RSOC Vol. 14 No. 18 2017 pp 9-11. Publié en ligne 19 octobre 2017.

Les bases d’un bon suivi postopératoire de la chirurgie du glaucome

Fatima Kyari

Ophtalmologiste, Department of Ophthalmology, College of Health Sciences, University of Abuja, Nigeria.


Mohammed M Abdull

Ophtalmologiste, Ophthalmology Department, Abubakar Tarawa Balewa University Teaching Hospital, Bauchi, Nigeria.


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Patientes attendant leur visite de suivi après une opération du glaucome. NIGERIA © Abdull Mohammed
Patientes attendant leur visite de suivi après une opération du glaucome. NIGERIA © Abdull Mohammed

La trabéculectomie est l’intervention la plus fréquemment pratiquée pour traiter le glaucome. Nous décrivons ici les principes à suivre pour réussir la prise en charge postopératoire à court, moyen et long termes.

Le traitement du glaucome consiste à ramener la pression intraoculaire (PIO) à un niveau qui ne présente pas de danger pour le nerf optique. Cela permet de prévenir ou retarder la perte de vision. Cet abaissement de la PIO peut être obtenu grâce à un traitement médicamenteux, une opération, ou encore une intervention au laser. La trabéculectomie est l’intervention chirurgicale la plus fréquemment pratiquée en cas de glaucome. Cette opération consiste à créer dans l’oeil une voie de drainage supplémentaire pour l’humeur aqueuse. Celle-ci s’écoule de la chambre antérieure par une ouverture (fistule) au niveau de la sclère jusqu’à une bulle de filtration créée au niveau de la conjonctive, qui sert de réservoir artificiel. Cette bulle de filtration, cachée sous la paupière, permet l’absorption progressive de l’humeur aqueuse par la circulation générale.

Avant que les patients ne subissent une trabéculectomie, il faut leur expliquer que l’opération ne guérit pas la maladie ; elle fait baisser la PIO afin de réduire le taux de détérioration de la vision. Les patients doivent comprendre que la vision qu’ils ont déjà perdue ne peut être restaurée par une intervention chirurgicale, et que la chirurgie peut provoquer une vision floue dans la période postopératoire immédiate (flou qui disparaît tout seul au fil du temps).

Un bon suivi postopératoire est essentiel, et il faut donner aux patients un numéro de téléphone qu’ils peuvent appeler pour soumettre un problème, demander des informations, reprogrammer un rendez-vous, ou lorsqu’ils remarquent des symptômes susceptibles d’indiquer une complication.

Il existe deux types de soins postopératoires après une trabéculectomie : les soins postopératoires immédiats (0–6 semaines), et les soins postopératoires à moyen et long termes (après 6 semaines).

Principes régissant les soins postopératoires immédiats (0–6 semaines)

S’assurer que le but de la chirurgie a été atteint, c’est-à-dire que la PIO a baissé

Un jour après l’opération (au jour 1), le chirurgien examine l’oeil pour s’assurer que la bulle de filtration est bien formée et permet le drainage de l’humeur aqueuse et pour vérifier que la PIO a diminué de façon satisfaisante. La PIO mesurée au premier jour postopératoire n’est pas la PIO finale, mais c’est une bonne indication que l’opération a réussi (ou pas) à créer une voie de drainage. À ce stade, lors de l’examen oculaire, le chirurgien doit également rechercher les signes éventuels de complications précoces : infection, hyphéma, fuite de la plaie, chambre antérieure peu profonde ou plate, hypotonie oculaire nécessitant une intervention, et décollement de la choroïde.

Protéger l’oeil des traumatismes externes

L’oeil opéré est protégé par un pansement jusqu’au lendemain. Si l’autre oeil ne voit pas, l’oeil opéré n’est pas couvert ; on y applique plutôt une coque oculaire perforée.

Assurer l’hygiène et prévenir l’infection

Le patient doit garder le visage propre et éviter de toucher son oeil. Il peut prendre un bain ou une douche, en prenant soin de ne pas se pencher en avant ou de toucher l’oeil opéré (que l’on peut également protéger avec une coque oculaire). Il faut se laver les mains avant d’instiller un collyre. Les collyres antibiotiques postopératoires (le chloramphénicol, par exemple) doivent être instillés toutes les 4 à 6 heures ou 4 à 6 fois par jour, pendant 2 à 3 mois.

Réduire l’inflammation postopératoire

Un certain degré de rougeur et d’oedème oculaire peut se produire après l’opération. Les collyres anti-inflammatoires postopératoires (la dexaméthasone, par exemple) sont instillés toutes les 1 à 2 heures les premiers jours, puis la fréquence est réduite à 4 à 6 fois par jour. Les collyres postopératoires sont instillés pendant 2 à 3 mois, suivant la prescription du médecin traitant.

Maîtriser la douleur

Les douleurs oculaires après la chirurgie du glaucome sont courantes, mais elles sont souvent atténuées et répondent bien aux analgésiques tels que les anti inflammatoires non stéroïdiens et l’acétaminophène.

Après une trabéculectomie, il faut veiller à bien protéger l’oeil, notamment en portant des lunettes de soleil pendant la journée. KENYA © Lindsay Hampton
Après une trabéculectomie, il faut veiller à bien protéger l’oeil, notamment en portant des lunettes de soleil pendant la journée. KENYA © Lindsay Hampton

Symptômes et signes de complications (0–6 semaines)

Perte soudaine de vision Une légère perte de vision, qui n’excède généralement pas deux lignes d’acuité visuelle (AV), peut se produire après l’opération ; cependant, elle doit s’améliorer progressivement ou tout au moins ne pas s’aggraver rapidement. Une détérioration rapide de la vision est un cas d’urgence ; elle doit donc être signalée rapidement. Les causes communes en sont:

1 Un hyphéma indique la présence de sang dans la chambre antérieure. Les cellules sanguines obstruent le trabéculum et empêchent également le drainage de l’humeur aqueuse par la fistule créée dans l’espace sous-conjonctival. Ceci entraîne une élévation de la PIO qui est parfois catastrophique. Elle aggrave l’atteinte du nerf optique et peut entraîner la cécité si elle n’est pas remarquée et traitée rapidement. Le patient doit se présenter à l’établissement de santé où l’intervention chirurgicale a été effectuée pour une prise en charge urgente.

Une perte soudaine de la vision centrale peut survenir, en particulier chez les patients dont la maladie était grave avant l’intervention. Parfois, les chirurgiens décident de ne pas opérer de tels patients et proposent des solutions moins invasives. La perte de vision peut être progressive ou rapide, en fonction de la gravité de la maladie et de l’inflammation postopératoire.

2 Décollement choroïdien : celui-ci est dû au passage de sérum dans l’espace suprachoroïdien (entre la sclère et la choroïde) en raison d’une augmentation de la pression transmurale. Cette dernière est généralement entraînée par l’hypotonie du globe qui peut se produire après une trabéculectomie. Un décollement choroïdien peut se signer par une perte de vision assez grave et par une douleur dont l’intensité peut varier. La réalisation d’une échographie de type B peut permettre de confirmer le diagnostic. Un traitement en urgence sera nécessaire pour prévenir une perte de vision permanente.

OEil hypotone

Une hypotonie entraîne une chambre antérieure plate ou peu profonde. Elle est généralement causée par une filtration excessive de l’humeur aqueuse, due à un volet scléral trop lâche, à une fuite de la plaie conjonctivale au niveau du site de l’incision, ou encore à une fuite par une boutonnière conjonctivale. Elle peut s’accompagner ou non d’une baisse de la vision, avec une douleur légère à intense en fonction de la cause. Un pansement oculaire pourrait suffire, mais une intervention chirurgicale urgente est parfois nécessaire.

Rougeur, douleur et écoulement (pus)

Ceci peut s’accompagner d’une baisse de l’acuité visuelle très rapidement après l’intervention chirurgicale, et la combinaison de ces symptômes indique généralement une infection évolutive. La rougeur seule peut être normale après une intervention chirurgicale, mais si elle persiste au-delà de quelques jours, elle doit être signalée car il peut s’agir d’une inflammation de l’oeil. Si tous les symptômes ci-dessus sont présents, ils doivent être signalés d’urgence au centre de santé où ils seront examinés en vue d’un traitement approprié.

Principes régissant les soins postopératoires à plus long terme (après 6 semaines)

Optimiser la vision

6 à 8 semaines après l’opération, il faut réaliser un examen de la réfraction pour déterminer l’acuité visuelle avec meilleure correction (AVMC) et prescrire une correction optique par le port de lunettes ou de lentilles de contact. Tout le monde ne peut pas continuer ou commencer à porter des lentilles de contact après une trabéculectomie. Le médecin doit évaluer la bulle de filtration et déterminer si le port de lentilles de contact peut être recommandé.

Continuer à protéger l’oeil

Conseillez au patient de protéger son oeil. Cela est d’autant plus nécessaire lorsqu’il fait du sport, lorsqu’il pratique une activité qui implique un contact physique, ou lorsqu’il y a du vent. Il doit alors protéger son oeil contre tout traumatisme en portant des lunettes de sport ou des lunettes de soleil qui protègent contre les rayons UVB pendant les activités de plein air, par exemple lorsqu’il conduit une moto. Les lunettes de protection doivent rester propres.

Continuer le traitement

Le cas échéant, le traitement postopératoire (antibiotiques et collyre corticoïde) peut être poursuivi jusqu’à 3 mois après l’opération sur avis du médecin.

Dans certains cas, un traitement antiglaucomateux peut également être prescrit après l’opération, si la PIO n’a pas baissé au niveau souhaité. Les patients doivent être informés de cette éventualité avant l’opération.

Surveiller tout signe de complication postopératoire

Le patient doit être surveillé régulièrement afin de détecter tout changement visuel, toute douleur ou tout autre symptôme indiquant des complications postopératoires telles qu’une infection, un échec de la bulle de filtration, ou une filtration excessive. On ne saurait trop insister sur l’importance du suivi communautaire par l’agent de santé communautaire ou l’infirmier spécialisé en ophtalmologie ; ceci est essentiel pour assurer la détection des symptômes et des signes et proposer un traitement sans délai. Il faut conseiller aux patients de consulter s’ils observent des symptômes (voir encadré ci-dessous).

Possibilité d’autres interventions chirurgicales

Lorsque la PIO n’est pas au niveau souhaité, le médecin peut conseiller d’autres interventions afin de l’optimiser. Ces interventions peuvent inclure le relâchement de sutures ajustables, une reprise de la bulle de filtration, des injections d’antimétabolites ou même un traitement au laser.

Symptômes et signes de complications à plus long terme (après 6 semaines)

  1. Rougeur associée à un écoulement (pus). Une infection bactérienne peut survenir longtemps après une trabéculectomie réussie. Une personne qui a subi une intervention oculaire et qui présente un écoulement oculaire (pus) doit consulter immédiatement un ophtalmologiste et suivre un traitement approprié. Il faut éviter l’automédication, en particulier avec les collyres corticoïdes. Des conséquences graves et une perte de vision peuvent survenir en cas d’endophtalmie.
  2. Gêne oculaire. Une bulle de filtration importante peut entraîner des anomalies de l’étalement des larmes sur la cornée, et donc un film lacrymal de mauvaise qualité et une sensation de sécheresse et d’inconfort. Une bulle de filtration de grande taille peut également entraîner une gêne sous palpébrale et être perçue comme un préjudice esthétique.
  3. Vision trouble et cataracte. Le risque de développer une cataracte augmente après une trabéculectomie et le patient doit en être informé. Le patient peut être sujet à un éblouissement croissant lorsqu’il est au soleil ou lorsqu’il est au volant la nuit. Toute baisse de vision doit être examinée afin d’en déterminer la cause immédiate. La vision s’améliore généralement après une opération de la cataracte, sauf si les dommages causés par le glaucome sont importants.
  4. Modification de l’indice de réfraction. Après une trabéculectomie, il peut se produire un astigmatisme en raison de la légère distorsion de l’anatomie de l’oeil. De nouvelles lunettes peuvent alors s’avérer nécessaires. Une telle modification de la vision peut être retardée et peut intervenir jusqu’à 3 mois environ après l’opération, lorsque l’oeil s’est stabilisé.
  5. Perte de vision continue. Même lorsque la PIO est maîtrisée, la vision du patient peut continuer à baisser. Le patient peut voir des halos autour des ampoules électriques, ce qui peut indiquer une nébulosité de la cornée due à une hausse de la PIO. La chirurgie du glaucome réduit le taux de perte de vision chez les patients atteints de glaucome, mais peut ne pas l’arrêter complètement.

Conseils aux patients à leur sortie

Avant de rentrer chez eux après une trabéculectomie, les patients doivent recevoir les informations ci-dessous. Ils doivent également comprendre les complications possibles et l’importance de consulter d’urgence afin que leur vision puisse être préservée. Assurez-vous de donner aux patients les coordonnées dont ils ont besoin, par exemple les numéros de téléphone de la personne qu’ils doivent appeler pour obtenir un rendez-vous dans les meilleurs délais.

Sensations au niveau de l’oeil

Vous pouvez avoir des larmoiements, une sensation de grains de sable dans l’oeil ou une vision floue après une trabéculectomie, mais cela devrait disparaître au bout de quelques jours. Vous pouvez ressentir une douleur ou une irritation à cause des sutures ou de l’opération elle-même. Ces sensations diminuent généralement après quelques jours.

Protection

En raison de l’opération, l’oeil est plus fragile qu’auparavant. Il est important d’en prendre spécialement soin et de le protéger contre tout traumatisme. Pendant la journée, vous pouvez porter des lunettes de soleil qui protègent contre les rayons UVB.

Prudence lors des activités

Les activités physiques qui nécessitent de se pencher en avant (l’agriculture par exemple), la prostration pendant la prière musulmane, et le port d’objets lourds doivent être évités durant les 6 premières semaines suivant l’opération chirurgicale. Les activités physiques intenses telles que la course, le saut, la natation et les relations sexuelles doivent également être évitées jusqu’à ce que l’ophtalmologiste indique que vous pouvez les reprendre sans risque.

Propreté et hygiène

  • Vous pouvez vous doucher, vous baigner ou vous laver le visage pour assurer une bonne hygiène.
  • Pendant au moins une semaine, évitez le maquillage des yeux, y compris le crayon Kohl et le crayon pour les yeux.
  • Évitez de toucher directement l’oeil ou de le frotter.

Médicaments

  • Lavez-vous les mains avant d’instiller vos collyres.
  • Ne touchez pas le compte-gouttes du flacon avec les doigts et ne laissez pas la pointe du flacon toucher l’oeil.
  • Utilisez les collyres selon la posologie indiquée sur l’emballage, ou tel qu’indiqué par votre médecin.

Respect des rendez-vous

Il est important de respecter votre rendezvous, car l’ophtalmologiste doit surveiller régulièrement votre vision et votre pression intraoculaire et rechercher des signes de complications. Apportez vos collyres lorsque vous allez en consultation.

IMPORTANT : Revenez si vous observez des signes ou symptômes inquiétants

Contactez immédiatement votre agent de santé communautaire (le cas échéant), votre infirmier(ère) ou votre ophtalmologiste si vous ressentez l’un des signes ou symptômes énumérés ci-dessous, même s’ils apparaissent plusieurs mois après l’opération, car cela peut indiquer qu’il y a un problème qui doit être examiné. En revenant rapidement, vous donnerez aux professionnels de la santé toutes les chances de sauver votre vision et votre oeil.

  • Douleur : revenez de toute urgence.
  • Détérioration rapide de la vision (en particulier de la vision centrale) : revenez de toute urgence.
  • Rougeur et/ou écoulement de l’oeil (pus) : revenez de toute urgence.
  • Halos autour des ampoules électriques : revenez de toute urgence.
  • Vision floue ou déformée (y compris un éblouissement accru au soleil ou au volant la nuit) : moins urgent ; on peut y remédier par une opération de la cataracte ou la prescription de nouvelles lunettes.