RSOC Vol. 11 No. 13 2014 pp 21 - 22. Publié en ligne 16 juillet 2014.

Traitement médical du glaucome à angle ouvert

Fatima Kyari

Ophtalmologiste, Department of Ophthalmology, College of Health Sciences, University of Abuja, Nigeria.


Dan Kiage

Directeur du service d’ophtalmologie, Aga Khan University Hospital, Kenya.


Mohammed Abdull

Directeur du service d’ophtalmologie, CHU Abubakar Tafawa Balewa, Bauchi, Bauchi State, Nigeria.


Adunola Ogunro

Professeur d’ophtalmologie et spécialiste du glaucome, James Standefer Glaucoma Institute, Lagos, Nigeria.

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La plupart des directives en place pour la prise en charge du glaucome primaire à angle ouvert, comme celles du National Institute for Health and Clinical Excellence ou NICE (« Institut national pour la santé et l’excellence clinique »), recommandent de commencer par un traitement médical, bien que le traitement au laser ait aussi un rôle à jouer.

Toutefois, aucune de ces directives officielles ne s’appuie sur des recherches menées en Afrique et il n’existe pas non plus de données sur l’efficacité relative des différents médicaments contre le glaucome dans les populations africaines.

Pour qu’un médicament soit efficace dans la lutte contre le glaucome, il faut que le patient le prenne tous les jours pour le restant de ses jours. Ceci signifie que non seulement ce médicament doit être efficace sur le plan clinique, mais il doit également être disponible, de bonne qualité, financièrement abordable et bien toléré par le patient.

Lorsque vous prescrivez un traitement médical à votre patient, gardez à l’esprit les points suivants :

  1. Coût : le patient a-t-il les moyens à long terme d’acheter le médicament recommandé ?
  2. Disponibilité : le médicament sera-t-il toujours en stock et quelles seraient les conséquences d’une rupture de stock pour le patient ?
  3. Qualité : pour des médicaments comme le latanaprost, la chaîne du froid sera-t-elle respectée ? Le patient est-il en mesure de garder son médicament au réfrigérateur ? Le patient sait-il reconnaître des médicaments contrefaits et peut-il les éviter ?
  4. Inconfort : ce médicament peut-il entraîner un inconfort chez le patient qui découragera ce dernier de continuer son traitement ?
  5. Suivi : le patient pourra-t-il se rendre à tous ses rendezvous de suivi ?
Il faut que le patient ait les moyens d’acheter ses médicaments à long terme. Heiko Philippin
Il faut que le patient ait les moyens d’acheter ses médicaments à long terme. Heiko Philippin

Si vous avez une quelconque inquiétude concernant les points évoqués, nous vous conseillons d’envisager une solution chirurgicale pour contrôler la pression intraoculaire (PIO).

Un suivi régulier est essentiel au traitement médical. Les directives du NICE recommandent de proposer une intervention chirurgicale si deux médicaments (ou une association de médicaments à dose fixe) s’avèrent insuffisants pour contrôler la PIO et/ou ralentir l’évolution de la maladie.

Choisir les bons médicaments

Les médicaments contre le glaucome peuvent être classés suivant cinq groupes principaux, qui abaissent la PIO de manière différente :

  • Les analogues des prostaglandines (bimatoprost, latanoprost et travoprost) augmentent le drainage uvéo-scléral.
  • Les bêta-bloquants comprennent deux groupes principaux : sélectifs (bétaxolol) et non sélectifs (timolol, lévobunolol). Les uns comme les autres diminuent la production d’humeur aqueuse.
  • Les agonistes alpha-2-adrénergiques diminuent la production d’humeur aqueuse et augmentent le drainage uvéo-scléral.
  • Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique diminuent la production d’humeur aqueuse et peuvent être administrés par voie locale (brinzolamide, dorzolamide) ou générale (acétazolamide, méthazolamide).
  • Les parasympathicomimétiques augmentent l’écoulement de l’humeur aqueuse par le réseau trabéculaire en agissant sur la contraction du muscle ciliaire. Ils pourraient également ouvrir l’angle dans le glaucome par fermeture de l’angle en agissant sur le muscle du sphincter irien.

On recommande généralement comme médicament de première intention l’un des analogues des prostaglandines (latanoprost par exemple). Ces médicaments abaissent la PIO de 28 à 33 %, se prennent une fois par jour et ont des effets secondaires locaux et limités. Ils sont toutefois coûteux et peuvent être difficiles à obtenir.

Le timolol, un bêta-bloquant, est moins cher et assez efficace (il abaisse la PIO de 20 à 30 %) mais il a des effets secondaires généraux : il aggrave les bronchopneumopathies obstructives, ralentit le rythme cardiaque et diminue la tension artérielle. Le timolol à 0,5 % n’est pas plus efficace que le timolol à 0,25 % mais est beaucoup plus susceptible d’entraîner des effets secondaires.

Si le patient a besoin de plus d’un médicament, prescrivez une association de médicaments à dose fixe plutôt que deux flacons de médicaments séparés. Il n’existe aucune preuve que les associations à dose fixe de médicaments produisent de meilleurs résultats que l’utilisation de flacons distincts, mais elles ont l’avantage d’être plus faciles à utiliser et de réduire la quantité de conservateurs qui pénètrent dans l’œil. Ceci fait que les patients sont plus susceptibles de les utiliser à long terme (l’observance du traitement est meilleure).

Il n’est pas recommandé d’administrer dans l’œil plus d’une seule association de médicaments à dose fixe. Comme nous l’avons mentionné à la page précédente, lorsque l’instillation d’une association fixe ne marche pas, les directives du NICE recommandent de proposer une intervention chirurgicale.

Effets secondaires

Chaque médicament a des effets secondaires différents. Recommandez à vos patients de bien lire la notice.

  • Les femmes enceintes doivent éviter les analogues des prostaglandines (susceptibles d’entraîner des contractions utérines) et les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (qui ont des effets tératogènes).
  • Les patients asthmatiques doivent éviter les bêta-bloquants et les parasympathicomimétiques (qui peuvent provoquer un bronchospasme).
  • Les patients présentant une anémie falciforme et/ou des troubles hépatiques et rénaux doivent éviter les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique.
  • Les personnes présentant un bloc cardiaque supérieur au premier degré ou présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive et une bradycardie sinusale doivent éviter les bêtabloquants.

Conseils utiles

  1. Déterminer une PIO cible avant de commencer le traitement. Un traitement initial par médicament unique devrait baisser la PIO d’au moins 20 %. Si la diminution est inférieure à 10 %, on considère que le patient n’a pas réagi au traitement.
  2. L’objectif thérapeutique doit également inclure la stabilisation des lésions du nerf optique et de la couche des fibres nerveuses, ainsi qu’une stabilisation des champs visuels.
  3. À l’occasion, en changeant de médicament au sein de la famille des analogues des prostaglandines, on obtient une meilleure diminution de la PIO.
  4. La pilocarpine est utile en cas de glaucome pigmentaire ou de glaucome exfoliatif, car elle réduit la motilité de l’iris et peut donc réduire le dépôt de matériel exfoliatif ou pigmentaire dans le réseau trabéculaire.
  5. Les effets des inhibiteurs de l’anhydrase carbonique sur la baisse de la PIO s’additionnent mal quand ces derniers sont combinés par voie topique et par voie systémique.
  6. De nombreuses études in vitro ont démontré une neuroprotection dans des modèles de glaucome expérimentaux, mais les études cliniques n’ont pas prouvé cette neuroprotection de manière satisfaisante.
  7. Il n’y a pas de preuve suffisante pour démontrer l’effet neuroprotecteur des agonistes alpha-2-adrénergiques chez l’homme.

Observance du traitement

Les mesures ci-dessous permettent à la fois d’encourager les patients à continuer le traitement et de mieux en suivre les résultats :

  • Enseigner au patient l’importance du traitement et lui offrir un soutien
  • Former certains personnels à conseiller et soutenir les patients et les membres de leur famille
  • Expliquer les effets secondaires potentiels de chaque médicament
  • Apprendre au patient à tenir un registre des médicaments qu’il prend pendant la journée
  • Vérifier les médicaments du patient à chaque visite de suivi
  • Prescrire des associations de médicaments à dose fixe lorsque cela s’avère possible, plutôt que plusieurs flacons distincts
  • Apprendre au patient à instiller son collyre, tout particulièrement s’il présente un handicap physique ou une déficience visuelle.

Comment éviter les médicaments contrefaits

Les médicaments contrefaits sont une dépense inutile et peuvent menacer la vue du patient. Les conseils suivants aideront les patients à les éviter :

Il est crucial d’informer les patients des risques présentés par les médicaments contrefaits. NIGERIA. Fatima Kyari
Il est crucial d’informer les patients des risques présentés par les médicaments contrefaits. NIGERIA. Fatima Kyari
  • Achetez le médicament auprès d’un pharmacien agréé.
  • Vérifiez la présence du numéro d’immatriculation ou d’autorisation de mise sur le marché attribué par l’agence responsable des médicaments dans votre pays.
  • Vérifiez la date de fabrication et la date d’expiration du médicament et vérifiez que celles-ci n’ont pas été modifiées sur l’emballage.
  • Beaucoup d’entreprises pharmaceutiques impriment un hologramme de leur logo sur l’emballage. Vérifiez sa présence.
  • Certaines entreprises pharmaceutiques offrent aux patients le moyen de vérifier l’authenticité de leurs médicaments. Par exemple, au Nigeria, beaucoup d’entreprises pharmaceutiques impriment un code ou numéro unique sur chaque emballage ou flacon. Les patients peuvent envoyer gratuitement ce code par SMS au numéro fourni sur la boîte et la compagnie pharmaceutique confirme alors que le médicament est homologué et donc authentique. Utilisez ce processus de vérification lorsqu’il est disponible.
  • N’achetez pas de médicaments auprès d’un colporteur. Il pourrait bien entendu s’agir d’une contrefaçon, mais par ailleurs un colporteur n’entreposera pas le médicament correctement. Ces mauvaises conditions d’entreposage, ainsi que l’exposition au soleil et à la chaleur, vont diminuer l’efficacité du médicament.
  • N’acceptez jamais un médicament si son emballage ne porte pas l’étiquette de la compagnie pharmaceutique (certaines personnes mal intentionnées enlèvent l’étiquette d’origine et inscrivent la posologie à la main pour cacher l’origine du médicament).
  • Si vous avez des doutes sur l’origine de votre médicament, apportez-le à l’hôpital ou au centre de santé pour que l’on puisse vérifier son authenticité.
  • Méfiez-vous des médicaments importés coûteux provenant de grosses entreprises pharmaceutiques. Ils sont plus susceptibles d’être contrefaits que les médicaments produits par une petite entreprise locale.
  • Dans l’idéal, les établissements de soins oculaires devraient stocker en quantité suffisante des médicaments authentiques et les vendre à un prix raisonnable. Ceci permettrait aux patients d’acheter les médicaments dont ils ont besoin auprès d’une source sûre.