RSOC Vol. 16 No. 21 2019 pp 6. Publié en ligne 01 août 2019.

Traitement d’urgence : compression du nerf optique

Colin Cook

Professeur et directeur du département d’ophtalmologie, University of Cape Town, Groote Schuur Hospital, Cape Town, Afrique du Sud.


Figure 1 La réalisation d’une canthotomie diminue la pression exercée sur le nerf optique. Si elle est effectuée à temps, elle permettra de sauver la vue du patient ADAPTÉ DE REICHMAN EF : EMERGENCY MEDICINE PROCEDURES 2ND EDITION. WWW.ACCESSEMERGENCYMEDICINE.COM
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L’augmentation de la pression intraorbitaire entraîne la compression du nerf optique, qui peut provoquer une perte de vision irréversible en l’espace de quelques heures.

L’orbite est une « boîte » osseuse qui contient l’oeil et les tissus mous avoisinants, ainsi qu’une partie du nerf optique. Une augmentation significative de la pression intraorbitaire peut diminuer l’irrigation de l’orbite et comprimer le nerf optique, ce qui va entraîner des lésions. Dans les cas aigus, une perte visuelle irréversible peut survenir dans les 90 à 120 minutes, à moins que l’on ne parvienne à diminuer la pression et rétablir l’irrigation1.

Symptômes et signes d’une compression du nerf optique

En plus d’éventuels antécédents de traumatisme, d’intervention chirurgicale ou de proptose, un patient souffrant de compression du nerf optique peut présenter les symptômes suivants :

  • Douleur
  • Problèmes de vision (par ex. vision trouble, diplopie ou encore perte visuelle périphérique, progressive, intermittente ou subite)
  • Nausées et vomissements inexpliqués.

Les signes cliniques d’une compression du nerf optique comprennent :

  • Diminution de l’acuité visuelle
  • Résistance du globe à la rétropression
  • Augmentation de la pression intraoculaire
  • Déficit pupillaire afférent relatif2
  • Incapacité à visualiser correctement les couleurs sur les planches de dépistage du daltonisme (en raison d’une anomalie de perception des couleurs).

Causes d’une compression orbitaire

Gonflement des tissus mous. Ceci peut être dû à la présence d’une tumeur, à un traumatisme, à une infection ou à une inflammation (par ex. cellulite orbitaire ou symptômes oculaires d’une dysthyroïdie).

Hématome. Un traumatisme perforant ou une contusion orbitaire peuvent entraîner une hémorragie intraorbitaire. L’hématome qui en résulte peut comprimer le nerf optique.

Entrée d’air dans l’orbite. Une fracture de l’orbite peut entraîner une compression du nerf optique. Si un patient présentant une fracture de l’orbite se mouche, l’air contenu dans les sinus de la face peut passer dans l’orbite par la fracture orbitaire, ce qui a pour effet de comprimer le nerf optique.

Prise en charge

Compression du nerf optique due à un gonflement des tissus mous ou à un hématome

Si vous suspectez une compression du nerf optique due à un hématome ou à un gonflement des tissus mous, réalisez une canthotomie externe pour décomprimer l’orbite (voir encadré).

Une compression du nerf optique due à un gonflement des tissus mous peut également être traitée par corticothérapie générale. Dans l’idéal, il faut administrer 1 g par jour de méthylprednisolone par voie intraveineuse, pendant trois jours. Toutefois, si ce médicament n’est pas disponible, l’administration pendant cinq jours de prednisolone par voie orale (1 mg/kg de poids corporel) constitue une solution de rechange acceptable. Il s’agit là de doses élevées de corticoïdes, donc il faut surveiller l’apparition d’effets secondaires éventuels.

Dans les cas aigus, il sera peut être nécessaire d’aspirer l’hématome. Utilisez à cet effet une seringue de 5 ml et placez l’aiguille dans la même position que pour une anesthésie péribulbaire.

Compression du nerf optique due à la présence d’air dans l’orbite

Lorsqu’un patient présente une fracture de l’orbite, il faut l’avertir de ne pas se moucher pendant au moins six semaines, pour favoriser la guérison de la fracture et éviter une compression du nerf optique.

Si un patient se mouche après une fracture de l’orbite et subit une perte de vision soudaine, associée à une exophtalmie et un déficit pupillaire afférent, il faut immédiatement réaliser une décompression orbitaire. Libérez l’air contenu dans l’orbite à l’aide d’une seringue de 5 ml, en utilisant la même technique que celle utilisée pour aspirer un hématome. Ce geste devrait entraîner une amélioration immédiate de la vision et du fonctionnement du nerf optique.

Trousse d’urgence

Préparez une trousse d’urgence pour la prise en charge d’une compression du nerf optique. Celle-ci doit contenir :

  • Anesthésique local pour la réalisation d’une canthotomie externe
  • Ciseaux droits pour une canthotomie externe
  • Seringue de 5 ml et aiguille de calibre 21 pour aspirer l’air ou le sang présents dans l’orbite si nécessaire.

Réalisation d’une canthotomie externe

  • Si vous pensez qu’une canthotomie est nécessaire, il faut la réaliser dès que possible.
  • Réalisez une anesthésie du canthus externe par infiltration locale.
  • Utilisez des ciseaux propres bien aiguisés. Effectuez une incision bien nette d’environ 1 cm de longueur (voir Figure 1) allant du canthus externe au rebord orbitaire externe.
  • Laissez la plaie ouverte. Ne refermez l’incision que lorsque la pression intraoculaire aura diminué.

Références

1 Risheim H, Sneve M. Bleeding behind the eye. Tidsskr Nor Legeforen 2014;134: 1854 doi: 10.4045/tidsskr.13.071.

2 Broadway D. How to test for a relative afferent pupillary defect (RAPD). Comm Eye Health 2012;25(79 & 80): 58–59.