RSOC Vol. 13 No. 17 2016 pp 40-41. Publié en ligne 31 mars 2017.

Améliorer l’observance du dépistage et du traitement de la rétinopathie diabétique

Karinya Lewis

Specialist registrar (en formation), University Hospitals Southampton, Royaume-Uni.


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Montrez aux patients leurs photographies rétiniennes pour souligner l’évolution observée. BOTSWANA  © Peter Blows
Montrez aux patients leurs photographies rétiniennes pour souligner l’évolution observée. BOTSWANA © Peter Blows

Quels sont les obstacles à l’observance du dépistage et du traitement de la rétinopathie diabétique et comment peut-on les surmonter ?

Parce que la rétinopathie diabétique (RD) est asymptomatique au départ, les patients ne se rendent compte qu’ils en souffrent que lorsque leur vision est affectée, soit lorsque la RD a atteint un stade proliférant ou ils ont développé un oedème maculaire. Malheureusement, une fois qu’il y a eu perte visuelle, celle-ci risque d’être définitive.

Pour prévenir les pertes visuelles, il est essentiel de détecter la RD à un stade précoce, avant le stade proliférant. Ceci ne peut se faire que si la personne atteinte de diabète subit régulièrement (généralement une fois par an) des examens de la rétine et ce, dès la pose du diagnostic de diabète. De nombreux programmes de dépistage doivent faire face aux mêmes défis :

  • Les patients diabétiques ne se rendent pas toujours à leur rendez-vous périodique de dépistage de la RD.
  • Ils consultent plus volontiers lorsqu’ils ont une rétinopathie de stade avancé, ce qui entraîne des résultats visuels médiocres.
  • Ils acceptent mal le traitement au laser.

Dans les programmes nationaux de dépistage en population générale, le taux de participation souhaitable est de 80 %, chiffre difficile à atteindre. Au Royaume-Uni, le Programme de dépistage en population générale a mis cinq ans, à compter de son lancement en 2006, pour atteindre cette cible. La participation à la première séance de laser est, selon certaines sources, de l’ordre de 70 % ; cependant, selon certaines études, seulement 21 à 45 % des patients ayant débuté un traitement au laser avaient terminé le cycle de traitement prescrit lorsqu’ils ont été interrogés six mois plus tard.

Non-participation ou non-présentation des patients

Raisons liées au patient

  • La sensibilisation des patients au diabète et à ses complications oculaires est souvent limitée. Ils peuvent ne pas être au courant des centres de dépistage locaux.
  • Certains patients sont convaincus qu’ils n’ont pas besoin d’examens de la rétine ou de traitement oculaire, parce que leur vision est bonne, ou parce qu’ils souffrent d’une forme modérée de diabète ou encore parce qu’ils sont trop âgés.
  • Le coût : direct ou indirect (déplacement par exemple).
  • La distance jusqu’au centre de dépistage ou de traitement.
  • L’inconfort ressenti après instillation d’un collyre mydriatique.
  • L’effort requis pour se rendre à une autre consultation. Les diabétiques ont souvent de nombreux rendez-vous hospitaliers.
  • La crainte du traitement au laser et de son impact sur la qualité de vie et le travail.
  • Un manque de soutien au sein l’environnement familial.
  • La culpabilité entourant l’incapacité à maîtriser sa glycémie : les patients craignent qu’un examen oculaire, ou le fait de s’entendre dire qu’ils ont besoin d’un traitement au laser, ne fasse que confirmer leur sentiment de culpabilité.

Raisons liées au prestataire

  • La piètre qualité des services de conseil pour les patients diabétiques, chargés de leur expliquer les complications oculaires de leur maladie.
  • Un système inefficace de convocation des patients à une première visite et à des visites ultérieures.
  • Des délais d’attente longs (dépistage ou traitement).
  • Des mécanismes d’orientation compliqués ou des centres de prestation de services inaccessibles.

Évaluation de la situation

Pour déterminer les interventions éventuelles susceptibles d’améliorer l’observance du dépistage et du traitement, il faut prendre en compte les facteurs qui encouragent ou entravent la participation des patients. Après avoir évalué la situation, nous pourrons faire en sorte que les interventions ciblent les personnes les plus susceptibles de subir une perte de vision.

Taux de non-présentation

Il s’agit de la proportion ou du pourcentage de patients qui ne se présentent pas à leurs rendez-vous, que ce soit pour leur examen oculaire annuel ou pour un traitement au laser. Ce chiffre doit être aussi faible que possible.

Au niveau d’un centre de soins, l’on calcule le taux de non-participation, par exemple pour un mois donné, en divisant le nombre de patients qui ne se sont pas présentés à leur rendez-vous (pour un dépistage, des soins oculaires ou pour un traitement au laser) par le nombre de patients qui avaient un rendez-vous durant cette période donnée. Multiplier ce chiffre par 100 pour obtenir le pourcentage.

Couverture

La couverture est le pourcentage ou la proportion de la population-cible qui s’est soumise au dépistage. Dans le cas des maladies oculaires liées au diabète, « dépistage » signifie un examen oculaire annuel pour toute personne présentant un diabète. La couverture est une mesure importante de la qualité d’un programme et nous devons faire en sorte que ce chiffre soit aussi élevé que possible.

Pour calculer la couverture du dépistage offert par votre centre de soins ou votre programme, divisez le nombre de patients ayant subi leur test de dépistage annuel au cours d’une année donnée par le nombre de patients diabétiques dans votre bassin démographique, puis multipliez le résultat par 100 pour calculer votre couverture annuelle sous forme de pourcentage.

Le parcours de soins

Pouvez-vous identifier l’étape du parcours de soins, du dépistage au traitement, la plus affectée par la non-participation ? Observez vous un taux de non-présentation plus élevé dans certains lieux géographiques particuliers, par exemple ?

Qui ne se présente pas à son rendez-vous ?

Parmi les patients diabétiques, pouvez-vous identifier un sous-groupe spécifique qui pourrait bénéficier plus particulièrement d’une intervention ciblée ? (Par exemple les patients jeunes, les patients dont le diagnostic est récent, les personnes faisant face à des obstacles linguistiques ou les personnes au statut socio-économique faible ou dont le niveau d’éducation est faible.)

S’attaquer aux défis

Les suggestions pratiques suivantes améliorent l’expérience globale du patient, facilitent l’accès aux services et encouragent la participation des patients grâce à des interventions pédagogiques.

Responsabiliser les professionnels de la santé

  • Encouragez tous les professionnels paramédicaux impliqués dans la prise en charge du diabète à recommander personnellement à tous les patients diabétiques de subir un examen annuel de la rétine. Formez les agents de santé à offrir aux patients nouvellement diagnostiqués des programmes de formation intensive couvrant en particulier le diabète, le risque de cécité et la santé oculaire.
  • Encouragez les personnels de santé à soutenir les patients diabétiques (en particulier ceux dont le diabète est mal maîtrisé) et à chercher avec eux des solutions aux défis que leur impose le diabète. Il est essentiel de ne pas blâmer le patient ni de le culpabiliser.

Renforcer la communication avec les patients

L’utilisation d’un « passeport » diabète dans certains contextes s’est révélée être un bon outil pour responsabiliser les patients vis-à-vis de leur maladie et faciliter la communication entre les personnels de santé et les patients. Le patient apporte son passeport (un carnet ou dossier spécialement conçu à cet effet) à chaque rendez-vous et les professionnels de la santé y notent ses médicaments et ses résultats (glycémie, tension artérielle, cholestérol, fonction rénale, évaluation pomologique et classification de la RD le cas échéant), ainsi que les dates de ses examens à venir. Le passeport permet d’engager la conversation avec le patient sur son diabète.

Offrir une éducation sanitaire personnalisée

  • Les personnes responsables du dépistage ou les ophtalmologistes peuvent montrer aux patients les images de leur rétine et souligner tout changement survenu depuis le dernier dépistage annuel (amélioration ou détérioration), afin d’encourager les patients à revenir chaque année et à bien contrôler leur glycémie.
  • Les informations doivent être à la disposition du patient dans sa langue habituelle et en gros caractères.
  • Identifier les patients absentéistes et encourager leur participation

  • Il est courant dans les centres de soins oculaires de rayer des listes de patients suivis tout patient manquant un ou deux rendez-vous. Cependant, dans le cas de services de soins oculaires aux diabétiques, il faut identifier ces patients absentéistes et les contacter individuellement pour comprendre les raisons de leur absence (problème de calendrier, difficultés de transport ou angoisse, par exemple) et trouver des solutions.
  • Mettez en place un système efficace. Par exemple, utilisez des SMS pour envoyer aux patients des messages sur leur téléphone portable leur rappelant la date de leurs rendez-vous.
  • Pour les programmes à grande échelle, il est judicieux d’employer un coordinateur de la rétinopathie diabétique ayant pour responsabilité de suivre la qualité du programme et de s’assurer que les patients continuent de se présenter à leurs rendez-vous.

Considérations pratiques

Les mesures suivantes peuvent aider aider les patients à se présenter plus régulièrement à leurs rendez-vous :

Coût et accessibilité

  • Minimisez le coût pour le patient en réduisant le temps requis et la distance à parcourir.
  • Placez les centres de dépistage dans des endroits bien desservis par les transports.
  • Assurez-vous d’offrir aux patients la possibilité de modifier leur rendez-vous à une date qui leur convient mieux, en particulier s’ils ont un emploi.
  • Les patients préfèrent que leurs visites annuelles se déroulent de façon similaire. Si possible, ne modifiez pas le lieu et le déroulement de la consultation, pour que les patients s’accoutument au dépistage et que ce dernier devienne une habitude.

Temps d’attente et dilatation pupillaire

  • Recevoir les patients ponctuellement et efficacement réduit le temps durant lequel ils doivent s’absenter de leur travail et les encourage à revenir tous les ans.
  • La rétinographie sans collyre mydriatique est possible, mais, chez les patients âgés présentant une cataracte, la qualité de l’image obtenue peut ne pas être suffisante pour permettre la classification de la RD et les patients devront être rappelés par la suite, sauf si la qualité du cliché est contrôlée par l’opérateur lors du dépistage.

Centralisation des services

  • Certains services ont regroupé le dépistage de la rétinopathie diabétique avec d’autres contrôles réguliers comme la mesure de la tension artérielle et la vaccination antigrippale annuelle.
  • Les systèmes centralisés de prise de rendez-vous peuvent réduire la charge administrative et les coûts, mais offrent moins de flexibilité pour les personnes qui se présentent inopinément ou pour les membres d’une famille voulant prendre rendez-vous le même jour.

Améliorer l’observance du traitement au laser

  • Informez les patients sur le traitement au laser, l’objectif thérapeutique visé, la nécessité de se soumettre à toutes les séances de traitement (au moins deux séances sont généralement nécessaires) et le besoin d’attendre pour évaluer l’efficacité thérapeutique. Ceci doit être fait lorsque le patient consent au traitement au laser.
  • Mettez à disposition du patient des informations écrites et visuelles (par exemple images de la rétine) pour alimenter la discussion.
  • Le professionnel de la santé qui manipule le laser doit s’assurer que le patient est confortable, qu’il a subi une anesthésie adéquate et que le laser est réglé sur la puissance effective minimale.
  • Si l’anesthésie topique par collyre ne permet pas de réaliser le traitement au laser dans de bonnes conditions, il faut prévoir d’autres options comme la réalisation d’un bloc anesthésique local ou même une photocoagulation avec ophtalmoscope indirect sous anesthésie générale.
  • Les professionnels de la santé doivent reconnaître la douleur éventuelle causée par le traitement au laser et, plutôt que de s’irriter et de la nier, se montrer compréhensifs envers le patient. Ceci permettra d’établir une bonne relation et encouragera le patient à revenir pour les séances suivantes.