enseignement et l’apprentissage, tirée du livre des mêmes auteurs, Effective teaching and learning for eye health workers (International Centre for Eye Health, 2006). Les articles de cette série sont, dans l’ordre :

« Enseigner et apprendre », paru dans le vol. 4 n°4 (août 2007) de la Revue de Santé Oculaire Communautaire.

« Communication », paru dans le vol. 5 n°5 (janvier 2008).

« Développer un programme d’enseignement », paru dans le vol. 5 n°6 (août 2008).

« Méthodes d’enseignement », paru > dans le vol. 6 n°7 (janvier 2009). > Le sixième article de cette série paraîtra dans notre prochain numéro et s’intitulera : « Matériels d’apprentissage et d’enseignement ».

Le sixième article de cette série paraîtra dans notre prochain numéro et s’intitulera : « Matériels d’apprentissage et d’enseignement ».