Enseigner et apprendre
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Le sens des mots lorsqu’on parle d’enseignement et d’apprentissage
Différents mots sont utilisés pour parler d’enseignement et d’apprentissage. Parfois un même mot n’a pas le même sens pour différentes personnes et parfois des mots différents ont le même sens.
Voici des exemples de mots dont le sens est proche :
- éducateur, enseignant, formateur, tuteur, professeur
- étudiant, élève, stagiaire, apprenant
Quel sens ces mots ont-ils pour vous ? Nul ne sera jamais complètement d’accord sur le « vrai » sens de ces mots que nous partageons et que nous utilisons. Lorsque deux personnes ne semblent pas bien se comprendre, il faut que chacun explicite le sens qu’il attribue au mot qui fausse la communication.
À propos de l’apprentissage
Nous interprétons tout en fonction de nos expériences passées. Ceci s’applique lors du processus d’apprentissage – nos idées sur l’apprentissage découlent de notre propre expérience antérieure. Par exemple, nous imaginons l’apprentissage comme une série d’activités se déroulant dans une salle de classe, dans une école ou une université. Le mot lui-même peut évoquer en nous l’image de quelqu’un assis à son bureau la nuit, tentant d’ingurgiter le plus de connaissances possibles pour réussir un examen. Toutefois, à bien y réfléchir, le concept d’apprentissage est bien plus vaste que cela. Après tout, les enfants apprennent beaucoup de choses avant même d’aller à l’école : ils apprennent à parler, à marcher… Les psychopédagogues considèrent que toute activité entraînant un changement de comportement peut être considérée comme un « apprentissage »1 . Voici d’autres idées sur l’apprentissage :
L’apprentissage peut être formel ou informel.
La vie au jour le jour nous enseigne des « choses » de façon informelle : ce qui nous arrive nous pousse à changer notre façon de penser et d’agir. Nous n’avons pas forcément conscience de cette forme d’apprentissage, ce qui entraîne parfois des problèmes ; par exemple, des agents de santé peuvent adopter de mauvaises habitudes en se conformant aux mauvais exemples émanant de personnes qu’ils côtoient. En dehors de cette façon informelle d’apprendre, l’apprentissage peut également être dispensé dans un cadre officiel, par exemple lorsque nous assistons à un cours structuré, dans une école ou dans tout autre établissement d’enseignement.
Nous n’apprenons pas seulement des connaissances et des faits, nous devons également acquérir des compétences et des attitudes.
Ceci est particulièrement important dans le cas des personnels de santé ; c’est en effet leur travail pratique qui a une influence sur la santé des personnes dont ils ont la charge. La capacité à prendre la meilleure décision possible est une compétence trop souvent négligée dans de nombreuses formations, mais il faut systématiquement en faire l’apprentissage. Il faut encore noter que nous n’apprenons pas les connaissances, les compétences et les attitudes de la même façon : par exemple, nous « apprenons » un nouveau concept au cours d’une discussion, alors que nous « apprenons » une compétence en la mettant en application et en l’améliorant grâce aux réactions en retour.
Chacun apprend d’une façon différente.
Les pédagogues ont identifié plusieurs « styles d’apprentissage »2. Certains d’entre nous se comportent comme des « receveurs » qui aiment mémoriser ce qu’on leur enseigne. Ce style d’apprentissage est très prisé. Il est renforcé par les enseignants qui s’attendent à ce que les étudiants mémorisent leur cours et qui les jugent sur leur capacité de mémorisation. D’autres personnes agissent plutôt comme des « détectives » : elles aiment, afin de mieux le comprendre, conduire une recherche personnelle sur ce qu’elles sont en train apprendre. D’autres encore se comportent comme des « générateurs » : ils préfèrent décider eux-mêmes de ce qu’ils souhaitent apprendre et rechercher ensuite les opportunités d’apprendre ce qu’ils veulent savoir ou savoir faire.
L’apprentissage peut être « superficiel » ou « profond »3.
Lorsque les connaissances sont simplement mémorisées (apprentissage dit « superficiel »), elles sont rapidement oubliées et risquent fort de n’avoir aucune influence sur la façon dont une personne exécutera son travail. Si le processus d’apprentissage est prodigué de telle sorte que l’étudiant mette activement en pratique les connaissances nouvellement acquises, l’apprentissage devient alors « profond ». L’apprenant devient capable d’établir un lien entre le nouveau savoir et ce qu’il sait déjà, et il comprend également comment l’utiliser en pratique. Il y a donc beaucoup plus de chances que les nouveaux savoirs mis en pratique soient ancrés et récupérables à long terme.
La motivation représente un facteur essentiel de l’apprentissage4.
Pourquoi les adultes ont-ils envie d’apprendre ? Certains veulent apprendre afin de mieux accomplir les tâches qui leur reviennent ; ils se sentent plus compétents et en retirent une satisfaction appréciable. Les gens sont également fortement motivés quand ils ont l’espoir d’être récompensés, par exemple en obtenant une qualification qui leur ouvrira la porte d’une promotion ou sera suivie d’un meilleur salaire. La nécessité de réussir des examens est par conséquent une motivation très forte.
L’apprentissage dure tout au long de la vie, tout au moins de façon informelle.
Nous savons tous que les agents de santé devraient continuer à apprendre tout au long de leur carrière, car dans leur domaine professionnel les connaissances évoluent rapidement. Toutefois, beaucoup de personnels n’ont pas accès à une formation continue sur leur lieu de travail. Ceci signifie qu’ils doivent eux-mêmes « se prendre en main » pour maintenir leurs connaissances à jour ; ils doivent devenir des « étudiants à vie ».
À propos de l’enseignement
Nos expériences passées influent sur notre façon d’envisager l’enseignement. Notre première expérience de l’enseignement remonte généralement à l’école, où l’enseignant est le « maître » ou la « maîtresse » édictant à toute la classe ce qui doit être fait et appris. Certains d’entre nous ont vécu une expérience similaire quelques années plus tard dans l’enseignement secondaire ou universitaire. D’autres ont pu faire l’expérience d’un enseignement où l’ « enseignant » considérait plutôt ses étudiants comme ses égaux, prenant en compte leurs expériences et avouant même qu’il apprenait certaines choses à leur contact. Voilà pourquoi Abbatt et McMahon écrivent que : « enseigner, c’est aider les autres à apprendre »5. Selon eux, celui ou celle qui a la tâche d’enseigner aux agents de santé doit constamment garder à l’esprit les quatre préceptes suivants :
L’enseignant doit décider de ce que les étudiants doivent savoir, donc doivent apprendre. Les étudiants eux-mêmes (ainsi que leurs employeurs potentiels) peuvent participer à cette prise de décision, mais le principe général reste le même : ce sont les tâches professionnelles que les étudiants doivent accomplir qui déterminent ce qu’ils doivent apprendre. Ils doivent assimiler les diverses connaissances, compétences et attitudes nécessaires à l’accomplissement de tâches ou d’une activité spécifiques.
L’enseignant doit aider les étudiants à apprendre.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, que l’enseignant « donne la becquée » à ses étudiants. Cela veut dire que sa première préoccupation est que ces étudiants apprennent le plus facilement possible. Les séances d’enseignement ou les cours doivent être planifiés avec soin, en prenant en compte les « styles d’apprentissage » que nous avons évoqués plus haut, la langue utilisée et le parcours des étudiants. En d’autres mots, les enseignants et l’enseignement doivent être centrés sur l’étudiant et non pas centrés sur l’enseignant. L’ enseignant ne doit pas se comporter en « dictateur » et ne doit pas considérer les étudiants qui lui sont confiés comme des domestiques.
L’enseignant doit vérifier que les étudiants ont bien assimilé – il doit donc évaluer régulièrement et rigoureusement l’acquisition de leurs connaissances et la façon dont ils exécutent les tâches qui leur sont enseignées.
L’évaluation aide les enseignants et les étudiants à mesurer les progrès réalisés par l’apprenant, afin de corriger toute faiblesse résiduelle. L’évaluation permet de garantir un certain niveau d’apprentissage, afin de former, pour le plus grand profit de la société, des personnels suffisamment compétents pour exercer leur profession. L’évaluation doit être préparée avec le plus grand soin, afin qu’elle valide les savoirs que les étudiants doivent acquérir pendant leur formation. Il faut garder en mémoire qu’en général les étudiants ont tendance à apprendre uniquement ce qu’ils considèrent comme nécessaire pour réussir leurs examens et à négliger le reste.
L’enseignant doit veiller au bien-être de ses étudiants.
Lorsque les étudiants sont stressés ou insatisfaits, leur apprentissage en pâtit. Un bon enseignant doit essayer de faire en sorte que les conditions de vie de ses étudiants soient adéquates. Il peut aussi leur fournir des occasions de recevoir un soutien socio-psychologique. Les enseignants doivent cultiver des rapports francs et confiants avec leurs étudiants.
À propos de l’éducation
Nous savons que les scientifiques sont capables d’apprendre à des rats (ou même à des vers) à réaliser certaines actions, en les récompensant s’ils agissent correctement et en les punissant dans le cas contraire. Est-ce vraiment là le but de l’enseignement ? Nous savons d’instinct que l’enseignement est bien plus que cela. Tout enseignant souhaite que ses étudiants se développent intellectuellement, élargissent leurs horizons et parviennent à réfléchir de façon autonome. Le mot « éducation » est alors utilisé. Rappelons le point de vue de deux éminentes personnes, par ailleurs fort différentes :
- Le grand Socrate pensait qu’un bon enseignant devait se comporter comme un taon (ou comme la mouche bien connue des agents de santé oculaire !), comme un insecte qui irrite et perturbe. L’enseignant pose des questions difficiles et importantes et s’attend à ce que les étudiants trouvent les réponses d’eux-mêmes. L’interaction prend la forme du dialogue (et non la forme d’un cours magistral).
- Paulo Freire, pédagogue brésilien du XXème siècle, dit la même chose d’une façon différente: les enseignants peuvent être soit des « banquiers » soit des « poseurs de problèmes ». L’enseignant « banquier » considère que les étudiants sont des récipients vides et que son rôle est de les remplir de ses propres connaissances et de ses idées (tout à fait comme on dépose de l’argent dans un compte en banque). L’enseignant « poseur de problèmes », quant à lui, prend en compte que ses étudiants possèdent des connaissances et une expérience préalables. Son rôle consistera à les stimuler en leur posant des problèmes, afin que les étudiants puisent dans leurs propres ressources pour proposer leur solution. Ceci est de toute évidence très important pour les personnes qui planifient et dispensent des soins oculaires. Certes, elles doivent apprendre des connaissances et des compétences, mais elles doivent également être capables de les appliquer dans des circonstances diverses et variées. Il leur faut constamment résoudre des problèmes et prendre des décisions, et elles doivent apprendre à bien le faire.
Références
1 Stones E. An introduction to educational psychology. London : Methuen, 1966 : 50-51.
2 Harris D et Bell C. Evaluating and assessing for learning. London : Kogan Page, 1986 : 118-126.
3 Pedler M. Learning in management education. Journal of European Training 1974;3(3): 182-195.
4 Handy CB. Understanding organizations. Harmondsworth : Penguin, 1976 : 31-47.
5 Abbatt F et McMahon R. Teaching Health Care Workers. 2ème éd. London : Macmillan, 1993 : 15-21.
En janvier 2008, le prochain article de cette série s’intitulera : « Communication ».