RSOC Vol. 18 No. 25 2021 pp 18-19. Publié en ligne 15 septembre 2021.

Exploration du champ visuel

David C Broadway

Chirurgien ophtalmologiste chef de clinique, Department of Ophthalmology, Norfolk and Norwich University Hospital ; Maître de conférences honoraire, University of East Anglia, Norwich, Royaume-Uni.


Fatima Kyari

Ophtalmologiste chef de clinique et coordinatrice, College of Health Sciences, University of Abuja, Nigeria


Un agent de santé est assis face à un patient et tient ses deux index écartés. Le patient couvre un œil d’une main et pointe vers un des index avec l’autre main.
Figure 1 Exploration du champ visuel par confrontation. L’examinateur (à gauche) ferme l’œil gauche, afin de comparer le champ visuel de son œil droit avec le champ visuel de l’œil gauche du patient. © Heiko Philippin CC BY-NC 4.0
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Un examen de base du champ visuel ne prend que quelques minutes, mais il peut permettre de détecter un glaucome ou une affection maculaire.

L’exploration du champ visuel fait partie intégrante d’un examen ophtalmologique complet et elle est importante pour la détection du glaucome, des affections maculaires et des affections neurologiques comme les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Cet article décrit deux techniques de détection des anomalies du champ visuel qui ne nécessitent pas d’équipement coûteux : l’examen par confrontation et le test d’Amsler.

Figure 2 L’œil gauche présente une atteinte du champ visuel inférieur

(a)	Ce paysage tel qu’il serait vu par un œil gauche avec une atteinte du champ visuel inférieur (représentée par une tache de couleur marron en forme de virgule).
Fig 2a L’œil gauche présente une atteinte du champ visuel inférieur © Heiko Philippin CC BY-NC 4.0
(b)	Ce paysage tel qu’il serait vu par un œil droit avec une atteinte du champ visuel supérieur (représentée par une tache de couleur marron en forme de virgule).
Fig 2b L’œil droit présente une atteinte du champ visuel supérieur. © Heiko Philippin CC BY-NC 4.0
(c)	Ce paysage vu en vision binoculaire, qui paraît maintenant intact
Fig 2c Comme ces déficits ne se chevauchent pas, ils ne seront pas apparents en vision binoculaire. © Heiko Philippin CC BY-NC 4.0

Les déficits de champ visuel précoces (ou même modérément importants) passent souvent inaperçus, en particulier s’ils n’affectent qu’un seul œil. Les images présentées dans la Figure 2 illustrent à quoi peut ressembler une scène vue par une personne présentant un déficit de champ visuel différent dans chaque œil. L’œil gauche présente une atteinte du champ visuel inférieur et l’œil droit une atteinte du champ visuel supérieur. Comme ces déficits ne se chevauchent pas, ils ne sont pas apparents lorsque la personne regarde cette scène avec les deux yeux.

Il peut être utile de poser au patient les questions suivantes :

  • Avez-vous remarqué une quelconque perte de vision dans un œil ou dans l’autre ?
  • Avez-vous remarqué des lacunes dans votre vision ?
  • Lorsque vous fermez un œil après l’autre, est-ce que vous voyez la même chose ?

Par ailleurs, il est également essentiel d’interroger le patient sur ses antécédents de maladies oculaires ou autres, en particulier ses antécédents familiaux, et de se renseigner sur la présence éventuelle d’autres symptômes oculaires ou neurologiques.

Exploration du champ visuel par confrontation

L’exploration du champ visuel par confrontation (Figure 1) ne prend que quelques minutes et peut fournir des informations utiles. Pour vous préparer à effectuer cet examen, il faut d’abord vous tester vous-même afin de vous familiariser avec l’étendue et les limites de votre propre champ visuel et de localiser la tache de Mariotte (point aveugle) dans chaque œil. Un déficit de champ visuel est détecté lorsque le patient ne réagit pas à l’apparition d’une cible que vous percevez vous-même, bien que vous soyez tous deux à égale distance de cette cible. Ce test part du principe que l’examinateur (vous-même) ne présente aucune anomalie du champ visuel. Ceci est une raison supplémentaire pour que vous vous soumettiez vous-même à une exploration du champ visuel avant d’administrer ce test.

Durant le test, commencez par explorer le champ visuel binoculaire (confrontation avec les deux yeux ouverts), puis testez chaque œil séparément. Il vous faudra une cible : celle-ci peut être un stylo avec un capuchon rouge, ou un doigt que l’on agite ou que l’on plie et déplie.

Examen par confrontation avec les deux yeux ouverts

Demandez au patient de vous regarder directement dans les yeux sans détourner son regard. Ceci peut parfois être gênant pour le patient, donc laissez-lui le temps de se reprendre et de recommencer s’il a du mal à vous regarder dans les yeux. Une fois que le patient peut vous regarder fixement dans les yeux pendant que vous faites de même, demandez- lui s’il perçoit la totalité de votre visage et si certaines parties de votre visage lui paraissent troubles.

  1. Explorez l’hémichamp gauche du patient en maintenant votre poing droit fermé dans l’hémichamp gauche du patient, au niveau de votre œil, très légèrement à droite de votre visage. Assurez-vous que le patient vous fixe toujours du regard, puis levez un doigt, puis deux, jusqu’à quatre ; demandez au patient combien de doigts il voit. Pour explorer les quadrants supérieur et inférieur, déplacez votre main vers le haut et vers la droite, puis vers le bas et vers la droite, en répétant le test précédent à différents points. Ce simple test de comptage des doigts est particulièrement utile pour détecter les déficits de champ visuel d’origine neurologique (par exemple après un AVC), mais en cas de glaucome il ne sert qu’à repérer les déficits de champ visuel très importants.
  2. Pour explorer l’hémichamp droit et ses quadrants supérieur et inférieur, répétez le test de comptage des doigts en plaçant cette fois-ci votre main gauche juste à gauche de votre visage, puis en la déplaçant vers le haut et vers la gauche, et ensuite vers le bas et vers la gauche.

Examen par confrontation d’un œil après l’autre

  1. Demandez au patient de couvrir son œil avec la paume de sa main (pas avec les doigts, car il pourrait facilement regarder à travers). N’oubliez pas que vous devez vous aussi fermer un œil, car vous allez comparer le champ perçu par votre œil droit (par exemple) avec celui perçu par l’œil gauche du patient, et vice versa (Figure 1).
  2. Commencez par effectuer le test de comptage des doigts (test statique). N’oubliez pas de réaliser pour chaque œil une exploration des deux hémichamps, droit et gauche.
  3. Ensuite, déplacez votre doigt-cible de la périphérie éloignée vers la région centrale du champ de vision (test cinétique). Demandez au patient de vous indiquer quand votre doigt apparaît pour la première fois dans son champ de vision. Répétez ce test dans différentes directions, afin de couvrir 360º pour chaque œil testé. N’oubliez pas de déplacer votre doigt à une vitesse adaptée au temps de réaction du patient.
  4. Enfin, explorez le champ périphérique, de préférence avec une cible blanche (il peut s’agir d’une épingle à tête blanche ou du bouchon blanc d’un flacon de collyre), puis explorez le champ visuel central avec une cible rouge (bouchon de flacon rouge ou stylo avec capuchon rouge). L’exploration avec ce type de cible donne des résultats plus précis que lorsque vous utilisez vos doigts et peut permettre de détecter des déficits plus précoces du champ visuel. Par ailleurs, les cibles à tête rouge peuvent aussi servir à détecter la désaturation du rouge, qui est un signe précoce d’atteinte du nerf optique.

Test d’Amsler

Une grille imprimée, connue sous le nom de grille d’Amsler (Figure 3), peut permettre de repérer de légers déficits du champ visuel central et du champ paracentral (assez courants chez les patients atteints de glaucome).

Illustration montrant une grille d’Amsler.
Figure 3 Grille d’Amsler, utilisée pour détecter une distorsion de la vision centrale

Testez un œil après l’autre, avec correction optique des vices de réfraction affectant la vision de près. Demandez au patient de tenir la grille à une distance de lecture confortable pour son œil non couvert et de fixer le point central de la grille.

(a)	Une grille d’Amsler déformée au-dessous du point de fixation
4a Petit scotome (déficit du champ visuel) au-dessous du point de fixation, avec distorsion environnante. © 2009 Illinois Retina Institute

Demandez-lui ensuite d’identifier et de vous signaler les zones où le quadrillage n’est pas visible ou apparaît déformé (Figure 4). Des zones « manquantes » dans la grille suggèrent une perte de champ visuel paracentral due au glaucome, alors que des distorsions sont plus souvent le signe d’une affection maculaire.

(b)	Une grille d’Amsler présentant une déformation qui inclut le point de fixation.
4b Scotome de grande taille empiétant sur le point de fixation, avec légère distorsion. © 2009 Illinois Retina Institute