RSOC Vol. 20 No. 30 2023 pp 29. Publié en ligne 28 novembre 2023.

Améliorer la prise en charge du rétinoblastome en Afrique subsaharienne : le programme de l’AMCC

Laurence Desjardins

Ophtalmologiste de l’Institut Curie ; directrice administrative et scientifique de la Société Française d’Ophtalmologie ; Présidente de l’AMCC ; Présidente d’honneur de Rétinostop, Paris, France


Karim Assani

Oncopédiatre ; Responsable du Programme rétinoblastome à l’AMCC, Kinshasa, République Démocratique du Congo.


Pierre Bey

Conseiller du Président de l’Institut Curie ; Vice-président de l’AMCC ; Responsable du programme rétinoblastome, Paris, France.


Journées sur le rétinoblastome en septembre 2021. SÉNÉGAL © AMCC
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Les initiatives de collaboration internationale et multidisciplinaire permettent d’améliorer la prise en charge.

L’AMCC (Alliance Mondiale Contre le Cancer) est une organisation non gouvernementale créée en 2001 et représentant à sa création la branche française de l’INCTR (International Network for Cancer Treatment and Research). C’est une association loi 1901 à but non lucratif. Le professeur Pierre Bey, qui a été nommé directeur médical de l’association en 2010, a souhaité développer un programme pour améliorer les soins au rétinoblastome dans les pays d’Afrique subsaharienne. Pour atteindre ce but il a répondu à un appel d’offres de la Fondation Sanofi Espoir, qui a soutenu ce programme entre 2011 et 2017. L’Institut Curie et l’association de parents Rétinostop ont également soutenu cette initiative.

Les objectifs du programme

Le programme avait pour objectif de créer des centres de traitement du rétinoblastome pour améliorer le diagnostic et la prise en charge. Il comporte plusieurs volets incluant des actions pour le diagnostic précoce, la formation des ophtalmologistes et des prothésistes, l’amélioration de la pluridisciplinarité, et la fourniture des équipements ophtalmologiques nécessaires à la réalisation du traitement conservateur. L’AMCC travaille aux côtés du GFAOP (Groupe Franco-Africain d’Oncologie Pédiatrique) qui permet la formation des oncopédiatres et fournit les médicaments nécessaires. Par ailleurs, le programme soutient l’enregistrement des données concernant le rétinoblastome dans chaque centre. Cet enregistrement des données doit permettre à chaque équipe de suivre ses résultats et de les publier.

Mise en place d’une collaboration internationale et pluridisciplinaire

Le programme a ciblé en priorité des hôpitaux où il y avait des ophtalmologistes motivés, un recrutement de cas de rétinoblastomes, et la possibilité de créer une équipe multidisciplinaire avec les oncopédiatres, les anatomopathologistes, les anesthésistes et les radiologistes.

Ces équipes ont été soutenues à Bamako, Antananarivo, Lubumbashi, Abidjan et Dakar. Des conventions ont été signées avec leur hôpital et des prothésistes ont pu être formés et débuter une activité. Grâce aux efforts continus des médecins de ces villes, des améliorations ont pu être constatées dans la prise en charge du rétinoblastome : une publication de l’équipe de Bamako en 2018 faisait état de 87 % de guérison pour les formes unilatérales intraoculaires1.

En 2019, l’AMCC a reçu le soutien d’une fondation suisse pour poursuivre et étendre le programme en Afrique subsaharienne francophone, anglophone et lusophone. Ce soutien financier a permis à l’AMCC d’engager un manager pour le programme rétinoblastome, le docteur Karim Assani, oncopédiatre à Kinshasa, qui a joué un rôle majeur dans le développement du programme. Les docteurs Fatou Sylla et Paule Aida Ndoye Roth sont les ophtalmologistes leaders en Afrique francophone ; l’IOTA à Bamako, avec le professeur Fatou Sylla, a été accrédité comme centre de formation et le professeur Paule Aida Ndoye Roth coordonne un protocole de recherche multicentrique sur les causes du retard au diagnostic. Le professeur Fousseyni Traore de Bamako assure la coordination en ce qui concerne l’oncopédiatrie. Dans les pays anglophones, une aide importante nous est apportée par le professeur Kahaki Kimani qui a une grande expérience du rétinoblastome au Kenya.

Au total 22 conventions ont été signées avec des hôpitaux en Guinée Conakry, au Togo, au Burkina Faso, au Bénin, en République Démocratique du Congo, au Niger, au Ghana, au Rwanda, en Ouganda, en Tanzanie, au Mozambique, au Kenya, et plus récemment avec quatre centres éthiopiens qui sont déjà soutenus pour l’oncopédiatrie par Aslan Project. Des contacts ont été pris avec le Cameroun et la République centrafricaine.

Les défis à relever

Les difficultés qui persistent actuellement sont les problèmes de diagnostic précoce. En plus des formations des personnels médicaux et paramédicaux, des actions pour alerter les parents sur les réseaux sociaux sont en cours de déploiement (dont une avec l’association Know The Glow au Kenya). Une étude multicentrique sous forme d’un questionnaire commun est en cours dans de nombreux pays pour préciser les causes du retard au diagnostic.

On déplore également des problèmes de prise en charge financière dans beaucoup de pays. La création d’association de parents dans chaque pays est souhaitable, ainsi que l’organisation par les gouvernements d’une prise en charge des soins pour les cancers de l’enfant.

Il existe encore des problèmes de mise en oeuvre du traitement conservateur dans les formes bilatérales (difficultés anesthésiques, difficultés de réalisation du traitement et de suivi après traitement).

L’AMCC continue donc à rencontrer les équipes par Zoom et en présentiel, à les soutenir chaque fois que c’est nécessaire lors de courtes missions, et à les encourager à enregistrer et publier leurs résultats.

Voir page 47 pour la liste des centres de traitement du rétinoblastome en Afrique subsaharienne francophone.

Pour contacter l’AMCC à propos de ce projet : [email protected] [email protected]

Référence

1 Traoré F et al. Treatment of retinoblastoma in Sub-Saharan Africa : Experience of the paediatric oncology unit at Gabriel Toure Teaching Hospital and the Institute of African Tropical Ophthalmology, Bamako, Mali. Pediatric Blood Cancer 2018 ; 65(8) : e27101.