Évaluation de la formation
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De nos jours, on entend souvent parler d’assurance qualité et d’évaluation. Dans beaucoup de pays, les établissements de formation essaient d’améliorer la qualité de leur enseignement. Il n’y a là rien de nouveau. Les bons enseignants ont toujours porté un regard critique sur leur travail afin de l’améliorer.
En quoi consiste une « évaluation » ? De manière très générale, il s’agit d’observer de près un aspect de notre travail qui nous préoccupe particulièrement, puis à tirer des conclusions. Ce processus, qui est illustré dans la Figure 1, s’inscrit généralement dans une volonté d’améliorer ce que nous évaluons. On parle de cycle d’évaluation. Une fois que vous aurez constaté le succès de votre plan d’amélioration, vous pourrez identifier un autre aspect de votre enseignement pouvant être amélioré et recommencer un nouveau cycle.
Il s’agit donc d’une forme de recherche. Vous pensez peut-être que vous n’en êtes pas capable et que seul un chercheur peut mener à bien une évaluation. Dites-vous simplement qu’une évaluation consiste à utiliser votre bon sens pour porter un jugement sur votre propre travail et celui de vos collègues enseignants. À bien y réfl échir, c’est quelque chose que vous faites souvent (par exemple quand vous passez en revue votre sujet d’examen une fois que les apprenants ont rendu leur copie); cet article devrait simplement vous permettre de le faire de manière plus systématique. En outre, il n’y a nul besoin de tout évaluer en même temps. Commencez par vous concentrer sur un aspect très limité de votre travail qui vous pose particulièrement problème. Vous pouvez vous inspirer des exemples mentionnés ci-après.
Que peuvent évaluer les enseignants ?
1 Le programme d’enseignement (ce que nous enseignons)
Nous continuons parfois à enseigner la même chose chaque année, bien que le programme ne soit plus d’actualité. Voici quelques questions auxquelles pourrait répondre votre évaluation :
- Le programme d’enseignement dans son ensemble est-il complet ? Contient-il toutes les connaissances et compétences dont vos apprenants auront besoin pour exercer leur travail ?
- Le programme d’enseignement est-il trop chargé ? Au lieu de vous concentrer sur ce que les étudiants doivent absolument savoir ou savoir faire, est-ce que vous enseignez beaucoup de connaissances « périphériques » (dont vous pouvez seulement dire : « ce serait bien si mes étudiants savaient ça »)1.
- Le contenu de chaque leçon découle-t-il directement de qui a été prévu par le programme d’enseignement ? Les leçons mettent-elles l’accent sur l’essentiel ? L’enseignant présente-t-il les savoirs à acquérir dans l’ordre qui facilitera le plus l’apprentissage ?
2 Le processus pédagogique (comment nous enseignons)
- Les méthodes d’enseignement conviennent- elles au type de savoir enseigné2 ? Par exemple, si vous enseignez un geste pratique, est-ce que les apprenants peuvent s’entraîner individuellement à reproduire ce geste une fois qu’ils en ont vu la démonstration ?
- Les enseignants utilisent-ils ces méthodes à bon escient? Les leçons sont-elles bien préparées et communiquées efficacement aux apprenants 3? Parviennent-elles à susciter l’intérêt et la participation active des apprenants ? Les travaux pratiques sont-ils bien organisés, avec des listes de pointage ? Tous les apprenants s’entraînent- ils à reproduire les gestes enseignés et bénéficient-ils de commentaires en retour qui leur permettront de s’améliorer ?
- Le matériel pédagogique utilisé pendant chaque leçon est-il de bonne qualité4 ? Est-il bien utilisé ? Facilite-t-il le processus d’apprentissage ?
- Les polycopiés ou documents imprimés distribués insistent-ils sur les éléments essentiels ? Sont-ils simples, clairs et bien illustrés 3, 4 ?
3 L’examen (comment nous évaluons nos apprenants)
- L’examen est-il pertinent5 ? Convient-il au type de savoir qu’il est censé évaluer ? Par exemple, si l’examen évalue un geste pratique, est-ce que l’examinateur observe l’apprenant en train d’effectuer ce geste ? L’examen teste-t-il les savoirs essentiels et couvre-t-il la plupart des matières importantes ?
- L’examen est-il fiable ? Avez-vous mis en place des grilles de notation et des listes de vérification pour guider l’examinateur et faire en sorte que la notation soit juste ?
- Quelle est la partie du programme qui correspond aux questions d’examen ? L’examen pousse-t-il les apprenants à apprendre ce que vous considérez comme étant le plus important ?
4 Le résultat final (ce que font les apprenants une fois la formation terminée)
À court terme, il vous faudra déterminer si les apprenants maîtrisent les compétences et savoirs acquis durant la formation. Une évaluation menée durant la formation et immédiatement après la formation devrait vous permettre d’obtenir ces renseignements.
À long terme, il faudra savoir si les apprenants mettent vraiment en pratique les compétences enseignées et si leurs activités professionnelles correspondent à ce que vous aviez envisagé. À cette fin, vous pourrez par exemple rendre visite à vos stagiaires et à leurs employeurs sur le terrain et discuter avec eux de l’impact de la formation. Si c’était un des buts de la formation, ce pourrait être une bonne idée de déterminer si elle a eu un impact sur la communauté, en utilisant des indicateurs de type utilisation accrue des services de soins, activités de prévention et changement de comportement dans la communauté. Il s’agit là d’exemples ; ce sera à vous de décider des renseignements que vous souhaitez recueillir en fonction de votre contexte.
Recueillir des informations pour l’évaluation
Une fois que vous avez identifié un problème, vous devez recueillir des informations pertinentes pour l’évaluer. Vous pouvez utiliser à cette fin un certain nombre d’outils :
Étude de documents
Vous pouvez examiner de plus près les documents écrits suivants : programmes d’enseignement, emplois du temps, plan des leçons, matériels pédagogiques, polycopiés, sujets d’examen, et ainsi de suite. Analysez-les en fonction des critères que vous vous êtes fixés (par exemple, comment ces documents contribuent-ils à la réalisation de vos objectifs pédagogiques ?). Vous pouvez effectuer cette analyse de manière non structurée (en lisant les documents pour obtenir une impression d’ensemble) ou de manière structurée (en établissant avant de commencer une liste de ce que vous allez rechercher dans le document). Vous pouvez aussi réaliser le test de lisibilité de Cloze pour évaluer les polycopiés ou les manuels. Ce test, que nous avons déjà évoqué3, consiste à effacer un mot sur cinq sur un échantillon de texte et à demander aux apprenants de deviner les mots effacés.
Observation de la pratique
Vous pouvez assister aux cours et aux travaux pratiques et observer ce qui se passe. Là encore, vous pouvez procéder de manière informelle (en écrivant vos impressions et en les analysant après) ou de manière plus structurée (par exemple, en établissant au préalable une liste des comportements à adopter dans l’idéal, que vous cocherez au fur et à mesure que vous observez ces comportements pendant votre séance d’observation pratique). Asseyez-vous au fond de la pièce, ne faites aucun bruit et n’intervenez pas durant le cours ou la séance de travaux pratiques. Vous pouvez aussi demander à des collègues (ou même à des apprenants) de vous observer pendant que vous enseignez.
Questionnaires
Vous pouvez utiliser un questionnaire si vous voulez recueillir l’opinion de vos collègues ou apprenants sur un aspect particulier de la formation : organisation pratique, pertinence du contenu, déroulement des cours, etc. Là encore, vous pouvez procéder de façon non structurée (en demandant aux répondants d’inscrire leurs commentaires sur un sujet particulier) ou structurée (en demandant aux répondants de cocher des réponses prédéfinies). Vous pouvez également utiliser les outils suivants :
- Questionnaire de satisfaction de l’étudiant (voir encadré ci-dessus).
- Journal de bord : demandez aux apprenants ou aux enseignants de tenir un journal durant la formation, dans lequel ils consigneront leurs impressions au fur et à mesure.
Entretiens individuels et discussions de groupe
Ceux-ci peuvent s’avérer utiles lorsque vous souhaitez obtenir des renseignements beaucoup plus détaillés sur certains aspects de la formation. Vous devrez consigner exactement ce qui a été dit (à la main ou avec un microphone) puis analyser ces informations après l’entretien ou la discussion. Notez les principaux points soulevés par les personnes interrogées.
Le « questionnaire de satisfaction » de l’étudiant
Il est souvent d’usage de distribuer un questionnaire aux apprenants à la fin d’un enseignement ou à la fin du trimestre, afin de savoir ce qu’ils pensent du contenu, des méthodes pédagogiques, des examens et de l’organisation pratique des cours. Ce type de questionnaire peut recueillir des renseignements utiles et identifier d’éventuels problèmes, mais il est à utiliser avec discernement. En effet :
- Les apprenants n’ont pas toujours raison : par exemple, puisqu’ils n’ont pas de vision d’ensemble sur ce qu’ils doivent apprendre, ils peuvent penser à tort que tel ou tel aspect de l’enseignement n’a aucune importance.
- Certains enseignants peuvent penser que ce type d’évaluation est suffisant, alors qu’il ne l’est pas.
- Si ce type de questionnaire est administré tous les ans, les enseignants ont tendance à en ignorer les résultats.
Qui doit mener l’évaluation ?
Qui est le mieux placé pour évaluer une pratique pédagogique ? Ce peut être vousmême (en d’autres termes, un « initié ») ou au contraire une personne extérieure. Si vous décidez de le faire vous-même, vaut-il mieux que évaluiez votre propre pratique ou celle de vos collègues ? L’avantage d’évaluer votre propre travail est que vous le comprenez parfaitement. Vous en connaissez le contexte, les différents acteurs et généralement tous les détails. L’inconvénient est que vous n’avez pas forcément l’habitude de réaliser une évaluation et que vous aurez peut-être du mal à porter un regard objectif sur votre propre travail. Il peut donc s’avérer plus utile de demander à une personne extérieure de réaliser cette évaluation. Malheureusement, elle exigera sans doute une rémunération en échange !
Trois conseils pratiques
1. Lorsque l’on vous demande de mener une évaluation, vous devez saisir toutes les opportunités de recueillir des renseignements. Vous allez bien entendu recueillir des données spécifiques avec les outils que vous avez prévus à cet effet, mais ne ratez pas l’occasion de recueillir des renseignements supplémentaires. Discutez avec toutes les personnes que vous rencontrez et prenez des notes sur ce qu’elles vous ont dit. Lisez les panneaux d’information et tout ce qui est affiché dans les salles d’enseignement, et notez tout renseignement pertinent. Demandez à consulter les documents pédagogiques relatifs à cette formation et prenez des notes. Tout ceci vous permettra de mieux comprendre la formation que vous évaluez et contribuera à la pertinence de votre évaluation.
2. Lorsque vous évaluez une formation, n’oubliez pas que vous avez affaire à un tout, constitué des éléments suivants : enseignants, apprenants, donateurs, employeurs, bâtiments et salles de classe, matériels pédagogiques, etc. Chacun de ces éléments a un effet sur l’ensemble. Essayez de comprendre le mieux possible les interactions entre ces différents éléments ; ceci améliorera votre jugement.
3. L’un des buts de l’évaluation est d’identifier et de clarifier les problèmes. Toutefois, beaucoup de personnes ont du mal à accepter qu’elles aient commis une « erreur » ou que leur travail puisse tout simplement être amélioré. Vous devez donc présenter vos commentaires de façon à ne pas heurter les sensibilités de chacun. Commencez par établir les points positifs (vous en trouverez forcément). Une fois que vous aurez souligné les qualités du travail des personnes que vous évaluez, vous pourrez aborder les lacunes et problèmes que vous avez identifiés durant votre évaluation. Restez poli et ne portez aucun jugement de valeur. Le but de votre évaluation n’est pas de trouver des coupables et de les punir, mais d’améliorer la formation proposée aux apprenants6.
Pour conclure
Rappelons l’idée, attribuée à Socrate, que nous avions évoqué au tout début de cette série sur la pédagogie7 : les bons enseignants sont comme des mouches qui irritent sans cesse les étudiants. Ils posent les questions les plus importantes et les plus difficiles, puis s’attendent à ce que les étudiants trouvent la réponse d’eux-mêmes. Qu’en pensez-vous ?
Références
1 Prozesky D, Stevens S et al. Développer un programme d’enseignement. Revue de Santé Oculaire Communautaire 2008;5(6): 43–45.
2 Prozesky D, Stevens S et al. Méthodes d’enseignement. Revue de Santé Oculaire Communautaire 2009;6(7): 18–20.
3 Prozesky D, Stevens S et al. Communication. Revue de Santé Oculaire Communautaire 2008;5(5): 17–20.
4 Prozesky D, Stevens S et al. Sélection des matériels d’enseignement et d’apprentissage. Revue de Santé Oculaire Communautaire 2011;8(10): 43–44.
5 Prozesky D, Stevens S et al. Méthodes d’évaluation. Revue de Santé Oculaire Communautaire 2011;8(9): 13–15.
6 L’article sur l’audit clinique en page 8 de ce numéro vous apportera également des conseils utiles.
7 Prozesky D, Stevens S et al. Enseigner et apprendre. Revue de Santé Oculaire Communautaire 2007;4(4): 44–45.
Note de la rédaction
Ceci est le dernier volet de notre série basée sur Effective teaching and learning for eye health workers des mêmes auteurs (International Centre for Eye Health, 2006).
Les articles de cette série sont, dans l’ordre :
« Enseigner et apprendre », paru dans le vol. 4 n°4 (août 2007) de la Revue de Santé Oculaire Communautaire.
« Communication », paru dans le vol. 5 n°5 (janvier 2008).
« Développer un programme d’enseignement », paru dans le vol. 5 n°6 (août 2008).
« Méthodes d’enseignement », paru dans le vol. 6 n°7 (janvier 2009).
« Méthodes d’évaluation », paru dans le vol. 8 n°9 (janvier 2011).
« Sélection des matériels d’enseignement et d’apprentissage », paru dans le vol. 8 n°10 (août 2011).