RSOC Vol. 17 No. 23 2020 pp 8-9. Publié en ligne 28 avril 2020.

Gérer l’opération de la cataracte lorsque le patient a des pupilles de petite taille

Mariano Yee Melgar/h3>

Ophtalmologiste, Visualiza, Guatemala.


John Buchan

Ophtalmologiste, International Centre for Eye Health, London School of Hygiene and tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni.


Pupille de petite taille. © Margreet Hogeweg
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L’opération de la cataracte est plus difficile si la pupille est de petite taille, mais l’on peut toutefois obtenir de bons résultats en optimisant la dilatation pharmacologique et en modifiant la technique chirurgicale.

L’exérèse d’un cristallin cataracté, généralement d’environ 10 mm de diamètre, devient beaucoup plus difficile lorsque la pupille est de petite taille ; le risque de rupture peropératoire de la capsule postérieure est également 50 % plus élevé1. La mise en oeuvre de mesures préopératoires peut parfois améliorer la situation, mais la solution passe souvent par un changement de technique chirurgicale.

Avant l’intervention

Effectuez un recueil détaillé des antécédents et demandez au patient s’il suit actuellement un traitement.

  • La prise par voie orale de médicaments alphabloquants, tels que la tamsulosine ou la doxazosine, permet de soulager les troubles urinaires en inhibant la contraction des fibres musculaires lisses du col vésical. Ces médicaments ont également des effets sur l’iris, entraînant une mauvaise dilatation et ce que l’on nomme « syndrome de l’iris flasque peropératoire » (en anglais : intraoperative floppy iris syndrome ou IFIS). L’intensité du syndrome ne semble pas liée au dosage ou à la durée2, donc l’arrêt du traitement médicamenteux, même plusieurs mois avant l’intervention, n’a souvent aucun effet sur le syndrome de l’iris flasque.
  • Si le patient utilise un collyre à la pilocarpine, il faut lui demander d’arrêter ce traitement au moins trois semaines avant l’opération de la cataracte.

Il a été démontré que l’instillation d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens 30 à 90 minutes avant l’intervention permet de maintenir la dilatation pupillaire durant l’opération.

Lorsque le patient présente des synéchies postérieures, il faut se demander si celles-ci sont dues à une uvéite plutôt qu’à une infection, une intervention ou un traumatisme survenus antérieurement. Si les synéchies sont causées par une uvéite, il sera alors essentiel de lutter énergiquement contre l’inflammation avant, pendant et après l’intervention, si l’on veut obtenir un bon résultat opératoire. Il faudra accorder une attention particulière au choix de l’implant intraoculaire ou même envisager l’aphakie, particulièrement dans le cas de jeunes patients présentant une uvéite (voir pages 6–7).

Dilatation pharmacologique

Il faut éviter de dilater la pupille plus d’une ou deux heures avant l’intervention, car l’effet mydriatique s’estompe et les instillations suivantes auront un effet moins prononcé.

Pour favoriser une dilatation optimale, vous pouvez placer dans le cul-de-sac conjonctival inférieur des morceaux d’éponge chirurgicale ou de coton imbibés de phényléphrine à 10 % ou d’un mélange de phényléphrine et de collyre cycloplégique, 30 minutes avant l’opération. Assurez-vous de les enlever avant de procéder à l’intervention.

Maintien de la dilatation

Pour maintenir la mydriase durant l’opération de la cataracte, beaucoup de services de soins oculaires utilisent couramment une solution composée de 0,5 ml d’adrénaline sans conservateur (1 mg/ml) que l’on dilue dans 500 ml de solution saline équilibrée ou de solution de lactate de Ringer ; lorsque le patient présente une pupille de petite taille ou un iris flasque, on peut administrer des agents plus puissants en intracamérulaire.

Les solutions de phényléphrine (préparées à partir de collyre à 2,5 % ou 10 % sans conservateur) peuvent être préparées à des concentrations allant de 0,5 % à 1,5 %. Pour s’assurer que le mélange est homogène, il faut utiliser des seringues de 2,5 ml ou 5 ml (éviter l’utilisation de seringues de 1 ml). Il peut être préférable d’utiliser un collyre de phényléphrine à 10 %, car ceci garantit une meilleure dilution des autres composés contenus dans le collyre.

Voici deux exemples de solutions à préparer :

  • Diluer deux gouttes (environ 0,1 ml) de phényléphrine à 10 % sans conservateur dans 1 à 2 ml de solution saline équilibrée.

ou

  • Diluer 0,5 ml de phényléphrine à 2,5 % sans conservateur dans 1 ml de solution saline équilibrée.

Si vous souhaitez un effet anesthésique supplémentaire, vous pouvez préparer une version de la solution dite « epi-Shugarcaine »3 en mélangeant :

  • 9 ml de solution saline équilibrée
  • 3 ml de lignocaïne à 4 % sans conservateur
  • 4 ml de solution d’adrénaline à 1 pour 1 000 sans conservateur et sans bisulphite.

Si vous souhaitez une plus petite quantité de solution, vous pouvez diluer 1 ml de lignocaïne à 4 % sans conservateur dans 3 ml de solution saline équilibrée, puis jeter 1 ml de cette préparation et ajouter 1 ml d’adrénaline sans conservateur.

Si vous pouvez acheter une solution dans le commerce, le Mydrane® des Laboratoires Théa permet d’obtenir une mydriase et une anesthésie intraoculaire durant l’intervention chirurgicale.

Dilatation chirurgicale ou mécanique

Même après intervention pharmacologique, beaucoup de patients présenteront des pupilles trop petites.

Si la pupille est fixée par des synéchies postérieures, il vous faudra les éliminer avec une spatule à iris ou tout autre instrument à bout mousse.

Si la taille de la pupille est fixée par du tissu fibrosé, tentez de retirer ce tissu à l’aide d’une pince d’Utrata.

Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, alors il vous faudra élargir la pupille par des moyens mécaniques. Plusieurs options peuvent être envisagées :

  1. Stretching pupillaire

    Vous pouvez étirer le sphincter pupillaire à l’aide d’instruments (crochets de Lester par exemple), en pratiquant deux paracentèses en chambre antérieure. Accrochez le bord pupillaire en deux points diamétralement opposés (Figure 1) et étirez la pupille jusqu’au limbe pendant quelques secondes. Vous pouvez répéter cette manoeuvre en vous déplaçant de 90 degrés. Ceci peut entraîner un saignement, ainsi qu’une déformation ou dilatation permanente de la pupille.

  2. Figure 1 Placez les instruments à 180º l’un de l’autre et étirez la pupille vers le limbe (4) © Uday Devgan, CATARACTCOACH.COM
  3. Iridotomie radiaire

    Pour maintenir la rondeur de la pupille, vous pouvez pratiquer une iridotomie radiaire. Effectuez d’abord une petite iridectomie périphérique, puis étendez l’incision jusqu’au bord pupillaire. Suturez ensuite par points séparés avec un fil 10.0 non résorbable (Figure 2). Cette procédure nécessite beaucoup d’habileté et de patience.

  4. Figure 2 Iridotomie radiaire (à gauche). Suturez par points séparés avec un fil 10.0 (à droite) © ICEH
  5. Sphinctérotomie

    Réalisez plusieurs petites incisions dans le sphincter irien pour permettre le passage du cristallin cataracté (Figure 3). Après avoir effectué ces petites incisions, approfondissez la chambre antérieure à l’aide de viscoélastique, ce afin de permettre la dilatation de l’iris. Lorsque vous optez pour le stretching pupillaire, il n’est généralement pas nécessaire de réaliser une sphinctérotomie.

  6. Figure 3 Sphinctérotomie © Chan NS, Ti SE and Chee SP, 2017
    Figure 4 Rétracteurs à iris © Chan Han TS, Ti SE and Chee SP, 2017
  7. Rétracteurs à iris

    Utilisez quatre ou cinq rétracteurs, espacés de manière régulière. Vous pouvez les fabriquer à l’aide de canules de calibre 27 ou 30 et de caoutchouc. Il est toutefois compliqué de fabriquer ses propres rétracteurs, et ces derniers coûtent cher dans le commerce ; il est donc souvent préférable de recourir à un stretching pupillaire.

  8. Autres dispositifs

    D’autres dispositifs, comme les anneaux de Malyugin, peuvent permettre d’élargir la pupille jusqu’à 6,25 ou 7 mm de diamètre. Ceci sera suffisant pour permettre une phacoémulsification, mais souvent insuffisant si l’on envisage une chirurgie de la cataracte à petite incision ou une extraction extracapsulaire.

Soins postopératoires

Lorsqu’une dilatation chirurgicale de la pupille s’est avérée nécessaire, il faut s’attendre à une augmentation de l’inflammation postopératoire et prendre des mesures anti-inflammatoires après l’opération, à savoir, par exemple : injection sous conjonctivale de corticoïdes en fin d’intervention, utilisation d’un corticoïde local plus puissant en postopératoire, ou instillations plus fréquentes de collyre (par ex. instillation six fois par jour de dexaméthasone à 0,1 % ou prednisolone à 1 %).

References

1 Narendran N, Jaycock P, Johnston RL, et al. The Cataract National Dataset electronic multicentre audit of 55,567 operations: risk stratification for posterior capsule rupture and vitreous loss. Eye (Lond) 2009;23:31-37.

2 Neff KD, Sandoval HP, Castro L, Nowacki AS, Vroman DT, Solomon KD. Factors associated with intraoperative floppy iris syndrome. Ophthalmol 2009;4:658-663.

3 Myers WG, Shugar JK. Optimizing the intracameral dilation regimen for cataract surgery: prospective randomized comparison of 2 solutions. J Cataract Refract Surg 2009;35(2):273-6.

4 www.cataractcoach.com