Améliorer les résultats des soins grâce à l’audit clinique
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L’audit clinique : de quoi s’agit-il ?
Effectuer un audit clinique, c’est évaluer la qualité des soins prodigués à l’aide de critères pertinents. S’il s’avère que nous ne satisfaisons pas les critères que nous nous sommes fixés, l’audit devrait nous aider à comprendre les causes de cet échec, afin que nous puissions définir des priorités et effectuer les améliorations nécessaires.
L’audit s’inscrit dans le cycle d’activités suivant :
- Sélectionner des critères ou références (nous pouvons soit les choisir nous-mêmes soit adopter des normes ou directives existantes).
- Effectuer l’audit clinique (ou analyser les résultats d’un suivi en cours) et identifier les aspects de notre travail qui ne satisfont pas les critères choisis.
- Identifier les causes de notre échec, déterminer nos priorités et mettre en œuvre les actions nécessaires pour améliorer notre travail.
- Vérifier qu’il s’est produit une amélioration (en effectuant un nouvel audit ou en suivant un ou deux indicateurs, par exemple le résultat visuel ou le nombre de patients) et trouver d’autres solutions s’il n’y a pas eu d’amélioration.
- En cas d’amélioration, recommencer ce cycle d’activités afin d’identifier et de corriger d’autres problèmes éventuels ou bien afin d’évaluer notre travail à l’aide de nouveaux critères.
À la fin de chaque cycle d’audit, vous devriez constater une nouvelle amélioration des soins prodigués aux patients.
L’audit et la recherche sont deux choses différentes, bien qu’il existe parfois un certain chevauchement entre ces deux concepts. L’audit ne permet pas de montrer qu’une technique ou méthode thérapeutique est meilleure qu’une autre : pour ce faire, il faut généralement mettre en œuvre un essai clinique prospectif randomisé. Si vous observez des différences entre les résultats des soins, celles-ci peuvent être dues à un grand nombre de facteurs : sélection des cas, histoire naturelle de la maladie, ressources disponibles, formation suivie par le personnel, etc. C’est précisément ces facteurs que votre audit tente de comprendre.
Quels sont les bénéfices d’un audit ?
Voici quelques exemples de bénéfices que vous pouvez retirer d’un audit clinique :
Prouver vos besoins de ressources. L’audit est un outil très puissant quand il s’agit de justifier, preuves à l’appui, que vous avez besoin de certaines ressources spécifiques pour améliorer la qualité de vos résultats ou votre performance. Ces ressources peuvent être du personnel supplémentaire pour réduire la durée d’attente en salle de consultation ou un appareil spécifique (par exemple échographe pour la biométrie en mode A, qui vous permettra d’améliorer les résultats visuels de la correction optique après chirurgie de la cataracte).
Récolter des informations utiles pour l’équipe de stratégie avancée dans la communauté. L’audit et le suivi des données relatives aux patients peuvent identifier certaines caractéristiques parmi les patients qui consultent en chirurgie oculaire. Par exemple, la proportion de membres de la communauté qui se présente à l’hôpital sur recommandation de l’équipe de stratégie avancée peut varier en fonction de l’âge du patient, de son sexe, de son état visuel, ou de son lieu de résidence. L’équipe de stratégie avancée pourra régler ces problèmes une fois qu’ils auront été identifiés et compris.
Comprendre l’impact des changements sur l’hôpital. Si vous les réalisez sur une durée suffisamment longue, l’audit et le suivi (en particulier le suivi des caractéristiques des patients qui consultent) montreront l’effet de tout changement dans la qualité des soins ou conseils prodigués ou dans la gestion de l’hôpital (par exemple mise en place d’une assistance psychologique postopératoire ou amélioration de la propreté de la salle d’attente).
Identifier les groupes à haut risque. Si vous comparez l’état de santé et l’état visuel des patients en préopératoire avec le résultat chirurgical et visuel après l’opération, ce suivi vous permettra d’identifier les patients qui présentent un risque plus élevé de complications. Lorsque vous avez identifié les patients à haut risque, vous pouvez alors préparer le bloc opératoire en conséquence et l’ophtalmologiste peut faire en sorte que leur opération soit réalisée par un chirurgien expérimenté qui sera capable de gérer toute complication éventuelle.
Évaluer la qualité des soins. Certains résultats thérapeutiques se mesurent à très long terme. Par exemple, il est difficile de réaliser un audit des résultats du traitement du glaucome à angle ouvert, car il faut parfois attendre de nombreuses années avant de connaître l’issue du traitement. Vous pouvez cependant vérifier la qualité des soins en utilisant certains critères, qu’il s’agisse de normes établies par d’autres (instances nationales ou internationales par exemple) ou par vous-même. Par exemple, vous pouvez déterminer le taux de complication après une trabéculectomie et le comparer avec le taux obtenu dans d’autres hôpitaux dans votre pays.
Comment procéder
- Déterminez d’abord la question à laquelle vous souhaitez répondre. Quels sont les questions ou problèmes qui vous préoccupent particulièrement ? Vous êtes peut-être dans l’obligation de satisfaire à des normes de qualité établies au niveau national ou local, par exemple par un organisme de financement. Il se peut aussi que vous souhaitiez aborder des problèmes plus spécifiques. Les plaintes ou incidents critiques qui se sont produits dans votre hôpital (événements ou circonstances ayant involontarement causé du tort, de la souffrance, des pertes ou des dégâts) peuvent vous permettre d’identifier les problèmes que vous devez aborder.
- Rédigez un rapport fictif sur les résultats que vous souhaitez obtenir. Supposons par exemple que vous envisagez un audit des résultats du traitement de l’ulcère cornéen. Dans votre rapport final, vous mentionnerez vraisemblablement le traitement proposé, le temps moyen de cicatrisation, la durée moyenne d’hospitalisation, les résultats de culture et de coloration Gram, ainsi que l’acuité visuelle après traitement. Décidez de ce que vous souhaitez inclure dans votre rapport final ; ceci déterminera les données que vous devez recueillir afin de produire le rapport souhaité. Vous devez planifier à l’avance la façon dont vous analyserez les données recueillies et faire en sorte de recueillir ces données dans un format aussi facile que possible à analyser.
- Discutez de l’audit clinique avec votre personnel, en particulier avec ceux qui vont recueillir les données, afin qu’ils comprennent les raisons de l’audit. Tous les membres de l’équipe de soins oculaires impliqués dans le recueil des données doivent être suffisamment motivés pour recueillir ces données de façon régulière. Il est absolument crucial qu’ils comprennent que l’audit a un sens et que, au final, personnel et patients en retireront des bénéfices.
- Développez le formulaire que vous utiliserez pour le recueil des données. Le but doit être de recueillir des données suffisantes (nom, adresse, âge, sexe, date d’opération ou d’hospitalisation, acuité visuelle initiale et finale, renseignements sur le traitement ou l’opération, complications) sur tous les patients et pendant une longue durée, afin d’identifier des tendances éventuelles et de suivre les progrès réalisés.
- Testez ce formulaire sur un nombre de patients donné ou pendant une durée donnée. Évaluez ensuite ce premier essai. Avez-vous recueilli des données dont vous n’aviez pas besoin ou vous manque-t-il certaines données ? Le personnel a-t-il pu recueillir ces données sans aucun problème ?
- Modifiez le formulaire en fonction des conclusions de votre premier essai. Vérifiez que vous adhérez à ce principe important : recueillez uniquement les données que vous avez l’intention d’analyser. Vous aurez peut-être à gérer certaines contradictions. En effet, un suivi à des fins de gestion hospitalière nécessite un minimum de données sur tous les patients pendant une longue durée ; par contre, pour que le suivi puisse permettre aux chirurgiens oculaires d’améliorer leurs compétences chirurgicales et diagnostiques, il faut au contraire recueillir beaucoup de données cliniques détaillées mais sur un plus petit nombre de patients. Vous pouvez mettre en œuvre la solution suivante : l’équipe chirurgicale planifiera un recueil de données supplémentaire afin d’obtenir les détails dont elle a besoin, par exemple en remplissant un autre formulaire de suivi plus détaillé tous les cinq ou dix patients.
- Commencez l’audit et le recueil des données.
- Analysez les données à des intervalles définis au préalable ; la procédure habituelle consiste à « verrouiller » la base de données avant chaque analyse.
- Informez à intervalles réguliers toutes les personnes concernées par l’audit. Organisez régulièrement des réunions durant lesquelles vous commenterez les résultats obtenus et assurez-vous que tous les membres du personnel sont invités à participer. Au minimum, en plus des chirurgiens et des ophtalmologistes, ces réunions devraient inclure des infirmiers, des représentants du personnel de l’administration, de la comptabilité, de l’équipe de stratégie avancée, de la pharmacie et de l’intendance. Si les mauvais résultats sont dus à une mauvaise sélection des cas, alors l’équipe qui recrute des patients dans la communauté doit être mise au courant. Si les mauvais résultats sont dus à des endophtalmies et les chirurgiens décident de réaliser une injection intracamérulaire de céfuroxime à titre prophylactique, alors les pharmaciens doivent être mis au courant car ils devront s’assurer que ce médicament est disponible et préparé à la bonne concentration.
- Prenez en compte les résultats de l’audit lors de toute planification ou prise de décision, afin d’améliorer le service de soins oculaires.
Étude de cas : l’exemple d’un audit réussi
Le service d’ophtalmologie de l’hôpital de Kikuyu, au Kenya, a effectué un audit de toutes les opérations de cataracte réalisées sur une période de douze mois. L’équipe a pu identifier que les plus mauvais résultats visuels se produisaient lorsqu’il y avait eu perte de vitré. L’audit a également montré que lorsque les patients étaient aveugles avant l’opération (AV<1/20 dans les deux yeux) les résultats postopératoires étaient plus mauvais que lorsque les patients avaient une cataracte unilatérale et avaient gardé une vision utile dans l’autre œil. L’audit a également montré que la plupart des patients chez qui on obtenait une mauvaise acuité visuelle postopératoire présentaient des affections oculaires concomitantes, telles qu’un glaucome ou une opacité cornéenne.
Une fois qu’elle a pris connaissance de tous ces résultats, l’équipe a effectué les changements suivants : les chirurgiens ont suivi une formation supplémentaire pour mieux prendre en charge la perte de vitré et les patients présentant une cataracte cécitante bilatérale sont maintenant confiés aux chirurgiens les plus expérimentés. Il s’est également produit un changement de mentalité, ce qui est peut-être le plus important : l’équipe ne se préoccupe plus seulement de la quantité d’opérations de la cataracte, mais également du résultat de ces interventions. Par conséquent, l’équipe sélectionne mieux les patients et opère moins de personnes qui présentent d’autres affections cécitantes et ne retireront très probablement aucun bénéfice d’une opération de la cataracte.
Durant l’année qu’a duré l’audit, les résultats obtenus ont été communiqués à l’équipe à intervalles réguliers. Pendant cette même période, on a observé de manière très significative une amélioration constante du nombre de bons résultats et une diminution du nombre de mauvais résultats. Sans cet audit, les chirurgiens n’auraient pas eu connaissance des changements à effectuer et cette amélioration des résultats ne se serait pas produite.
Suggestions pour réussir un audit
Réduisez le plus possible la charge de travail supplémentaire qu’engendrera le recueil des données nécessaires à l’audit. Si possible, faites en sorte que ces données soient recueillies lorsque le personnel enregistre les données cliniques comme il en a l’habitude. Vous pouvez utiliser à cette fin un formulaire standard. Celui-ci permettra de recueillir les informations nécessaires et facilitera la tâche de la personne chargée de la saisie informatique. Placez le formulaire dans le dossier du patient ; il servira de dossier clinique pour enregistrer les données opératoires et postopératoires.
Vous devez recueillir des données sur tous les patients, y compris ceux pour lesquels un bon résultat thérapeutique est impossible en raison d’affections concomitantes préexistantes (comme par exemple les patients chez qui on a déjà opéré un glaucome). Certes, ceci aura pour effet d’augmenter le taux de mauvais résultats, mais vous obtiendrez une estimation beaucoup plus fiable des résultats de votre service.
Un audit doit également vérifier la sécurité et permettre d’identifier les erreurs courantes tout comme les erreurs graves beaucoup plus rares. Pour ce faire, il est important d’enregistrer à la fois les plaintes des patients et les erreurs médicales critiques qui ont menacé la vie du patient. Le recueil de ce type de données doit être intégré aux activités quotidiennes et effectué de façon régulière.
Pour conclure, le but d’un audit n’est pas d’identifier une personne coupable et de la punir. Nous commettons tous des erreurs de temps en temps et nous avons tous à gérer des complications. Le but d’un audit est d’identifier les problèmes et d’en tirer des leçons afin de ne pas répéter sans cesse les mêmes erreurs.
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