RSOC Vol. 09 No. 11 2012 pp 13 - 14. Publié en ligne 01 janvier 2012.

Recueillir des données pour lutter contre l’onchocercose

Adrian Hopkins

Directeur, Programme de donation du Mectizan®, 325 Swanton Way, Decatur, GA 30030, États-Unis. www.mectizan.org

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Les données recueillies au niveau communautaire permettent de prévoir les besoins en ivermectine pour le prochain cycle de traitement. GUINÉE. © Laura Crow/Sightsavers
Les données recueillies au niveau communautaire permettent de prévoir les besoins en ivermectine pour le prochain cycle de traitement. GUINÉE. © Laura Crow/Sightsavers

Onchocercose et Mectizan®

L’ivermectine (nom de marque Mectizan®) est fourni gratuitement depuis plus de 20 ans aux programmes de lutte contre l’onchocercose et depuis dix ans cette donation s’étend également à la lutte contre la filariose lymphatique. Les laboratoires Merck & Co., Inc. (également connus sous le nom de Laboratoires MSD) se sont engagés à faire don de Mectizan® (ivermectine) à tous ceux qui en ont besoin, pendant aussi longtemps que cela sera nécessaire. Mais de combien de comprimés a-t-on besoin ? Les patients isolés présentant des atteintes cutanées ou oculaires de la maladie n’ont besoin que d’un petit nombre de comprimés ; toutefois, lorsque la prévalence de ces manifestations de l’onchocercose est élevée dans une région donnée, il devient important de traiter toutes les personnes éligibles dans la communauté. Si près de 65 % de la population fait l’objet d’un traitement régulier à l’ivermectine, ceci diminuera fortement l’impact de la maladie. Si, toutefois, la couverture thérapeutique atteint 80 % de la population totale (ou 95 % à 100 % de la population éligible), nous finirons par éradiquer l’onchocercose. Le Mectizan® est généralement distribué une fois par an. Dans certaines régions, lorsque cela s’avère possible, le traitement est administré deux fois (voire quatre fois) par an afin de briser plus rapidement le cycle de transmission de la maladie. Il est donc particulièrement important de calculer correctement le nombre de comprimés qu’il faut produire et distribuer.

Quelles données faut-il recueillir ?

Afin de fournir la quantité d’ivermectine nécessaire, le programme de donation du Mectizan® a besoin des données suivantes :

  • population totale et/ou population éligible pour le traitement
  • couverture thérapeutique attendue
  • nombre de cycles de traitement prévus durant l’année.

Une fois que ces données ont été recueillies, le nombre de comprimés nécessaire peut être calculé. Toutefois, si le cycle de traitement de l’année précédente n’a pas été terminé, il faut ajuster ce nombre afin de ne pas accumuler des médicaments potentiellement périmés. La fabrication et l’acheminement des médicaments prennent du temps ; nous devons donc connaître à l’avance le nombre de comprimés à produire par an, afin que le Mectizan® soit disponible au moment où les programmes de lutte en ont besoin. Si les comptesrendus de traitement ou les difficultés éventuelles nous sont communiqués rapidement, les problèmes peuvent être résolus avant qu’ils n’aient un impact négatif sur la livraison des médicaments.

L’APOC (African Programme for Onchocerciasis Control ou Programme Africain de Lutte contre l’Onchocercose), qui est le principal partenaire du Programe de donation du Mectizan®, a élaboré la stratégie de traitement à l’ivermectine sous directives communautaires (TIDC). Une fois sensibilisées, les communautés s’approprient le programme de distribution et le gèrent elles-mêmes ; elles choisissent notamment leurs distributeurs communautaires et organisent la surveillance de la distribution au niveau communautaire. Pour que cette stratégie de distribution fonctionne, il nous faut établir une relation étroite avec les éléments les plus périphériques du système de santé primaire, soit généralement le personnel des centres de santé. Nous devons donc également recueillir des données sur les personnes impliquées dans la lutte contre l’onchocercose à tous les niveaux du système de santé : comment sont-elles formées ? Quel est leur rôle ? Combien de personnes doivent être formées ou suivre un recyclage ? Ces renseignements sont essentiels à la planification et au financement, en particulier lorsqu’il faut mettre en place des interventions supplémentaires ou modifier la stratégie de distribution.

Comment sont recueillies les données ?

Celles-ci sont recueillies à différents niveaux du système de santé.

  • Les distributeurs communautaires d’ivermectine notent les données relatives au traitement de la population locale. Durant la distribution, des bénévoles aident souvent les distributeurs à noter les données dans leur cahier ou registre. On utilise généralement une page par foyer ; cela facilite le suivi et permet de retrouver plus rapidement les personnes absentes le jour du traitement.
  • Les fiches-résumés du traitement préparées au niveau communautaire indiquent le nombre de personnes traitées, réparties par sexe et parfois par posologie (entre 1 et 4 comprimés), ainsi que les raisons pour lesquelles certaines personnes n’ont pas été traitées (trop jeune, enceinte, trop malade, absente, etc.).
  • L’infirmier du centre de santé recueille ces fiches dans toutes les communautés de la région sanitaire dont le centre est responsable. L’infirmier résume ces données et rajoute également tous les renseignements relatifs à la formation des distributeurs, à l’inventaire du nombre de comprimés, etc. Il envoie ensuite son rapport au district sanitaire.
  • Au niveau du district sanitaire, ces données sont centralisées et parfois saisies à l’ordinateur. Le personnel de district consigne également dans son rapport d’activité les données relatives à la formation, à la surveillance et à toutes les activités organisées au niveau du district.
  • Normalement, les données recueillies par le district sont également rassemblées au niveau de la province avant d’être communiquées au niveau national.
  • Les données nationales relatives à la distribution de Mectizan ® sont ensuite communiquées aux programmes de soutien et au programme de donation d’ivermectine.
  • Dans certains cas, on a tenté d’intégrer ces données aux systèmes d’information pour la gestion sanitaire déjà en place dans le pays. Ceci avance lentement et tout le monde ne s’accorde pas sur les indicateurs à utiliser.
  • Dans la mesure où les systèmes de santé sont généralement plus fragiles en périphérie (dans les régions rurales ou isolées), les données communautaires peuvent être recueillies en parallèle par des organisations non-gouvernementales (ONG) soutenant le programme de distribution ; celles-ci transmettent ensuite ces données au gouvernement afin qu’il puisse préparer son rapport. La donation de Mectizan® se fait souvent par l’intermédiaire des ONG ; elles sont donc un maillon important du processus de distribution.
Au niveau communautaire, le traitement administré à chaque individu est consigné dans un cahier. BURUNDI. © Adrian Hopkins
Au niveau communautaire, le traitement administré à chaque individu est consigné dans un cahier. BURUNDI. © Adrian Hopkins

Formation au recueil de données

À chaque niveau du système de santé, il faut former du personnel à recueillir les données cruciales au succès de la lutte contre l’onchocercose. La formation se fait généralement « en cascade », c’est-à-dire que chaque niveau forme le niveau qui lui est périphérique.

Une fois que la communauté a choisi ses distributeurs, ceux-ci reçoivent une formation extrêmement pratique, le plus près possible de leur communauté. On leur montre comment noter le traitement administré à chaque individu et à chaque famille dans un cahier d’exercice acheté localement ou dans des registres prévus à cet effet. Dans certaines communautés isolées, les distributeurs bénévoles sont parfois illettrés. Lorsque c’est le cas, les distributeurs peuvent être formés à utiliser une simple feuille de pointage (des feuilles de pointage sont d’ailleurs souvent utilisées par la suite pour regrouper les données recueillies). C’est généralement le personnel du centre de santé qui forme les distributeurs au niveau communautaire ; le personnel du centre de santé est lui-même formé par le personnel de district, qui a été formé au niveau de la province.

Cette formation en cascade est très efficace, mais il faut s’assurer que les messages importants sont communiqués correctement à chaque niveau. Ce processus doit être étroitement surveillé, car lorsque les données recueillies sont incorrectes, ceci a des conséquences néfastes sur le calcul du nombre de comprimés et sur la planification de la distribution.

Comment les données sont-elles analysées et utilisées ?

Les données recueillies par les distributeurs bénévoles sont généralement analysées au niveau de la communauté, afin de calculer :

  • le nombre total de personnes traitées
  • le nombre de comprimés utilisés
  • le taux de couverture thérapeutique (dans certains cas), soit le pourcentage de la population ayant reçu le traitement.

Les bénévoles peuvent également utiliser les feuilles de traitement par famille pour retrouver les personnes qui n’ont pas reçu le traitement et se rendre une deuxième fois à leur domicile, par exemple. Des bénévoles communautaires formés à cet effet peuvent également participer à l’analyse des données et au calcul du taux de couverture thérapeutique. L’infirmier du centre de santé vérifie généralement le taux de couverture et discute des résultats avec les bénévoles communautaires. Au niveau du district, on compare les différents centres de santé ; la couverture du district est calculée et les résultats sont présentés sous forme synthétique avant d’être communiqués au niveau de la province ou au niveau national.

Les données analysées sont utilisées différemment à chaque niveau :

  • Au niveau communautaire, on aborde avec les distributeurs communautaires les détails du traitement, y compris l’importance d’obtenir une couverture thérapeutique élevée. Les problèmes (par exemple les faibles taux de couverture) sont abordés afin de trouver ensemble des solutions. Parfois, on compare les taux de couverture de différentes communautés afin de déterminer qui a obtenu les meilleurs résultats.
  • Au niveau du centre de santé, on calcule le taux de couverture, on félicite les personnes ayant obtenu un taux élevé, on discute avec ceux qui ont obtenu un taux trop faible afin de trouver des solutions. C’est également le moment de parler des stratégies à adopter pour le prochain cycle de traitement et de calculer les besoins en ivermectine.
  • Au niveau du district, le taux de couverture est également une des principales préoccupations. Les données recueillies sont utilisées pour planifier l’organisation et le financement du cycle de traitement suivant (formation, recyclage, séances d’éducation sanitaire supplémentaires si nécessaire, etc.).
  • Au niveau national, les rapports sont utilisés pour calculer le besoin en comprimés pour l’année suivante.

Un rôle actif dans le recueil des données

Le recueil de données est essentiel au succès de la distribution de Mectizan® et de la lutte contre l’onchocercose. Les communautés concernées par le traitement recueillent elles-mêmes les données et participent activement à la préservation de leur propre santé.