RSOC Vol. 17 No. 23 2020 pp 16-17. Publié en ligne 28 avril 2020.

Évaluation des résultats de la chirurgie de la cataracte: améliorer nos pratiques

Nathan Congdon

Professeur de santé oculaire mondiale (Ulverscroft Chair), Queens University Belfast & Orbis International, Royal Victoria Hospital, Belfast, Irlande, Royaume-Uni.


Sarity Dodson

Responsable mondiale, Efficacité du développement, The Fred Hollows Foundation, Sydney, Australie.


Ving Fai Chan

Directeur de la recherche, Brien Holden Vision Institute, Durban, Afrique du Sud.


Wanjiku Mathenge

Ophtalmologique chef de clinique et directrice de la recherche et de la formation, Rwanda National Institute of Ophthalmology et Dr Agarwal’s Eye Hospital, Kigali, Rwanda.


Elise Moo

Coordinatrice mondiale de la recherche, The Fred Hollows Foundation, Sydney, Australie.


Le suivi de la qualité des interventions chirurgicales permet au personnel médical et administratif d’identifier les problèmes et de prendre des mesures pour améliorer la pratique, les résultats et les performances. LAOS © The Fred Hollows Foundation: Aildrene Tan
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Un bon suivi des résultats de l’opération de la cataracte et un système d’amélioration continue de la qualité aideront le personnel médical et les établissements à identifier les problèmes et améliorer en continu la prestation de soins oculaires.

Une étude menée au Kenya1 a montré qu’il existe un lien entre le suivi des résultats visuels après opération de la cataracte et l’amélioration de ces résultats. Ceci indique qu’il est important que nous sachions dans quelle mesure la vision de nos patients s’est améliorée après l’opération, car cela nous donne la motivation et les informations nécessaires pour améliorer les résultats de l’opération. Des outils d’aide à ce processus de suivi, sur papier comme sur ordinateur, ont été développés et mis à disposition gratuitement2. Toutefois, la pratique du suivi des résultats n’est toujours pas intégrée dans la gestion des services de santé oculaire, sauf lorsque les autorités de régulation ou les organismes de financement l’exigent.

Pourquoi est-il important de mesurer la qualité de la chirurgie de la cataracte ?

Malgré la disponibilité d’un traitement chirurgical efficace et peu coûteux, la cataracte non opérée est responsable de 35 % des cas de cécité dans le monde3. Le problème de la cécité par cataracte est aggravé par les mauvais résultats des interventions chirurgicales, en particulier dans les milieux à faibles ressources4.

La qualité de la chirurgie et la satisfaction du patient qui en résulte sont les moteurs qui permettent de fournir des services durables de prise en charge de la cataracte. Le suivi de la qualité des interventions chirurgicales permet aux personnels de santé et aux administrateurs des services de santé d’identifier les problèmes et de prendre des mesures pour améliorer la pratique, les résultats pour les patients et la performance des centres, car « on ne gère bien que ce que l’on mesure ». La communication des résultats varie toutefois considérablement d’un centre chirurgical à l’autre à l’échelle internationale5 ; dans de nombreux pays pour lesquels des données sont disponibles, les résultats des opérations de la cataracte sont bien en deçà des normes recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)6.

Pourquoi ne mesurons-nous pas systématiquement les résultats des opérations de la cataracte ?

Pour mettre en place une mesure systématique des résultats des opérations de la cataracte, il faut surmonter plusieurs difficultés, notamment :

  • La pression exercée sur les cliniciens pour qu’ils réalisent un volume important d’interventions chirurgicales
  • Une culture d’assurance qualité peu développée dans les services de chirurgie
  • Le faible accès aux systèmes et outils de soutien à l’amélioration continue de la qualité
  • Les préoccupations concernant la prise en charge des cas complexes
  • Le faible taux de suivi des patients en raison des difficultés à les faire revenir dans le service de chirurgie plusieurs semaines après l’opération7.

Toutefois, ces difficultés peuvent être surmontées par la mise en place d’un bon système de suivi des résultats de l’opération de la cataracte et d’amélioration continue de la qualité. Ceci pourra aider les praticiens et les établissements à identifier et à mettre en oeuvre des améliorations continues dans la prestation des soins oculaires.

Figure 1 Amélioration continue de la qualité : le modèle Planifier-Exécuter-Étudier-Agir (PEÉA)

Que faut-il mettre en place ?

Un bon système de suivi des résultats et d’amélioration continue de la qualité prend en compte les éléments décrits ci-dessous :

  1. Normes de qualité

    La définition de ce qu’est un « bon » résultat, en particulier avec les techniques modernes de chirurgie à petite incision, est à la base d’un système efficace d’amélioration continue de la qualité (ACQ). L’OMS a défini des normes pour l’acuité visuelle (AV) postopératoire six semaines après l’opération6 (voir Tableau 1).

    L’étude de cohorte multicentrique internationale PRECOG (Prospective Review of Early Cataract Outcomes and Grading)7 a montré que l’AV au lendemain de l’opération constitue un important facteur de prévision de la vision finale. On peut également mesurer les résultats visuels 1 à 3 jours après l’opération. Cette mesure de la qualité des résultats chirurgicaux est équivalente aux normes de l’OMS et peut s’avérer plus pratique pour de nombreux chirurgiens et patients, en particulier dans les régions où les taux de suivi postopératoire sont faibles (par exemple lorsque les patients doivent parcourir de longues distances).

    Le Tableau 1 montre les normes utilisées par l’étude PRECOG pour l’évaluation postopératoire 1 à 3 jours après l’opération, ainsi que les normes de l’OMS pour l’évaluation postopératoire six semaines après l’opération.

  2. Saisie des données en temps opportun et de manière systématique

    Des outils de collecte de données efficaces, accessibles et faciles à utiliser, qu’ils soient électroniques ou sur papier, améliorent la qualité des données et réduisent la charge des activités de suivi pour les cliniciens et les administrateurs.

  3. Rapports accessibles

    Des rapports simples et visuels sur les principaux résultats encouragent les chirurgiens et les administrateurs à s’intéresser véritablement aux données sur les résultats.

  4. Retour d’information et interprétation des résultats

    Interprétez les résultats et donnez aux chirurgiens une rétroaction constructive, sans accusations. C’est l’occasion d’identifier d’éventuelles mesures correctives.

  5. Processus d’amélioration continue

    Les processus d’amélioration continue constituent le dernier élément essentiel. Les données de haute qualité et les bonnes idées sur la pratique et les changements de système ne peuvent améliorer les résultats que si elles sont mises en application.

Tableau 1 Normes recommandées pour l’acuité visuelle (AV) postopératoire

Normes de l’étude PRECOG pour l’évaluation postopératoire (1 à 3 jours après l’opération) Normes de l’OMS pour l’évaluation postopératoire (6 semaines après l’opération)
Bon résultat AV (3/10e ≤ AV ≤ 10/10e) > 60 % > 80 %
Résultat limite (1/10e ≤ AV < 3/10e) < 35 % < 15 %
Mauvais résultat (AV < 1/10e) < 5 % < 5 %

L’application BOOST pour mesurer les résultats de la chirurgie de la cataracte

BOOST (Better Operative Outcomes Software Tool) est une application gratuite disponible sur Android et en ligne, qui permet aux chirurgiens de saisir facilement des données-clés sur les résultats des opérations de la cataracte. L’application propose des rapports simples et attrayants et fournit aux utilisateurs un retour d’information sur la manière dont ils peuvent améliorer leurs performances.

BOOST est une initiative internationale et est disponible en sept langues : le français, l’anglais, l’espagnol, le russe, le chinois, le vietnamien et le bahasa Indonesia. L’application peut être téléchargée sur le Google Play Store en recherchant « BOOST Cataract », et les données sont accessibles en ligne à l’adresse https://boostcataract.org/

BOOST guide les utilisateurs à travers deux étapes simples visant à évaluer et améliorer les résultats de la chirurgie de la cataracte.

Étape 1 : Étalonnage

À l’aide de BOOST, les chirurgiens saisissent l’acuité visuelle sans correction au premier jour postopératoire pour 60 yeux opérés consécutifs. L’application confronte ensuite les résultats des chirurgiens (de façon anonyme) à ceux d’autres utilisateurs dans le monde.

Étape 2 : Amélioration de la qualité

L’application BOOST demande ensuite aux utilisateurs d’enregistrer les résultats de 20 patients consécutifs dont les résultats sont mauvais (≤ 1/10e) au moins 6 semaines après l’opération. Dans chaque cas, l’utilisateur est invité à sélectionner l’une des trois raisons suivantes pour expliquer le mauvais résultat :

  • Complication chirurgicale
  • Présence d’une autre maladie cécitante (par exemple glaucome, dégénérescence maculaire liée à l’âge, rétinopathie diabétique, etc.)
  • Problèmes de réfraction (erreur de calcul dans la puissance de la lentille intraoculaire, absence de lentille intraoculaire, etc.).

L’application détermine la cause la plus fréquente de mauvaise vision postopératoire pour un utilisateur donné, puis formule des recommandations spécifiques pour améliorer les résultats. Par exemple, si la cause la plus fréquente est la présence d’autres maladies, l’application recommande des moyens spécifiques pour résoudre ce problème, par exemple la réalisation d’un examen préopératoire minutieux comportant un fond d’oeil après dilatation pupillaire et la recherche d’un signe de Marcus Gunn.

Conseils d’utilisation de l’application

Pour tirer le meilleur parti de l’application, vous devez être honnête avec vous-même quand vous saisissez les données. Souvenez-vous de deux points importants :

  1. Vous devez saisir les données de patients consécutifs ; cela signifie que vous devez saisir les données relatives à chaque opération de la cataracte que vous réalisez (sauf les cas de chirurgie combinée ou d’opération de la cataracte pédiatrique), sauf s’il est avéré que le patient présente un problème médical en plus de la cataracte.
  2. La vision doit être mesurée et saisie par quelqu’un d’autre que le chirurgien qui a réalisé l’intervention.

Références

1 Yorston D, Gichuhi S, Wood M, et al. Does prospective monitoring improve cataract surgery outcomes in Africa? Br J Ophthalmol 2002;86:543-547.

2 Limburg H. Monitoring cataract surgical outcomes: methods and tools. Community Eye Health 2002;15:51-53.

3 Bourne RR, Flaxman SR, Braithwaite T, et al. Magnitude, temporal trends, and projections of the global prevalence of blindness and distance and near vision impairment: a systematic review and meta-analysis. Lancet Glob H 2017; 5(9):e888-e897.

4 Zaidi FH, Corbett MC, Burton BJ, et al. Raising the benchmark for the 21st century – the 1000 cataract operations audit and survey: outcomes. Br J Ophthalmol 2007; 91:731–36.

5 Michelotti, M, de Korne DF, Weizer JS, et al. Mapping standard ophthalmic outcome sets to metrics currently reported in eight eye hospitals. BMC Ophthalmol 2017;17(269):1-8.

6 Ramke, J, Gilbert CE, Lee AC, et al. Effective cataract surgical coverage: An indicator for measuring quality-of-care in the context of Universal Health Coverage. PLOS One 2017;12(3):e0172342.

7 Congdon N, Yan X, Lansingh V, et al. Assessment of cataract surgical outcomes in settings where follow-up is poor: PRECOG, a multicentre observational study. Lancet Glob H 2013; 1(1):e37-e45.