RSOC Vol. 03 No. 02 2006 pp 46 - 47. Publié en ligne 09 août 2006.

Réparation des instruments d’ophtalmologie dans les centres de santé isolés

Sam Powdrill

106 Maple St. Wilmore, KY 40390, États-Unis. (anciennement membre du Tenwek Eye Unit, Bomet, Kenya).

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Un instrument autrefois en parfait état peut se retrouver tordu ou cassé : c’est une situation frustrante, à laquelle sont souvent confrontés les chirurgiens expérimentés travaillant dans des hôpitaux isolés. Beaucoup de centres de soins oculaires conservent une boite d’instruments à réparer, cachée un placard, dans l’espoir qu’un jour, quelqu’un puisse en faire quelque chose.

Cet article offre des conseils sur la manière dont on peut :

  1. Évaluer les instruments et identifier ceux que l’on peut réparer sur place, ceux qui doivent être envoyés chez un réparateur professionnel et ceux qui ne peuvent pas être réparés du tout.
  2. Faire des réglages et effectuer l’entretien et la réparation de base des instruments chirurgicaux.

Cet article fera essentiellement référence aux instruments utilisés dans une extraction extracapsulaire de la cataracte.

Figure 1. Jeu de base pour la réparation d’instruments.  Sam Powill
Figure 1. Jeu de base pour la réparation d’instruments. Sam Powill

Évaluation

Qualité de l’instrument

Un instrument de bonne qualité mérite d’être réparé. Beaucoup d’instruments bon marché, toutefois, ont mal été durcis et vont très vite s’abîmer, se tordre ou s’émousser ; ce n’est sans doute pas la peine de perdre son temps à les réparer.

Étendue des dégâts

Des fissures dans le métal, des écailles, ou encore des bords tranchants sur un instrument censé être à bout mousse, risquent de léser l’œil du patient durant l’intervention. Si ces défauts ne peuvent être réparés de façon à protéger les patients, il est préférable de se débarrasser de l’instrument abîmé. Les fissures au niveau des charnières, dans le cas de ciseaux, de porteaiguilles, de pinces et de pinces hémostatiques continueront à poser des problèmes d’alignement : elles ne peuvent être réparées. On peut parfois utiliser ces instruments abîmés comme pièces détachées.

Valeur de l’instrument

Si un instrument tel que des ciseaux à capsulotomie, qui sont un des instruments les plus délicats et les plus chers, doit faire l’objet d’un réglage ou d’un aiguisage, il vaut mieux l’envoyer chez un réparateur réputé. Ces ciseaux sont difficiles à aiguiser et leur métal est très dur et cassant. Toute tentative de couder l’instrument risque d’entraîner des dégâts irréparables.

Les instruments énumérés ci-dessous peuvent généralement être réparés sur place, si le technicien a l’expérience nécessaire :

  • Un crochet à strabisme est moins coûteux, constitué d’un métal plus mou et facile à redresser
  • Les ciseaux de Westcott peuvent généralement être ajustés, resserrés et aiguisés, mais il faut que le technicien soit soigneux et expérimenté
  • La plupart des pinces fines – pince colibri ou de Hoskins, pince à sutures, pince à griffes – peuvent être réajustées. Il est difficile de réparer des griffes cassées, mais cela peut éventuellement être fait. Il sera sans doute plus facile d’enlever toutes les griffes de la pince et d’en faire une pince à sutures
  • Si l’on dispose d’instruments adéquats, on peut créer une nouvelle rainure dans une pince à rainure.

Les couteaux ré-utilisables peuvent être aiguisés, à condition d’être capable d’aiguiser la pointe tout en gardant les bords lisses. Il est préférable de faire appel à un service professionnel de réparation pour l’aiguisage.

Rappel

  • Durant l’examen, le réglage et la réparation, il faut manipuler les instruments avec soin pour ne pas les abîmer et pour éviter de se blesser
  • Il faut toujours nettoyer et stériliser les instruments chirurgicaux avant de les réparer ou de les envoyer à un service de réparation
  • Les techniciens de réparation doivent porter des lunettes de protection, car les éclats métalliques pourraient entraîner un traumatisme oculaire.

Entretien

Inspection

Il faut d’abord déterminer quel est le problème. En pratique, c’est généralement une bonne idée de chercher une cause unique pouvant expliquer le mauvais fonctionnement d’un instrument. Le microscope opératoire, lorsqu’il n’est pas utilisé pour une intervention, peut servir à inspecter et à régler les instruments.

Essayez de voir : les pièces tordues, les charnières trop lâches ou fissurées, les lames de ciseaux ou les mors de pinces hémostatiques qui ne se rejoignent plus parfaitement ou sont trop émoussés, les griffes cassées, les rainures, les traces de rouille ou les parties brillantes en raison d’un frottement.

Figure 2
Figure 2

Soyez à l’écoute de cliquetis dans les pinces à griffes, les ciseaux ou les charnières.

Essayez de sentir au toucher les abrasions, les rugosités ou les zones de frottement.

Testez le tranchant ou la pointe des instruments. Pour tester les lames chirurgicales, percer un morceau de gant en caoutchouc tendu sur un petit récipient (par ex. une petite boîte cylindrique de pellicule photographique). La lame doit pénétrer sans accroc (sans faire de petit bruit et sans rencontrer de résistance).

Vérifiez le tranchant des ciseaux avec quelques morceaux de coton hydrophile. La coupure doit être nette et le coton ne doit pas accrocher.

Au cours de vos réparations, vérifiez les instruments de cette manière, à intervalles réguliers.

Nettoyage et lubrification des parties mobiles

Les instruments en acier inoxydable rouillent comme les autres si on les laisse mouillés. Vous pouvez réduire ce phénomène en utilisant toujours de l’eau distillée ou de l’eau de pluie lorsque vous faites bouillir les instruments ou lorsque vous les stérilisez à l’autoclave. Lorsqu’un instrument rouille, les parties mobiles (par ex. les charnières) cessent de fonctionner. Il existe dans le commerce des solutions de lavage pour enlever la rouille, mais il est généralement tout aussi efficace de laisser tremper les instruments dans du Coca- Cola pendant 30 minutes. Il ne faut pas les laisser tremper plus longtemps, car cela les endommagerait. Rincer ensuite à l’eau distillée.

Pour libérer la charnière rouillée ou bloquée de ciseaux ou d’un porte-aiguille, on peut appliquer un abrasif doux (par ex. pâte dentifrice) tout en ouvrant et fermant la charnière. Il existe des solutions à cet usage dans le commerce. Il faut laver soigneusement et sécher l’instrument avant d’appliquer un lubrifiant.

Les canules à double courant de Simcoe sont souvent obstruées. L’obstruction se situe presque toujours à l’extrémité où se fait l’aspiration. Il ne faut JAMAIS tenter de déboucher la canule en la chauffant avec une lampe à alcool, car cela ferait fondre la soudure et rendrait la canule rugueuse. Faites-la tremper dans l’eau, puis utilisez un petit fil d’acier inoxydable pour la déboucher, en le faisant pénétrer à une extrémité puis à l’autre. Vous pouvez travailler sous microscope opératoire ou sous lampe à fente pour mieux apprécier ce que vous faites.

Encadré nº1
Comment fabriquer votre propre outil à cambrer

Figures 3 et 4.
Figures 3 et 4.

Les dimensions suggérées pour un outil à cambrer sont : 2,5 cm de largeur, 12,5 cm de longueur et 3 à 6 mm d’épaisseur. Utilisez du laiton ou de l’acier doux (Figure 3). Les fentes dans l’outil à cambrer peuvent aller de la plus petite fente possible jusqu’à 3 à 6 mm de largeur. Les fentes doivent être étroites de préférence. Elles peuvent être taillées à la scie à métaux, puis lissées et élargies avec une petite lime.

Réglage et réparation

Alignement. Vérifiez les griffes et les mors sous microscope. Avec un peu d’expérience, en s’aidant d’un outil à cambrer fabriqué sur place, on peut facilement réparer beaucoup d’instruments (voir Encadré n°1, figures 3 & 4). Trouvez d’abord le point où l’alignement est le plus mauvais et commencez par le redresser. Lorsque vous utilisez l’outil à cambrer, choisissez une fente de taille adéquate pour l’instrument et redressez celui-ci un peu trop (surcorrection), car le métal se détend toujours un peu.

Limage. Lorsqu’on souhaite éliminer certains défauts ou redonner sa forme à l’instrument, il ne faut utiliser une lime qu’en dernier recours. Il est important de préserver la forme d’origine de l’instrument. Le limage enlève beaucoup de métal très rapidement et peut abîmer l’instrument de façon irréparable. Concentrez-vous d’abord sur les parties planes de l’instrument, puis n’enlevez que très peu de matière sur les bords et les coins.

Figure 5
Figure 5

Aiguisage. Il faut être précautionneux et expérimenté pour aiguiser des ciseaux et des couteaux ré-utilisables. Entraînez-vous d’abord sur de vieux instruments : il est très facile d’abîmer des instruments lorsqu’on est débutant.

  1. Tenir fermement l’instrument contre un petit billot ou le rebord d’une table.
  2. Toujours maintenir l’angle d’aiguisage adopté lors de la fabrication de l’instrument.
  3. Appliquer la pierre à aiguiser (pierre douce de grain 800 à 1 200) par des mouvements réguliers, en gardant toujours le même angle. On peut utiliser une lime diamantée de grain 600, plus coûteuse, pour aiguiser et former grossièrement.
  4. Aiguiser toujours dans une seule direction, vers le bord tranchant (Figure 5).
  5. Maintenir la lame de telle façon que la lumière s’y reflète, ce qui vous permettra de vérifier que vous gardez le même angle pendant l’aiguisage.
  6. Ne jamais aiguiser le long de la surface interne creusée de l’instrument, car celle-ci a été façonnée par une machine durant la fabrication.

Remarque : si l’on ne dispose pas de pierre à aiguiser, on peut utiliser à la place un papier d’émeri mouillé de grain 1 000, collé tout autour d’une baguette en bois.

Figure 6
Figure 6

Resserrage

La charnière de ciseaux ou d’un porteaiguille ou de pinces hémostatiques peut se desserrer. Les instruments de bonne qualité auront une charnière avec vis, mais beaucoup ont un rivet.

  1. Commencez par resserrer la vis, si c’est possible. Très souvent, la moitié de la tête de la vis se cassera. Tapotez alors doucement les bords de l’extrémité de la vis, pour l’empêcher de se desserrer à nouveau.
  2. Si vous êtes en présence d’un rivet ou d’une vis qui ne se desserre pas, vous pouvez resserrer la charnière en la posant à plat sur une surface métallique et en la tapotant doucement avec un très petit marteau (Figure 6).

Finissage. Un fini lisse et brillant résiste à la rouille. Un fini lisse et mat accroche moins la lumière et donc distrait moins le chirurgien pendant l’opération.

Pour réparer le fini d’un instrument, commencez par utilisez des abrasifs à gros grain, puis de plus en plus doux, et finissez par une solution de polissage.

L’aiguisage final des ciseaux ne doit être fait qu’un fois le polissage terminé. Assurezvous que les instruments ont bien été nettoyés pour éliminer les grains, avant de les réutiliser.

On recommande le papier d’émeri mouillé de grain 200, 400, 600 et 1 000. Il faut toujours l’utiliser avec de l’eau et peut-être un peu de savon liquide. Les fournisseurs de bijouterie vendent beaucoup d’abrasifs qui sont excellents, mais très coûteux.