RSOC Vol. 02 No. 01 2005 pp 08 - 09. Publié en ligne 01 août 2005.

Comparaison de la chirurgie à petite incision manuelle et de la chirurgie extra capsulaire classique par un essai clinique

Parikshit Gogate MS (Ophth) DNB FRCS Ed MSc

Chef de service, Directeur, Department of Community Eye Care, HV Desai Eye Hospital, 73/2 Tarawadewasti, Mohommadwadi Road, Hadapsar, Pune 411028, Inde

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Introduction

La chirurgie de la cataracte à petite incision manuelle (CCPI) est de plus en plus souvent employée pour l’extraction de la cataracte avec implantation d’un cristallin artificiel. On pense qu’une incision de petite taille cicatrise plus rapidement qu’une incision classique, induit moins d’astigmatisme et produit une meilleure acuité visuelle sans correction. Ce point est important : en effet, beaucoup de patients ne portent pas de lunettes après l’opération, ou ne peuvent se le permettre financièrement, et comptent sur leur acuité visuelle non corrigée pour pouvoir mener à bien leurs activités quotidiennes. Bien souvent, celle-ci est inférieure à 3/10, ce qui est bien en deçà de ce que l’Organisation mondiale de la Santé considère comme un « bon résultat » dans son classement du handicap visuel post- opératoire. Les techniques de chirurgie de la cataracte à petite incision permettraient, semble-t-il, d’atteindre l’objectif d’un résultat visuel post-opératoire supérieur ou égal à 3/10. Cependant, certains s’inquiètent de ce que la méthode d’extraction du noyau utilisée en chirurgie à petite incision manuelle soit plus traumatique pour l’endothélium cornéen que l’extraction extra capsulaire classique.

L’un des inconvénients de l’extraction extra capsulaire de la cataracte avec implant intraoculaire (EECC/IIO) est l’irritation et l’infection des points de suture, qui doivent alors être enlevés. Ceci s’avère être parfois une source de problèmes dans les programmes de santé oculaire communautaire de grande envergure : en effet, l’expertise et le matériel nécessaires à l’ablation des points de suture ne sont pas toujours disponibles dans des villages reculés et des visites répétées au centre de santé oculaire augmentent les coûts. Vraisemblablement, des patients sans suture seront plus à l’aise, se frotteront moins les yeux et se déclareront plus satisfaits de leur opération.

Lors du passage d’une technique à l’autre, il faut également prendre en compte le coût de l’intervention, aussi bien pour le prestataire de soins que pour le patient. Si une intervention produit de meilleurs résultats mais coûte beaucoup plus cher, elle peut engendrer des inégalités, car seuls les plus riches auront accès à cette meilleure technique. Ces points (résultat visuel, qualité de vie, satisfaction des patients et coût) ont été étudiés dans un essai clinique aléatoire, mené à Pune, en Inde, comparant l’extraction extra capsulaire de la cataracte avec implant intraoculaire et la chirurgie manuelle à petite incision avec implantation d’un cristallin artificiel1,2. Cet article en résume les résultats principaux.

Méthodes

Le but de l’essai clinique était de comparer la CCPI manuelle avec l’EECC classique, en prenant en compte la sûreté, l’efficacité, le coût et la qualité de vie. Au total, 741 patients, âgés de 40 à 90 ans et présentant une cataracte opérable, se sont vus attribuer au hasard la technique d’EECC ou la technique de CCPI manuelle. Un groupe de huit chirurgiens expérimentés ont pratiqué les opérations. Dans le cas de l’EECC, le noyau de la cataracte a été extrait par une incision limbique de 10 mm, puis le cortex a été aspiré et le cristallin artificiel implanté dans la chambre postérieure. L’incision a été suturée par des points séparés. Dans le cas de la CCPI manuelle, un tunnel scléral a été construit en utilisant un kératome et le noyau cristallinien amené dans la chambre antérieure. Le noyau a ensuite été extrait en utilisant une solution viscoélastique. L’aspiration du cortex et l’implantation du cristallin artificiel étaient semblables à la technique d’EECC, mais il n’était pas nécessaire de suturer car la plaie était auto étanche. Le suivi des patients a été effectué 1 semaine, 6 semaines, et un an après l’intervention, et à chaque occasion leur acuité visuelle a été mesurée avant et après réfraction.

Les questionnaires utilisés lors de l’étude sur les implants intraoculaires menée à Madurai3 ont été utilisés au cours de l’essai clinique à Pune, afin de comparer le degré de satisfaction des patients, leur fonction visuelle et leur qualité de vie. Ces questionnaires ont été conçus pour des patients atteints de cataracte aveugles des deux yeux.

Afin de comparer le coût de la CCPI manuelle avec celui de l’EECC classique, on a calculé pour les deux techniques les coûts d’installation fixes ainsi que les coûts de fonctionnement. Le coût moyen par intervention a été calculé en divisant le coût total par le nombre d’interventions pratiquées. Le coût moyen en personnel a été calculé en utilisant le temps requis pour pratiquer l’intervention. Celui-ci a été mesuré au moyen d’un chronomètre, en minutes et secondes.

Résultats

Sûreté et efficacité

Cette étude a montré que, 6 semaines après l’opération, on obtient plus fréquemment une acuité visuelle non corrigée supérieure ou égale à 3/10 lorsque les patients ont subi une CCPI manuelle que lorsqu’ils ont subi une EECC. Une acuité visuelle corrigée supérieure à 3/10 était également plus fréquente après une CCPI manuelle, mais la différence n’était pas statistiquement significative. Six semaines après l’opération, la proportion de mauvais résultats (acuité visuelle post-opératoire inférieure à 1/10) était de 1,7 % dans le cas de la CCPI manuelle et de 1,1 % dans le cas de l’EECC. Les taux de complications per-opératoires et post-opératoires étaient similaires dans les deux groupes, sauf dans le cas de l’œdème cornéen transitoire, plus fréquent après une CCPI manuelle. Après 6 semaines, toutefois, on n’observait aucune différence entre les deux types d’intervention.

Coûts

Cet essai clinique a montré que la CCPI manuelle était légèrement plus économique que l’EECC ; bien que le coût des lames de kératome soit élevé, il est compensé par les économies en termes de suture2. Le coût de l’équipement fixe était le même pour les deux techniques (US $ 11,34 pour le prestataire de service) et le coût des consommables était légèrement plus faible pour la CCPI manuelle que pour l’EECC classique (US $ 4,34 et US $ 4,48 respectivement). La CCPI a en moyenne pris moins de temps en raison de l’absence de sutures. Pour les huit chirurgiens pratiquant la CCPI manuelle, la durée moyenne de l’opération était de 12 minutes (les variations allant de 6 minutes 19 secondes à 27 minutes 25 secondes). Dans le cas de l’EECC, cette durée était de 12 minutes et demie (les variations allant de 7 minutes à 25 minutes 40 secondes). La CCPI manuelle reviendra sans doute moins cher à long terme, car elle nécessite moins de visites et moins de traitements médicamenteux en post-opératoire, et le port de lunettes après l’intervention est également moins fréquent.

Qualité de vie

En ce qui concerne la fonction visuelle et la qualité de vie, on n’observe pas de différence significative entre l’EECC classique et la CCPI manuelle. On observe une petite différence au niveau de la satisfaction des patients, les personnes ayant subi une CCPI manuelle se déclarant légèrement plus satisfaites.

Conclusions

Les résultats de cet essai clinique montrent que la CCPI manuelle produit de meilleurs résultats visuels à court terme que l’EECC classique, en particulier sans correction, sans pour autant produire plus de complications ou de mauvais résultats, et ce à un coût légèrement plus faible. Dans cette étude clinique, les inquiétudes concernant le risque de lésion de l’épithélium se sont avérées infondées. Une étude menée à Madurai a montré qu’après une CCPI manuelle, la perte de cellules endothéliales n’était que de 6 %4. Dans le cas de la CCPI manuelle, la plupart des problèmes surviennent lorsque la cataracte est très dure ou lorsque la pupille est petite1 ; dans ces cas particuliers, l’EECC pourrait être envisagée.

En définitive, dans le cas d’une cataracte sans complications, le choix d’une technique chirurgicale appropriée dépend du type de cataracte, de l’habileté du chirurgien et des ressources disponibles. La phacoémulsification entraîne une réhabilitation visuelle excellente et immédiate, mais son coût en termes d’équipement, de consommables et d’entretien la rend inabordable dans beaucoup de situations. La majorité des ophtalmologistes dans les pays en développement sont formés à la technique d’EECC classique. Il est plus facile de passer à la CCPI manuelle que de se former à la phacoémulsification, car la dynamique de la chambre antérieure dans la CCPI manuelle est semblable à celle de l’EECC classique. D’autres études sont nécessaires afin de comparer les différentes techniques et leurs variations et d’obtenir des preuves supplémentaires en termes de coût et de bénéfices.

Références

1 P. M. Gogate, M. Deshpande, R. P. Wormald, R. D. Deshpande, S. R. Kulkarni, « Extracapsular cataract surgery compared with manual small incision cataract surgery in community eye care setting in Western India : a randomized controlled trial », Br. J. Ophthalmol., 2003, 87, 667-672.

2 P. M. Gogate, M. Deshpande, R. P. Wormald, « Is manual small incision cataract surgery affordable in the developing countries ? A cost comparison with extracapsular cataract extraction », Br. J. Ophthalmol., 2003, 87, 843-846.

3 A. E. Fletcher, S. Selvaraj, V. Vijaykumar, R. D. Thulasiraj, L. B. Ellwein, « The Madurai intraocular lens study III : Visual functioning and quality of life outcomes », Am. J. Ophthalmol., 1998, 125, 26-35.

4 G. Natchiar, « Evaluation of MSICS (astigmatism and endothelial cell loss) », dans Manual Small Incision Cataract Surgery, Madurai, Aravind Publications, 2000, 43-48.