RSOC Vol. 19 No. 27 2022 pp 21-22. Publié en ligne 21 septembre 2022.

Programme de prise en charge du glaucome : exigences minimales

Fatima Kyari

Maître de conférences, International Centre for Eye Health, London School of Hygiene & Tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni ; Ophtalmologiste chef de clinique, College of Health Sciences, University of Abuja, Nigeria.


Rohit C Khanna

Directeur de réseau, Allen Foster Eye Health Research Centre & Brien Holden Eye Centre, Gullapalli Pratibha Rao International Centre for Advancement of Rural Eye care, LV Prasad Eye Institute, Hyderabad, Inde.


© Terry Cooper CC BY-NC-SA 2.0
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Pour être efficace, un programme de prise en charge du glaucome doit offrir un diagnostic rapide ainsi qu’un suivi et un traitement tout au long de la vie du patient.

Le glaucome est une maladie chronique non transmissible. Un service de prise en charge du glaucome est d’une efficacité maximale lorsqu’il prend en compte tous les aspects du parcours de soins, allant de l’information du patient qui ignorait tout du glaucome au traitement et au maintien de l’observance thérapeutique. Les auteurs de cet article ont précédemment élaboré un cadre conceptuel relatif au parcours de prise en charge du glaucome, qui est détaillé dans la Figure 1.

Figure 1 Cadre conceptuel pour le parcours de prise en charge du glaucome (1).

Ce cadre conceptuel pour un parcours de soins optimal prévoit la participation des patients atteints de glaucome à la prise en charge, depuis la communauté jusqu’à l’hôpital ; il inclut des mesures pour éviter la cécité1. Il prend en compte des éléments importants relatifs à l’expérience du patient, notamment la sensibilisation, l’utilisation des services de soins de santé et l’implication dans les soins du glaucome. Comprendre le parcours du patient permettra d’améliorer l’interaction avec ce dernier, afin de favoriser un diagnostic plus précoce ainsi que l’adoption et l’observance du traitement du glaucome, avec pour objectif de prévenir la perte de vision et la cécité dues à cette maladie.

Les six étapes nécessaires à une bonne prise en charge du glaucome sont les suivantes :

  1. Sensibilisation
  2. Accès aux soins et dépistage plus précoce
  3. Établissement du diagnostic
  4. Choix et acceptation des modalités de traitement
  5. Observance du traitement
  6. Suivi et surveillance pour détecter et prendre en charge l’évolution de la maladie.

Tous ces éléments doivent faire partie d’un système intégré de soins ophtalmologiques et ne doivent pas être fournis de manière isolée.

En général, peu de gens savent que le glaucome est une maladie oculaire potentiellement cécitante. La sensibilisation du grand public requiert un effort soutenu d’éducation et de renforcement des connaissances sur le glaucome. Nous suggérons de faire passer des messages ciblés et appropriés à travers :

  • Des campagnes médiatiques (radio, télévision, journaux, brochures d’information, magazines, etc.)
  • Les médias sociaux
  • Des activités de promotion de la santé, telles que le dépistage des maladies non transmissibles
  • Des séances de sensibilisation lors d’événements mondiaux tels que la Semaine mondiale du glaucome ou la Journée mondiale de la vue
  • Des forums interactifs en ligne et dans la communauté permettant aux patients de s’informer sur leur maladie et de poser des questions.

En renforçant l’éducation et la sensibilisation à la santé, l’on permettra aux patients d’acquérir la confiance nécessaire pour accepter et suivre un traitement.

Pour améliorer l’accès aux soins, on peut former les agents de santé communautaire et primaire à identifier les patients atteints du glaucome ou ceux qui sont le plus à risque de développer la maladie. Ces agents de santé doivent également participer à la sensibilisation des patients, à leur suivi, et au contrôle de leur observance thérapeutique. Les patients à risque comprennent notamment les personnes âgées, les parents au premier degré des patients atteints de glaucome, ainsi que les personnes ayant une pression intraoculaire (PIO) élevée. Il est utile de disposer d’une base de données familiales ou d’un logiciel de dépistage pour le suivi des parents au premier degré.

Au niveau de santé primaire, un technicien peut être formé au dépistage du glaucome. Par exemple, dans les centres de soins primaires et les centres de vision du LV Prasad Eye Institute en Inde, le personnel réalise le test de Van Herrick et transmet ce résultat à un centre de télémédecine (ainsi que les mesures obtenues par tonométrie à aplanation et des rétinographies non mydriatiques), afin de dépister le glaucome. Ces centres assurent aussi le suivi des soins et contrôlent l’observance du traitement.

La « boîte à outils pour le glaucome en Afrique »2 présente l’équipe de prise en charge du glaucome en terme des compétences de chacun. En fonction de leur niveau de compétence, les membres de l’équipe de santé oculaire devraient être en mesure d’identifier les personnes à risque de perte visuelle due au glaucome, de fournir des soins aux patients dont le glaucome est diagnostiqué et stable, d’initier le traitement et de maintenir une prise en charge appropriée pour les patients glaucomateux, afin de prévenir la perte de vision.

Il existe d’autres approches permettant une détection précoce, notamment le dépistage systématique au sein de la population et le dépistage opportuniste.

Les centres de soins oculaires de niveaux secondaire et tertiaire doivent être renforcés de manière adéquate afin de leur permettre de diagnostiquer le glaucome avec certitude. Cela nécessite des équipements appropriés, un personnel formé et qualifié, ainsi que de bons systèmes d’information et de gestion. L’examen de base inclut l’évaluation de la papille optique, la gonioscopie avec indentation pour observer l’angle de la chambre antérieure, la mesure de l’épaisseur de la cornée centrale, l’évaluation du champ visuel, et l’imagerie de la papille optique.

Pour de plus amples détails concernant l’équipement, se référer à la liste d’équipement pour la prise en charge du glaucome compilée par l’IAPB, l’Agence internationale de la prévention de la cécité (bit.ly/IAPBglauc) qui fait la distinction entre équipements « essentiels » et « souhaitables ».

Équipement essentiel

  1. Pour l’examen de base : lampe torche, échelles d’acuité visuelle, ophtalmoscope, tonomètre.
  2. Pour l’examen spécialisé / à visée diagnostique : lampe à fente, lentilles pour la lampe à fente (par ex. + 90 dioptries et + 78 dioptries), tonomètre à aplanation, verres de gonioscopie, pachymètre et outils d’exploration du champ visuel.
  3. Médicaments pour le diagnostic : collyre anesthésique, fluorescéine, collyre mydriatique, eau de Javel (hypochlorite de sodium) pour la désinfection (et sérum physiologique stérile pour le rinçage), et gel de couplage (méthylcellulose).
  4. Jeu d’instruments pour la chirurgie du glaucome, produits pharmaceutiques pour la chirurgie et consommables.
  5. Médicaments hypotonisants.

Une fois que le diagnostic de glaucome a été posé, le patient et le prestataire de soins sont invités à veiller à ce que le traitement commence le plus tôt possible et se poursuive aussi longtemps que nécessaire. Le choix du traitement doit être fondé sur le risque de progression de la perte de vision du patient. Prenez en compte les facteurs suivants :

  • Le stade de la maladie
  • Le profil sociodémographique et économique du patient
  • Les antécédents familiaux de glaucome ou de perte de vision
  • Les facteurs de comorbidité systémiques et oculaires.

Les éléments suivants sont importants, car ils permettent la poursuite du traitement et le maintien du patient dans le système de soins :

  • Réactivité des services : ceci inclut également l’amélioration de l’expérience du passage à l’hôpital.
  • Services de conseil : informez le patient de l’évolution de la maladie, de la perte de vision irréversible qu’elle entraîne, des interventions disponibles, de l’objectif du traitement, ainsi que de la nécessité d’un suivi à long terme (et des visites régulières à l’hôpital). Le coût et l’accessibilité financière des soins, les coûts d’opportunité et la perte de productivité économique doivent également être abordés.
  • Participation des patients au traitement : les connaissances partagées dans le cadre des services de conseil permettent aux patients de choisir le traitement qui leur conviendra le mieux de commun accord avec le prestataire de soins de santé. Les forums de patients sont également utiles, car ils facilitent la représentation des patients et contribuent à leur implication dans les soins3. Par exemple, les groupes de patients atteints de glaucome constituent un cadre de rétroaction et de discussions sur des préoccupations individuelles, et peuvent faire des suggestions sur l’organisation des soins et le déroulement des séances de conseil. Les groupes de patients peuvent également fournir des services de soutien entre pairs ; par exemple, les patients peuvent échanger sur l’acquisition des médicaments et leur utilisation.

Le suivi est nécessaire pour surveiller et optimiser le traitement en fonction de l’évolution de la maladie. Les mécanismes suivants peuvent être utilisés afin de contacter les patients pour le suivi :

  • Instructions claires sur le suivi et établissement de dates de rendez-vous de suivi
  • Conservation des coordonnées des patients pour des rappels par SMS ou par téléphone
  • « Ambassadeurs » du glaucome, c’est-à-dire des bénévoles au sein de la communauté qui encouragent les patients à suivre leur traitement.

Références

1 Kyari F, Chandler CI, Martin M, Gilbert CE. So let me find my way, whatever it will cost me, rather than leaving myself in darkness: Experiences of glaucoma in Nigeria. Global Health Action. 2016;9(1).

2 Light for the World International. A toolkit for glaucoma management in Africa [Internet]. 2021. Available from: https://www.light-for-the-world.org/publications/a-toolkit-for-glaucoma-management-in-sub-saharan-africa/

3 Turakhia P, Combs B. Using Principles of Co-Production to Improve Patient Care and Enhance Value. AMA J Ethics [Internet]. 2017;19(11):1125–31. Available from: https://journalofethics.ama-assn.org/article/using-principles-co-production-improve-patient-care-and-enhance-value/2017-11