Assurer la sécurité des patients : guide pratique
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La sécurité des patients se définit comme la prévention des erreurs évitables et des préjudices que celles-ci causent aux patients. Elle représente le fondement d’une bonne prise en charge des patients et fait partie intégrante de la mise en œuvre de soins de qualité.
Lorsque nous pensons à la sécurité des patients, nous pensons généralement à la sécurité physique du patient, notamment la prévention des infections croisées et la prévention de l’infection du site chirurgical. De fait, ces aspects seront abordés ici. Cependant, nous devons également considérer les aspects de la sécurité du patient qui ne sont pas d’ordre physique, et qu’il est souvent plus difficile d’appréhender, afin de mettre en œuvre une prise en charge centrée sur le patient. Cela veut dire prodiguer des soins qui respectent et tiennent compte des besoins, croyances et préférences du patient. En d’autres termes, travailler avec le patient plutôt que de lui imposer une prise en charge. La deuxième partie de cet article traitera donc du consentement éclairé au traitement et de quelques principes qui sous-tendent la relation avec le patient dans un modèle de soins axés sur le patient.
Prévention des préjudices et lutte contre les infections
La prévention des infections et des infections croisées est importante pour protéger tant les patients que les personnels soignants. Il est très facile de transférer des organismes pathogènes (par exemple virus et bactéries) d’un endroit à un autre et, par conséquent, d’une personne à une autre. C’est important dans la vie de tous les jours, mais ça l’est encore plus dans un environnement hospitalier où les patients peuvent présenter des plaies ou un système immunitaire affaibli, ce qui les rend plus vulnérables aux infections.
Lavage des mains
Se laver les mains est l’une des actions les plus importantes que l’on puisse mettre en œuvre pour prévenir la propagation des infections, et donc prévenir la détérioration de l’état de santé ou même la mort. L’hygiène des mains protège également les personnels soignants des infections et permet de réaliser des économies en réduisant le besoin de recourir à des traitements onéreux une fois l’infection installée. Par ailleurs, lorsque le personnel se lave régulièrement les mains, ceci donne le bon exemple aux patients, à leurs proches et aux autres membres de l’équipe de soins oculaires.
Avant de se laver les mains
Il ne faut pas oublier que les microorganismes peuvent se loger sous les montres, les bagues et le vernis à ongles, et que le port de ces accessoires peut rendre inefficace tout lavage des mains. Vous devez donc enlever votre montre et toute bague comportant des pierres (les salissures pouvant se nicher autour de la pierre) et il faut absolument éviter de porter du vernis à ongles. Les bactéries et les salissures peuvent se loger sous l’extrémité d’un ongle long, donc il est important d’avoir les ongles courts lorsque l’on travaille dans le domaine de la santé, en particulier en ophtalmologie, discipline où les doigts sont souvent très proches des yeux du patient durant les soins.
Les griffures et les plaies sur les mains peuvent être le siège d’infections et peuvent également s’infecter. Il faut donc les couvrir.
Une fois que vous avez retiré bijoux, montre, vernis à ongles et faux ongles, que vos ongles sont coupés courts et que vous avez couvert toute fissure ou plaie ouverte (y compris coupures ou peau crevassée), vous pouvez alors vous laver les mains.
Avant de commencer, considérez la raison pour laquelle vous devez vous laver les mains, car le type de lavage sera différent :
- à la maison, entre différentes tâches ?
- au travail, pendant que vous soignez des patients ?
- au bloc opératoire ?
Lavage quotidien des mains
Celui-ci est nécessaire avant de toucher de la nourriture, après être allé aux toilettes, après avoir jardiné, après avoir joué avec un animal domestique ou encore après toute activité salissante. Ce lavage peut durer 30 à 40 secondes et s’effectuer au savon et à l’eau claire. Les mains doivent être essuyées avec un torchon propre.
Lavage des mains dans un environnement de soins
Celui-ci doit être effectué avant et après avoir prodigué des soins à un patient, après être allé aux toilettes, avant et après les repas et après avoir manipulé tout matériel sale ou contaminé. Ce lavage doit durer 30 à 40 secondes, comme à la maison, et la main entière et le poignet doivent être lavés. Ce lavage peut s’effectuer avec un savon liquide à usage hospitalier et de l’eau (le savon en barre peut héberger des microorganismes) ou avec un gel ou savonmousse antimicrobien (désinfectant pour les mains). Vous devez vous sécher les mains avec une serviette en papier propre à usage unique et vous assurer qu’elles sont parfaitement sèches avant d’entreprendre votre prochaine tâche. Le type de savon utilisé à la maison n’est généralement pas adapté à un usage en milieu hospitalier, mais s’il n’y a rien d’autre, c’est certainement mieux que rien.
Si vous utilisez un désinfectant pour les mains, frottez toute la surface de vos mains et de vos poignets, comme vous le feriez pour un lavage avec de l’eau, jusqu’à ce que le produit sèche.
Lavage chirurgical des mains
Il s’agit d’un lavage avec brossage des mains systématique et de bien plus longue durée, qui doit être effectué avec une solution de lavage antiseptique avant tout geste chirurgical.
À l’hôpital ou dans un environnement de soins, le savon ou la solution à utiliser devraient être placés près de leur lieu d’utilisation, mais assurez-vous cependant que tel est le cas. Les distributeurs de savon et les robinets sont généralement équipés de longues poignées qui peuvent être actionnées avec le coude pour que les mains brossées restent totalement propres.
Hygiène des mains
Les 5 indications à l’hygiène des mains1 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’appliquent partout et précisent qu’il faut se laver les mains :
- Avant de toucher un patient
- Avant d’exécuter une procédure aseptique
- Après une exposition (ou un risque d’exposition) à un liquide biologique
- Après avoir touché un patient
- Après un contact avec l’environnement du patient (surfaces et objets).
En ce qui concerne l’hygiène des mains, il appartient à tous les professionnels de santé :
- d’utiliser des techniques sûres d’hygiène des mains
- d’être proactifs en montrant l’exemple et en encourageant les autres à faire de même
- d’éduquer leurs patients et leurs collègues.
Propreté des patients
Le patient doit se laver avant tout acte chirurgical. Il n’y a que peu d’intérêt à ce que les infirmiers et les personnels soignants soient propres et assurent la propreté du bloc opératoire et des instruments, si le patient apporte des agents de contamination dans la salle d’opération. Ceci représente un risque pour le patient lui-même et pour les autres patients dans les alentours. Selon le contexte local, le patient peut se laver à son domicile ou à l’hôpital mais, dans tous les cas, il doit être informé de la nécessité d’être propre avant son opération. Lorsque le patient séjourne à l’hôpital, il est recommandé de prendre des dispositions, en respectant la culture locale, pour permettre au patient de se laver tous les jours et d’encourager l’hygiène des mains avant les repas et après le passage aux toilettes. Ceci aide à maintenir un bon niveau d’hygiène dans le centre de soins et donne au patient un bon exemple qu’il pourra ensuite suivre de retour à son domicile.
Gestion des déchets
Assurez-vous que l’ensemble du personnel connaît la politique de gestion des déchets, y compris les consignes d’élimination adéquate des déchets contaminés. Des gants doivent être portés lors de la manipulation des déchets et les mains doivent être lavées après avoir touché des déchets contaminés ou des déchets et fluides résultant d’une intervention chirurgicale. Le codage couleur des différents types de déchets est largement utilisé et il est important de ne pas mélanger les déchets qui doivent être traités différemment. Les déchets ou restes de fluides ne doivent pas être mis à l’égout (ce qui pourrait par ailleurs éclabousser l’infirmier), mais doivent être manipulés comme des déchets contaminés, de la façon prescrite. Les poubelles et leurs couvercles doivent être lavés régulièrement.
Nettoyage
Rappelez-vous de nettoyer le matériel après chaque patient ainsi qu’à la fin de la journée. Vous devez connaître les normes de nettoyage des équipements et vous assurer que vous et vos collègues nettoyez tout en début de consultation, après chaque patient et en fin de session.
Les objets spéciaux, comme les rideaux, doivent également être lavés, mais pas tous les jours. Consultez la politique de votre établissement pour savoir à quelle fréquence ces éléments doivent être lavés (par exemple une fois par mois, par trimestre, ou par semestre).
Il est toujours utile de se poser les questions suivantes : « Est-ce que je voudrais être examiné avec ce matériel ? Suis-je sûr qu’il n’est pas contaminé ? » Si la réponse est négative, il vous faut véritablement faire quelque chose pour améliorer la situation !
Identification des patients
Dans de nombreux pays, l’on attache au poignet du patient un bracelet imperméable comportant les mêmes informations d’identification que dans son dossier. Ceci permet de comparer les deux pour s’assurer qu’il s’agit bien du bon patient. Un codage couleur peut être utilisé pour indiquer les allergies ou d’autres maladies comme le diabète. Une solution plus abordable consiste à écrire les informations relatives au patient sur un morceau de sparadrap chirurgical renforcé que l’on colle sur la blouse du patient.
Marquage du site opératoire
Il est également recommandé de marquer le site opératoire pour s’assurer que l’acte chirurgical sera effectué du bon côté du corps et au bon endroit. La responsabilité de marquer le site peut revenir au chirurgien. En chirurgie oculaire, la marque est placée au-dessus de l’œil. Les infirmiers ne doivent pas présumer que le marquage est toujours correct, car une erreur est toujours possible. Ils doivent donc consulter le dossier et également interroger le patient à titre de vérification supplémentaire. Lorsque les patients doivent subir une opération bilatérale, il faut placer une marque au-dessus de chaque œil.
Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale de l’OMS
Il est important de réaliser la bonne intervention sur le bon patient au bon endroit et au bon moment, en utilisant les bonnes méthodes.
Si tel n’est pas le cas, les conséquences peuvent être très préjudiciables pour toutes les personnes concernées. Afin de faciliter ce procédé, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis au point une Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale2.
Cette liste de contrôle suggère d’effectuer des vérifications à trois moments clés : avant l’anesthésie (« Procédures initiales »), avant l’incision (« Vérifications ») et avant que le patient ne quitte la salle d’opération (« Procédures finales »). À ces trois moments, chaque membre de l’équipe suspend son activité pour se concentrer sur la sécurité du patient.
La liste de contrôle, désormais adoptée par des hôpitaux du monde entier, doit être remplie par tous les membres de l’équipe médicale, dont le chirurgien et l’anesthésiste.
La liste de contrôle type de l’OMS est présentée ci-dessous. Celle-ci peut être adaptée pour répondre aux besoins d’un hôpital ou d’une intervention particulière. Par exemple, le Royaume-Uni a sa propre liste de contrôle pour l’opération de la cataracte, disponible en ligne3.
Avant de débuter l’opération, tous les membres de l’équipe d’une discipline clinique particulière doivent vérifier que les informations contenues dans le dossier du patient correspondent bien au patient sur la table d’opération. Ils doivent également vérifier qu’ils ont tous les équipements, matériels, médicaments et instruments requis (la date d’utilisation des médicaments et des matériels doit être valide) et que, pour chaque discipline clinique, toute question éventuelle a été soulevée, discutée et, au besoin, a fait l’objet d’un suivi.
Droits, dignité et respect du patient
Les professionnels de la santé oculaire doivent travailler en équipe pour s’assurer que les patients sont en sécurité et qu’ils se sentent en sécurité. Les patients se sentent en sécurité et bien soignés lorsque leurs droits sont respectés et lorsqu’ils sont traités avec dignité.
À toutes les étapes de leur traitement, les patients doivent comprendre ce qui se passe ou ce qui est sur le point de leur arriver. Si vous constatez qu’un patient n’a pas compris ce qui lui a été dit, il est de votre devoir d’en informer le professionnel adéquat et de l’impliquer ou bien de communiquer au patient les informations adéquates et de vérifier que ce dernier les a véritablement comprises. Il est également très important que les patients reçoivent des informations cohérentes quant à leur état de santé et à leur prise en charge. Même s’il est du ressort du médecin de communiquer au patient et à sa famille des informations relatives au diagnostic et au traitement, l’infirmer doit savoir quelles informations ont été données. La raison en est que les patients parlent souvent à l’infirmier et lui posent des questions qu’ils ne poseraient pas au médecin, peut-être parce qu’ils sont gênés ou intimidés, ou simplement parce que la consultation avec ce dernier ne leur en a pas laissé le temps.
Consentement
Le consentement au traitement est donné par écrit, généralement lorsque le patient signe un formulaire de consentement. Une autre personne (par exemple un membre de l’équipe de santé oculaire ou un membre de la famille du patient) doit être témoin, signer et dater le formulaire dont une copie doit être donnée au patient. Avant que le patient ne signe le formulaire de consentement, il est impératif de vérifier qu’il comprend les points suivants :
- les risques et les avantages du traitement proposé
- les autres options thérapeutiques éventuelles
- les conséquences pour sa santé s’il ne suit pas le traitement.
Il faut donner aux patients la possibilité de poser des questions et leur répondre de manière satisfaisante, afin qu’ils puissent prendre une décision librement et indépendamment. Le patient a le droit de refuser ou de mettre en question le traitement proposé et son refus est absolument final même si nous pensons qu’il est dans le meilleur intérêt du patient de suivre le traitement. Notre devoir est donc d’informer nos patients, mais pas de les forcer à faire quelque chose qu’ils ne souhaitent pas faire. Les patients doivent être informés des personnes qui composeront l’équipe qui les suit (étudiants, par exemple). Si vous prenez des photos, leur utilisation éventuelle devra faire l’objet d’un consentement par le patient.
Croyances religieuses
Prêtez attention aux croyances religieuses et spirituelles des patients et, dans la mesure du possible, rassurez-les ou donnez-leur les informations qui leur permettent de concilier leur traitement avec leurs croyances religieuses ou spirituelles. Par exemple, les femmes qui portent un foulard pour des raisons religieuses doivent être informées, dès le début, que celui-ci sera retiré lors de l’opération, mais que ceci sera fait avec respect et délicatesse, et que cela est autorisé par leur pratique religieuse.
Les chefs religieux ou spirituels peuvent souvent aider l’équipe à gérer des besoins religieux spécifiques comme des exigences alimentaires ou de jeûne. Ils peuvent également rassurer les patients sur le plan spirituel.
Vie privée et sécurité
En tant que professionnels de la santé, les infirmiers doivent à tout moment protéger la vie privée et assurer la sécurité des patients. Le patient est en droit de s’attendre à ce que ses données personnelles restent confidentielles.
Il est important de :
- Ne pas divulguer les données du patient à qui que ce soit autre que le patient, son tuteur ou aidant le cas échéant, ou un membre de la famille que le patient lui-même vous a demandé d’informer.
- Ne pas donner à d’autres personnes l’opportunité de prendre connaissance des données du patient. Les dossiers et notes doivent donc, à tout moment, être conservés dans un endroit sûr.
- Ne pas discuter des patients en dehors de l’environnement clinique.
Assurez-vous que :
- À tout moment, le patient est en sécurité, confortable et n’est pas en danger. Les dangers potentiels incluent les trébuchements sur un obstacle non repéré, les chutes de lit, l’ingestion d’aliments lorsque cela n’est pas autorisé ou la contraction d’une infection nosocomiale.
- Les patients reçoivent leurs médicaments tels qu’ils ont été prescrits et, au besoin, quelqu’un leur a montré comment instiller correctement leur collyre.
- Les médicaments et les produits chimiques sont stockés de façon sécurisée afin qu’ils ne puissent pas être utilisés, volontairement ou non, par les patients, les visiteurs ou toute personne ne devant pas y avoir accès.
Références
1 OMS. Cinq indications à l’hygiène des mains.
2 OMS. Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale. Voir aussi : Manuel d’application de la liste de contrôle chirurgicale (Genève : OMS, 2009)
3 Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale de l’OMS pour la chirurgie de la cataracte (NHS).