RSOC Vol. 11 No. 13 2014 pp 01 - 02. Publié en ligne 16 juillet 2014.

Prise en charge du glaucome primaire à angle ouvert

Hannah Faal

Directrice, Africa Vision Research Institute, Durban, Afrique du Sud

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Nous devons aider les patients atteints de GPAO à comprendre la maladie, son traitement et son évolution possible. TANZANIE. Heiko Philippin
Nous devons aider les patients atteints de GPAO à comprendre la maladie, son traitement et son évolution possible. TANZANIE. Heiko Philippin

Le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO) est parfois surnommé « le voleur de vue ». Il ne s’accompagne d’aucune douleur ou gêne et entraîne une perte de vision tellement progressive que, très souvent, elle passe inaperçue pendant longtemps.

Le GPAO ne peut pas être guéri : sa prise en charge nécessite un traitement et/ou un suivi à vie. La cécité entraînée par le GPAO est irréversible, mais elle peut être prévenue par un diagnostic et un traitement précoces.

En tant que professionnels de la santé oculaire, nous ne devons pas seulement diagnostiquer et traiter les personnes atteintes de GPAO. Il nous faut gagner leur confiance et leur montrer que nous sommes là pour les aider.

Il est important de comprendre les craintes que peut susciter une intervention chirurgicale, d’autant qu’une opération est souvent le moyen le plus sûr de préserver la vue d’un patient atteint de GPAO. Beaucoup de personnes sont très angoissées à l’idée d’une opération, mais auront également des difficultés à acheter des médicaments ou à se rendre au centre de santé pour des visites de suivi. Si nous ne les aidons pas à vaincre leur peur et à se défaire de leurs idées fausses, ces personnes vont certainement perdre la vue.

Les patients eux-mêmes, ainsi que les proches qui s’occupent d’eux, sont essentiels au succès de la prise en charge du glaucome, qu’elle soit médicale ou chirurgicale. Ils doivent se rendre au service de soins oculaires pour l’opération et les visites de suivi et doivent instiller leur collyre suivant les consignes qui leur ont été données. Les patients peuvent également empêcher que leurs proches ne perdent la vue à cause du GPAO, en encourageant leurs parents au premier degré (père, mère, frères, sœurs et enfants d’âge adulte) à se faire examiner les yeux.

Il peut être très utile de se renseigner sur ce que la communauté pense du GPAO, sur ses connaissances et idées préconçues. Ceci vous permettra d’adapter au mieux les informations que vous fournissez aux patients et à leur famille et vous aidera à sensibiliser la communauté à la maladie.

Lorsque le GPAO est pris en charge par un traitement médical, il faut prendre le temps d’expliquer au patient et à ses aidants qu’ils ont un rôle important à jouer. Il faut aussi aborder tous les détails pratiques, notamment :

  • Ce qui se passe lorsque le patient ne prend pas son traitement
  • Comment et quand instiller le collyre
  • Où acheter le collyre, où l’entreposer et combien il coûte
  • Comment éviter les contrefaçons
  • Comment repérer que la vision se dégrade.

Les patients à qui l’on annonce un diagnostic de GPAO doivent assimiler beaucoup d’informations d’un coup. Ils auront sans doute du mal à accepter qu’ils risquent de perdre la vue et encore plus de difficulté à accepter qu’ils ne retrouveront pas la vision qu’ils ont déjà perdue. La réaction psychologique au diagnostic de GPAO varie selon les patients. Certains retardent le moment où ils devront agir, d’autres se réfugient dans le déni, d’autres encore consultent des tradipraticiens qui risquent de faire plus de mal que de bien.

Nous devons faire tout notre possible pour comprendre ce que ressentent nos patients. Ceci nous permettra de les aider à surmonter le désespoir et le découragement que suscite leur perte visuelle, par exemple en mettant l’accent sur la vision qui leur reste (qu’ils peuvent apprendre à mieux utiliser) plutôt que sur la vision qu’ils ont perdue à jamais. Pour bien prendre en charge le glaucome, il est donc essentiel de forger des liens solides avec les services de basse vision et de réhabilitation à base communautaire.

Il existe beaucoup de similitudes entre le glaucome et d’autres maladies non transmissibles, comme l’hypertension et le diabète, qui entraînent des lésions durant une phase asymptomatique. La prise en charge du glaucome, comme celle de ces affections, requiert des examens réguliers et une bonne observance du traitement. Les parents proches risquent de développer la maladie et doivent eux aussi être examinés. Nous avons sans doute beaucoup à apprendre de nos collègues et nous pourrions appliquer à la prise en charge du glaucome les leçons tirées de la gestion de ces maladies non transmissibles. Les responsables des programmes pourraient adopter une approche stratégique semblable à celle utilisée pour le diabète et l’hypertension, comprenant par exemple la réalisation d’enquêtes, une réduction du prix des médicaments et des actions de plaidoyer pour l’inclusion du glaucome dans les politiques relatives aux maladies non transmissibles.

Pour bien prendre en charge le GPAO, nous devons consacrer suffisamment de temps à nos patients. Lorsque notre emploi du temps ne nous permet pas de le faire, nous devons organiser des entrevue avec un conseiller spécialement formé pour soutenir ces patients. Cette personne doit bien comprendre la maladie et les traitements disponibles, mais elle doit aussi être capable d’écouter les patients et de les aider à prendre les meilleures décisions possibles pour préserver leur vision. La création d’un groupe d’entraide mutuelle peut également apporter un certain réconfort aux patients qui ont du mal à accepter un diagnostic de GPAO.

Le traitement médical et chirurgical du GPAO relève des compétences du personnel spécialisé en ophtalmologie basé dans les établissements de niveaux secondaire et tertiaire du système de santé. Toutefois, une prise en charge efficace du GPAO requiert la participation de beaucoup d’autres personnes, comme les agents de santé primaire et communautaire, le personnel administratif, les responsables de la planification sanitaire, sans oublier le patient lui-même.

Quand le glaucome sera réellement devenu l’affaire de tous, nous pourrons enfin contrôler cette maladie et en atténuer les conséquences.

Glaucome primaire à angle ouvert : quelques chiffres

  • En 2010, on a estimé que 45 millions de personnes dans le monde étaient atteintes de GPAO
  • 4,5 millions de personnes (10 % des personnes atteintes) sont devenues aveugles à cause du GPAO
  • Il y a jusqu’à 4 fois plus de cas de GPAO chez les personnes d’origine africaine que dans les autres groupes ethniques, si l’on tient compte de la taille relative des populations.

Ces données sont tirées de : Johnson GJ et al. The epidemiology of eye disease (3ème édition). Londres, Royaume-Uni : Imperial College Press, 2012.