RSOC Vol. 12 No. 14 2015 pp 17 - 18. Publié en ligne 20 juillet 2015.

Cartographier les MTN pour atteindre les objectifs de 2020

Simon J Brooker

Professor d’épidémiologie, London School of Hygiene & Tropical Medicine, London, Royaume-Uni.


Jennifer L Smith

Research Fellow, London School of Hygiene & Tropical Medicine, London, Royaume-Uni.


Rebecca M Flueckiger

Global Trachoma Mapping Project, NTD Support Center, Task Force for Global Health, Decatur, États-Unis.


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Un agent de santé examine les enfants durant une enquête sur le trachome. KENYA. Elizabeth Kurylo
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La cartographie des maladies est l’élaboration de cartes qui relient données épidémiologiques et informations géographiques. Aujourd’hui, ces cartes sont réalisées grâce à un système d’information géographique (SIG), un logiciel informatique qui permet la capture, le stockage, le traitement, l’analyse et la présentation de données spatiales.

Utilité des cartes

Les cartes sont importantes pour concevoir, mettre en oeuvre et évaluer les interventions visant à maîtriser et éliminer les maladies infectieuses, y compris les maladies tropicales négligées (MTN). En 2012, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a défini un ensemble d’objectifs de maîtrise et d’élimination des MTN à atteindre d’ici 20201. Pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs, il est important de comprendre la répartition géographique des MTN et son évolution dans le temps.

Dans le cas de MTN que l’on vise à éliminer au niveau mondial, telles que l’onchocercose, la filariose lymphatique et le trachome cécitant, il est essentiel de savoir où la transmission a lieu et quand les initiatives de lutte sont parvenues à l’éliminer. Dans le cas de MTN que l’on vise simplement à maîtriser, telles que le trachome, les géohelminthiases et la schistosomiase, les interventions présentant le meilleur rapport coût-efficacité sont celles qui se concentrent sur les zones géographiques où la prévalence de l’infection est la plus élevée. Par ailleurs, la cartographie des MTN peut être couplée à des données démographiques, afin d’estimer le fardeau de la maladie et le nombre de personnes ayant besoin d’une intervention. Ces informations sont essentielles pour estimer le coût des programmes et suivre leur impact dans le temps.

Il existe aujourd’hui de nombreuses initiatives basées sur un système SIG qui offrent des informations sur la répartition géographique des MTN (voir encadré).

Onchocercose, loase et filariose lymphatique

L’une des premières initiatives de cartographie fut celle du Programme africain de lutte contre l’onchocercose (APOC) qui mit en oeuvre la cartographie épidémiologique rapide de l’onchocercose (REMO, d’après l’anglais « rapid epidemiological mapping of onchocerciasis »). Le REMO identifie rapidement et à faible coût les zones prioritaires pour le traitement à l’ivermectine sous directives communautaires (TIDC) et estime le nombre de personnes ayant besoin d’un traitement. À ce jour, le REMO a permis de cartographier 23 pays d’Afrique.

L’APOC a également cartographié la répartition de la loase (ver de l’oeil). Ces cartes indiquent les zones où la prévalence de la loase est supérieure à 40 %. Les personnes présentant une charge parasitaire importante de Loa loa présentent un risque élevé de développer des effets secondaires graves suite à un traitement par ivermectine (utilisé pour lutter contre l’onchocercose et la filariose lymphatique).

La cartographie de la filariose lymphatique (FL) a été facilitée au cours des dernières années par l’utilisation de tests immunochromatographiques (tests sur carte ICT) pour détecter les antigènes circulants dans la filariose à Wuchereria bancrofti. Ceci permet d’évaluer à grande échelle les limites des zones d’endémie de la FL, et donc d’identifier les zones nécessitant une distribution de masse de médicaments (DMM). L’élaboration de cartes superposées de meilleure qualité indiquant la répartition de l’onchocercose, de la loase et de la FL permettra de planifier des programmes de lutte contre la FL et l’onchocercose mieux intégrés.

Géohelminthiases et schistosomiase

La cartographie des géohelminthiases et de la schistosomiase est en revanche moins systématique. Des études employant diverses méthodologies ont été menées par différents partenaires universitaires et gouvernementaux. L’Atlas mondial des helminthiases ou Atlas GAHI (Global Atlas of Helminth Infections) vise à rassembler et organiser en un seul endroit les données disponibles sur les géohelminthiases, la schistosomiase et la FL, afin de décrire leur répartition et leur prévalence dans le monde2. Ces données regroupées peuvent être exploitées à des fins épidémiologiques, par exemple pour estimer le nombre de personnes infectées par ces MTN ou pour prédire, grâce à des méthodes statistiques modernes, la répartition de l’infection dans les zones qui n’ont pas fait l’objet d’un échantillonnage3. Les cartes peuvent également indiquer où il est nécessaire d’effectuer des études complémentaires. Le site de l’Atlas GAHI permet aux utilisateurs de visualiser les données et modèles regroupés, de télécharger les cartes et d’accéder aux sources et données sous-jacentes. La base de données mondiale sur les MTN ou GNTD (Global Neglected Tropical Disease Database), une base de données en accès libre, offre des informations complémentaires sur la répartition des géohelminthiases et de la schistosomiase4.

Trachome

L’Atlas mondial du trachome ou GAT (Global Atlas of Trachoma), une initiative concertée, est une plateforme qui permet d’accéder librement à des cartes de la répartition du trachome au niveau infranational. Ce travail vise à fournir des données probantes pour l’attribution des ressources à la lutte contre le trachome, dont le traitement chirurgical et la distribution d’azithromycine, et également à identifier les zones qui doivent faire l’objet d’analyses cartographiques supplémentaires5. Pour combler ces manques, le GAT s’est associé au projet pour la cartographie mondiale du trachome, le GTMP ou Global Trachoma Mapping Project, financé par le département britannique chargé du développement international (DFID). Ce projet utilise les dernières technologies pour smartphones pour recueillir des données d’enquête sur le trachome et les compiler automatiquement dans une base de données connectée qui permet la mise à jour rapide des cartes. Depuis son lancement en 2012, le projet GTMP a réalisé des enquêtes sur le trachome dans près de 1 500 districts sur plus de deux millions de personnes. Il s’agit là d’une remarquable réussite de santé publique.

NTDmap.org

Les projets de cartographie spécifiques à une maladie offrent des informations importantes, mais l’utilité des cartes est décuplée lorsqu’elles peuvent être combinés en une seule ressource. L’outil de cartographie des MTN (www.ntdmap.org) a été développé par un consortium de partenaires chargés de recherches et de programmes, pour débloquer ce potentiel. L’objectif de cet outil est de permettre aux programmes nationaux d’utiliser des systèmes SIG. Il permet aux utilisateurs de créer des cartes pour quatre MTN : le trachome, la schistosomiase, les géohelminthiases et la filariose lymphatique. Les utilisateurs peuvent également visualiser l’accès à des sources d’eau salubre et à un assainissement de qualité. Les cartes peuvent être sauvegardées sous forme de fichiers images et imprimées. Il s’agit d’un outil convivial qui ne requiert pas de connaissance préalable des systèmes SIG.

Autres initiatives

Il existe d’autres initiatives de cartographie des MTN (voir encadré), dont la plateforme mondiale des MTN, l’Atlas de la trypanosomiase humaine africaine, le recueil électronique sur la leishmaniose (leishmaniasis e-compendium) et l’Observatoire de la santé mondiale de l’OMS, ainsi que les initiatives menées par les bureaux régionaux de l’OMS.

Conclusion

Les initiatives et atlas de cartographie des MTN cités ci-avant dépendent des contributions de l’ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les MTN. Les mises à jour et améliorations requièrent des informations complémentaires sur la prévalence de l’infection dans les pays. Si vous avez connaissance de données pertinentes qui pourraient être incluses, ou si vous souhaitez devenir un partenaire de ces initiatives, merci de bien vouloir contacter le projet en question. Il est essentiel d’avoir accès à des données probantes solides pour suivre les progrès accomplis par les programmes de lutte contre les MTN, à mesure que nous avançons dans la réalisation des objectifs fixés pour 2020.

Références

1 Crompton DWT (Ed). Agir plus vite pour réduire l’impact mondial des maladies tropicales négligées : Feuille de route pour la mise en oeuvre. Genève, Suisse : OMS, 2012.

2 Brooker S, Hotez PJ & Bundy DAP (2010). The Global Atlas of Helminth Infection: Mapping the way forward in neglected tropical disease control. PLoS Neglected Tropical Diseases 4, e779.

3 Pullan RL et al. (2011). Spatial modelling of soil-transmitted helminths in Kenya: a disease control planning tool. PLoS. Neglected Tropical Diseases 5, e958

4 Karagiannis-Voules DA et al. (2015). Spatial and temporal distribution of soil-transmitted helminth infection in sub-Saharan Africa: a systematic review and geostatistical meta-analysis. Lancet Infectious Diseases 15, 74–84

5 Smith JL et al. (2011). Mapping the global distribution of trachoma: why an updated atlas is needed. PLoS Neglected Tropical Diseases 5, e973.