L’importance de la déclaration des incidents critiques : principes et conseils pratiques
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Si vous demandez à un groupe de personnes si l’on est plus susceptible de mourir d’un accident survenu à l’hôpital ou lors d’un déplacement en avion ou en voiture, la plupart des gens répondront probablement que l’on est plus en sécurité à l’hôpital. En fait, la réalité est toute autre. Le risque qu’un patient décède d’un incident critique ou d’une erreur à l’hôpital est 100 fois plus élevé que celui de décéder dans un accident de transport1. Les hôpitaux sont des endroits dangereux. Les traitements modernes sont puissants et complexes et les professionnels de la santé doivent faire face à de nombreuses pressions en termes de charge de travail et de financement. Dans le service de santé national britannique (NHS), notamment, l’on estime qu’un événement indésirable ou incident critique grave survient dans une proportion pouvant aller jusqu’à 10 % de toutes les admissions hospitalières. Ce chiffre se traduit par environ 850 000 événements indésirables par an2 et coûte chaque année des milliards de livres sterling au NHS en surcoûts d’hospitalisation, traitements et frais juridiques. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que, dans le monde, 20 à 40 % des dépenses de soins de santé sont gaspillées en raison de la piètre qualité de certains soins.
Malheureusement, le secteur de la santé dans le monde se montre à la fois lent et sans imagination quand il s’agit de résoudre cet énorme problème.
L’erreur humaine, ainsi que des procédures et équipements dangereux, sont à l’origine d’un grand nombre des désastres qui se produisent. Tout le monde fait des erreurs. Cela fait partie de la condition humaine. Les bons médecins et les bons infirmiers font des erreurs, mais les incidents critiques sont rarement le fait d’une seule personne3. Et pourtant, traditionnellement, la réaction aux incidents critiques consiste à jeter l’opprobre sur les personnes impliquées et à ne pas saisir l’occasion de mettre en place des systèmes pour se prémunir contre la survenue d’erreurs et problèmes similaires à l’avenir. Ainsi, trop souvent, les mêmes erreurs se reproduisent. Tout ceci conduit le personnel de santé à ne pas déclarer les erreurs ou les « quasiaccidents » (erreurs ou désastres qui ont été évités de peu) par peur d’être blâmé et puni. Et ceci, à son tour, fait que le personnel d’encadrement médical, infirmier et administratif n’a pas accès aux informations dont il aurait besoin pour améliorer la sécurité des patients. Lorsque les mêmes erreurs se produisent à répétition, c’est une tragédie ; c’est également le signe que nous avons fondamentalement manqué à notre devoir envers nos patients.
L’industrie aérospatiale a adopté une approche fondamentalement différente. Depuis de nombreuses années, tous les personnels sont encouragés à déclarer les problèmes, les échecs et les erreurs. La sécurité est la responsabilité de chacun, quelle que soit sa position hiérarchique, et la culture du milieu de l’industrie aérospatiale considère la sécurité comme la principale priorité de chacun. Personne n’est critiqué pour avoir déclaré un problème. En fait, ne pas déclarer un problème est considéré comme étant très grave et le personnel bénéficie d’un certain degré d’immunité contre les mesures disciplinaires si les problèmes sont déclarés rapidement. Le résultat de cette politique : voyager dans un avion de ligne est le mode de transport le plus sûr, bien plus sûr que le transport automobile.
Même s’il est impossible d’éviter les erreurs, il est possible de mettre en place des procédures qui font obstacle à leur survenue. Par exemple, tout comme la liste de contrôle utilisée par les pilotes d’avion lors de la préparation d’un vol, une liste de contrôle de salle d’opération peut aider à assurer que le bon patient subit la bonne opération sur la bonne partie de son corps (voir l’encadré page 29 sur la Liste de contrôle de la sécurité chirurgicale de l’OMS). Toutefois, si personne ne connaît ni le type de problèmes qui se produisent ni leur fréquence, il est impossible de concevoir des systèmes qui renforcent la sécurité des soins de santé. Par exemple, si personne ne déclare les erreurs d’administration des médicaments, personne ne saura que les feuilles d’ordonnance sont mal conçues et prêtent à confusion. Par conséquent, si l’on veut améliorer la sécurité des patients, la première étape essentielle consiste à mettre en place un système totalement ouvert de déclaration des événements indésirables et quasi-accidents.
Données requises sur un formulaire de déclaration d’incident
- Nom du patient et numéro d’identification ou date de naissance du patient
- Date et heure de l’incident
- Lieu de l’incident
- Description brève et factuelle de l’incident
- Nom et coordonnées des témoins éventuels
- Préjudice causé, le cas échéant
- Mesures prises ou actions effectuées au moment de l’incident
- Nom et coordonnées de la personne déclarant l’incident
Comment mettre en place un système de déclaration efficace
- Mettre en place un groupe de gouvernance clinique composé de cadres supérieurs du personnel suffisamment chevronnés pour analyser les informations et ayant l’autorité suffisante pour imposer des changements dans l’hôpital. Le groupe doit compter des représentants de tous les services pertinents et inclure un médecin-chef, un infirmierchef, un pharmacien et le directeur de l’hôpital.
- Concevoir un formulaire simple de déclaration d’incident. Si le formulaire est long et compliqué, le personnel hésitera à le remplir.
- S’assurer que des formulaires sont à disposition dans chaque secteur clinique.
- S’assurer que les formulaires remplis sont envoyés au groupe de gouvernance clinique de manière confidentielle, pour que les membres du personnel soient sûrs que les informations qu’ils ont fournies restent confidentielles.
- Encourager les déclarations. Ceci est toujours difficile. Lorsqu’une culture de la faute a régné pendant des années, les membres du personnel peuvent penser qu’ils seront stigmatisés s’ils déclarent des incidents. Il est crucial de générer un climat de confiance. Sans confiance, il ne peut y avoir d’équipe ou de travail d’équipe. Pour que le système fonctionne, les membres du personnel doivent être convaincus que, s’ils déclarent des incidents, leurs supérieurs et la direction les traiteront de façon juste et ne les accuseront pas injustement ni n’en feront des boucs émissaires. Les cadres supérieurs et la direction doivent être assurés du fait que l’équipe fait preuve de la vigilance nécessaire, suit les formations et déclare les problèmes lors de leur survenue. Vous trouverez quelques façons d’encourager les déclarations dans le Tableau 1.
La sécurité des patients est l’affaire de tous. Les accidents médicaux infligent des souffrances à nos patients et leur famille, entraînent d’énormes gaspillages financiers et sont source de stress, d’anxiété et d’épuisement professionnel pour le personnel médical. Pour améliorer la sécurité, il ne s’agit pas de redoubler nos efforts, mais de tirer les leçons de nos erreurs. Pour ce faire, nous devons d’abord être en mesure d’identifier nos erreurs.
Tableau 1. Suggestions pour encourager la déclaration d’incidents indésirables
1 Abaisser le seuil de déclaration | Le personnel doit déclarer même les incidents mineurs et les « quasi-accidents », qui sont tout aussi importants que les événements majeurs pour identifier et analyser les problèmes de sécurité. |
2 Expliquer clairement que l’analyse prendra en compte tous les facteurs en cause et pas seulement les actions d’un individu donné |
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3 Analyser les résultats logiquement et élaborer un plan d’action |
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4 Faire part des résultats du processus |
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5 Prendre des mesures pour éviter les incidents à l’avenir | Il faut du temps pour que les membres du personnel acceptent que la déclaration d’incidents ne leur sera pas préjudiciable. Lorsqu’ils constatent des changements tangibles pour améliorer la sécurité et sentent que leur engagement envers la sécurité est apprécié, la plupart des personnels de santé adoptent pleinement le système de déclaration. |
6 Encourager une approche d’équipe |
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Références
1 http://www.medicine.ox.ac.uk/bandolier/booth/Risk/accidents.html
2 Vincent, C.A. Presentation at BMJ conference ‘Reducing Error in Medicine;’. London. March 2000.
3 NHS Department of Health Report. An Organisation with a Memory. 2000.