Gestion des erreurs dans l’unité de soins oculaires
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Les soins oculaires sont un travail d’équipe. Lorsque quelque chose tourne mal, il est important de se concentrer sur le patient et de tirer les leçons de l’erreur tout en travaillant avec les personnels de santé concernés dans un esprit de soutien.
Aucun professionnel de la santé oculaire ne désire commettre une erreur. Pour protéger nos patients, il est essentiel d’anticiper les problèmes et de mettre en place des systèmes qui minimisent les risques, comme les Directives pour une chirurgie sûre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ou encore la Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale, également élaborée par l’OMS1.
Cependant, si quelque chose tourne mal en dépit de toutes nos précautions, nous avons trois responsabilités principales :
- Prendre soin du patient. Soyez honnête, informez-le si quelque chose ne va pas et fournissez-lui les soins appropriés.
- Soutenir le professionnel de la santé concerné (y compris à travers la formation).
- Tirer les leçons de l’erreur, afin qu’elle ne se reproduise pas.
1. Prendre soin du patient
Diminuer le plus possible le préjudice subi par le patient Par exemple, contactez immédiatement le patient si vous découvrez qu’il y a eu une erreur liée à un médicament. Déterminez si le patient a subi un préjudice et traitez les éventuelles conséquences de l’erreur. Ainsi, si vous découvrez qu’une erreur de dilution s’est produite dans la préparation d’un antibiotique pour une injection intraoculaire, contactez immédiatement tous les patients concernés pour voir s’ils présentent des symptômes. Proposez de les examiner et de traiter tout effet indésirable.
Présenter des excuses au patient
N’ayez jamais peur de présenter des excuses au patient concerné. Il ne s’agit pas d’une reconnaissance de responsabilité, mais d’une expression de sympathie, et la plupart des gens s’y attendent.
Éviter les dissimulations et promouvoir une culture positive de l’erreur
Il est très important que les responsables et la hiérarchie encouragent une culture d’ouverture et de transparence, sans crainte de blâme ou de représailles, afin que les problèmes puissent être discutés ouvertement et qu’une solution soit trouvée.
Une culture positive de l’erreur (ce que les Anglo-Saxons appellent ‘no blame’ culture) fait que les membres du personnel se sentent libres de signaler immédiatement les incidents, plutôt que de les dissimuler jusqu’à ce que le préjudice s’aggrave.
Erreurs médicales au Brésil
Joao Furtado Service d’ophtalmologie, Université de São Paulo, Brésil.
Lorsqu’une erreur se produit, nous sommes tenus de dire la vérité aux patients en employant des mots qu’ils comprendront. Nous devons également fournir des soins oculaires gratuits pour la prise en charge des problèmes liés à cette erreur.
Tout ce qui concerne le traitement du patient (y compris la chirurgie et les médicaments) est consigné dans le dossier médical. En cas d’erreur, le chef du service de chirurgie et l’infirmier en chef sont informés et une enquête interne est menée. Des suggestions sont faites à l’issue de l’enquête afin d’éviter que cela ne se reproduise (par exemple formation, mise en place d’une liste de contrôle, etc.).
2. Soutenir les professionnels de santé concernés
La plupart des personnels de santé impliqués dans un événement portant préjudice à un patient en sont profondément affectés. On les appelle parfois les « secondes victimes » des erreurs médicales, car l’implication dans une erreur médicale peut entraîner une perte de confiance en soi et même aboutir à la décision de renoncer à exercer son métier. Comme nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des professionnels de santé qualifiés, il est important de les réhabiliter également.
Inclure le personnel de santé dans le processus de rappel, d’évaluation et de traitement des patients
Les professionnels de santé sont gagnants lorsque leur implication auprès d’un patient se poursuit après la découverte d’une erreur ; ceci peut se faire, par exemple, en organisant un rendez-vous avec le patient pour le réexaminer, car cela leur donne l’occasion de faire quelque chose de positif pour le patient. En demandant au personnel de santé de rester impliqué, vous montrez que vous avez toujours confiance en lui, et cela l’aidera à reprendre confiance. Enfin, le fait d’être impliqué dans une erreur leur donne une occasion précieuse d’apprendre comment bien gérer la situation à l’avenir, avec le soutien de leurs collègues.
Encourager une saine réflexion
Invitez les membres du personnel de santé à réfléchir à ce qui s’est passé et à en identifier les causes. Ont-ils bien suivi la procédure ? Étaient-ils fatigués ? Y a-t-il eu une erreur de communication et, si oui, pourquoi ? Des systèmes adéquats sont-ils en place pour minimiser le risque d’erreur ?
Il peut arriver qu’un professionnel de santé se culpabilise même si la faute ne lui incombe pas. S’il se sent coupable, demandez-lui si son impression correspond vraiment à la réalité. Une autre personne raisonnable et formée auraitelle agi différemment si elle avait disposé des mêmes informations à ce moment-là ?
L’inverse peut également être vrai. Certains professionnels de santé peuvent refuser d’accepter toute responsabilité, rejetant la faute sur les autres sans tenir compte de leur propre rôle dans l’incident. Ces membres du personnel peuvent très bien répéter leur erreur et sont donc un danger pour les patients. Les professionnels de santé qui s’impliquent de manière constructive et acceptent une éventuelle part de responsabilité dans la survenue d’une erreur sont moins susceptibles de répéter cette erreur.
Impliquer le personnel de santé dans la prévention
Posez des questions telles que : « Quelles suggestions avez-vous à faire pour nous aider à éviter ce genre d’erreur à l’avenir ? » ou « Y a-t-il à votre avis des étapes dans la manipulation des médicaments qui devraient être modifiées pour éviter que cette erreur ne se reproduise ? ».
Cette étape est cruciale, car le personnel de santé peut avoir des idées que les membres plus expérimentés de l’équipe n’auront pas. Par exemple, les médecins expérimentés et les membres de la direction administrent rarement des collyres. S’il y a un problème au niveau de l’administration des médicaments, les membres les plus jeunes de l’équipe ont beaucoup plus de chances d’en avoir connaissance.
3. Tirer les leçons des incidents
Une bonne pratique consiste également à faire en sorte que tous ces incidents soient systématiquement signalés, par exemple en mettant en place un « journal des incidents » dans chaque service. On peut alors discuter régulièrement des incidents lors des réunions du personnel et en tirer des leçons pour améliorer les normes et les résultats.
Cherchez à savoir comment l’erreur est survenue et assurez-vous d’obtenir des informations exactes (les notes sur le patient, l’ordonnance et les instructions relatives à l’utilisation des médicaments, etc.) afin que le problème puisse être discuté de manière constructive avec toutes les personnes concernées.
Déterminez s’il y a des lacunes dans la formation des membres du personnel et remédiez-y en proposant une formation appropriée, une supervision ou un enseignement pertinent afin qu’une erreur similaire ne se répète pas à l’avenir.
Une erreur peut être découverte à la suite d’une plainte déposée par un patient ou par un autre membre du personnel. À moins que la santé du patient ne soit immédiatement menacée, il est important d’entendre et d’examiner les deux versions de l’histoire avant de prendre une quelconque mesure. Organisez une réunion avec le ou les membres du personnel de santé concerné(s) dès que possible.
Comment annoncer une mauvaise nouvelle
Une formation ou des directives formelles sur la façon d’annoncer les mauvaises nouvelles sont d’une importance inestimable ; cela évitera à chacun d’être démuni lorsqu’une telle situation se présente. On peut s’entraîner au moyen de jeux de rôles, par exemple, mais il est également essentiel que le personnel de santé en formation soit présent lorsqu’un membre chevronné du personnel annonce une mauvaise nouvelle en situation réelle.
Dans notre hôpital, lorsqu’une erreur a été commise, les personnels de santé impliqués informent le patient et :
- Ils expriment leur profond regret pour ce qui s’est passé.
- Ils ajoutent que tout sera mis en oeuvre pour aider à résoudre le problème et gérer les complications éventuelles.
- Les responsables de l’équipe seront impliqués pour s’assurer du meilleur résultat possible.
Le patient est ainsi rassuré de savoir que tout est fait pour résoudre le problème et qu’il obtiendra le soutien et les soins dont il a besoin. Ceci peut également aider à rassurer les autres membres du personnel de santé en leur montrant qu’ils auraient le soutien de leur équipe et de la direction s’ils se retrouvaient impliqués dans une erreur.
Rôle de la direction
Il est important que les responsables travaillent avec les équipes de soins oculaires pour :
- Faire de la sécurité des patients une priorité.
- Vérifier régulièrement les erreurs et désigner un responsable de l’analyse des erreurs.
- Définir clairement la marche à suivre en cas d’erreur médicale.
- Créer une culture positive de l’erreur et un environnement de travail favorable ; ceci devrait aider à éviter la dissimulation des erreurs par le personnel de santé.
- Veiller à ce que chacun puisse tirer des enseignements de l’incident afin qu’il ne se reproduise pas.
Référence
1 OMS. Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale. bit.ly/3jJQG6t
Erreurs médicales au Kenya
Nyawira Mwangi Maître de conférences, Programmes d’ophtalmologie, Kenya Medical training College, Nairobi ; attachée de recherche, London School of Hygiene and Tropical Medicine, Royaume-Uni.
Lorsqu’une erreur médicale se produit, nous suivons la procédure ci-dessous :
- Si l’erreur est constatée au moment de l’intervention chirurgicale ou peu de temps après, prodiguer des soins d’urgence qui pourraient sauver la vision ou l’oeil.
- Communiquer avec le patient et lui expliquer ce qui s’est passé, les soins qui lui seront prodigués (éventuellement à titre gracieux) et les résultats probables.
- Organiser une réunion avec l’équipe pour déterminer pourquoi l’erreur s’est produite et ce qu’il faut faire pour éviter qu’elle ne se reproduise. La difficulté est que la discussion durant la réunion doit être suffisamment précise et franche pour identifier la cause profonde de l’erreur, tout en évitant la solution de facilité qui consisterait simplement à désigner des coupables.
- Documenter l’ensemble du processus et rédiger un rapport.
- Si l’hôpital organise des séances de revue de morbidité-mortalité, encourager les membres du personnel à y présenter le cas.
- Mettre en place des mesures pour éviter que cela ne se reproduise, notamment en renforçant la vérification des médicaments, la formation ou les effectifs.
- Se préparer à une éventuelle action en justice ou à des mesures professionnelles.