RSOC Vol. 18 No. 26 2021 pp 25-27. Publié en ligne 16 décembre 2021.

Viroses oculaires

Jeremy Hoffman

Attaché de recherche clinique, International Centre for Eye Health, London School of Hygiene & Tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni.


Allen Foster

Professeur de santé oculaire internationale, London School of Hygiene & Tropical Medicine, Londres, Royaume-Uni.


Cliché d’imagerie montrant plusieurs virus de l’herpès simplex, dont l’un en gros plan.
Virus de l’herpès simplex. Image: Alexey Godzenko/ SHUTTERSTOCK
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Les virus sont de minuscules particules qui ne peuvent pas se répliquer – ou survivre très longtemps – en dehors des cellules de l’organisme qui les héberge, et qui pourtant continuent de menacer notre santé générale et notre santé oculaire.

À l’échelle mondiale, les viroses oculaires sont des infections courantes. Elles sont une cause importante de rougeur oculaire aiguë et de perte visuelle. N’importe quelle partie de l’oeil et de ses annexes, des paupières au nerf optique, en passant par la rétine, peut être affectée par une infection virale.

Certaines viroses oculaires, par exemple les conjonctivites à adénovirus ou les conjonctivites causées par un épisode grippal, ne durent pas longtemps et n’entraînent que peu de complications oculaires. D’autres infections virales, par contre, peuvent entraîner des complications graves ; on peut citer par exemple les cicatrices de cornée résultant d’une kératite herpétique stromale ou encore un décollement de rétine causé par une rétinite à cytomégalovirus (CMV).

Certaines viroses oculaires s’accompagnent de signes cliniques clairs qui facilitent le diagnostic, par exemple un ulcère dendritique à herpès simplex (herpes simplex virus ou HSV) ou une éruption unilatérale sur le dermatome de la branche ophtalmique du nerf trijumeau, caractéristique du virus varicelle-zona (herpes zoster virus ou HZV). Dans d’autres cas, les signes cliniques observés (par exemple une conjonctivite folliculaire ou une uvéite) sont susceptibles d’être causés par tout un ensemble de virus différents. Il peut donc être très difficile de poser un diagnostic précis.

Les antibiotiques ne sont pas efficaces contre les virus, mais plusieurs viroses peuvent être prises en charge par des traitements antiviraux basés sur des données probantes, notamment les infections par le HSV, le VZV, le CMV ou encore le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Micrographie électronique en noir et blanc montrant des virus de l’herpès simplex.
Figure 1 Micrographie électronique montrant des virus de l’herpès simplex ; on distingue leur enveloppe lipidique où sont ancrées des glycoprotéines. Dans l’enveloppe se trouve la nucléocapside, qui contient l’ADN viral. Public domain / Centers for Disease Control and Prevention / Dr Fred Murphy and Sylvia Whitfield, Content Providers / 1975

Ce numéro de la Revue de Santé Oculaire Communautaire présente un aperçu des infections oculaires causées par différents virus : le virus herpès simplex (HSV) et le virus varicelle-zona (VZV), des virus à ADN (voir page 27) qui sont souvent quiescents dans les ganglions nerveux ; ou encore l’adénovirus, un autre virus à ADN, qui entraîne généralement une conjonctivite folliculaire. Ce numéro contient également des articles de revue sur des virus qui ont pris de l’importance dans les vingt ou trente dernières années : le VIH, le CMV et, plus récemment, le virus Ebola et le virus Zika. Nous avons également inclus un article qui passe en revue les traitements actuellement disponibles pour la prise en charge des viroses oculaires.

Le but de ce numéro est de présenter un aperçu des infections virales oculaires les plus courantes et les plus importantes et de décrire leur diagnostic clinique, ainsi que les mesures qui peuvent être mises en oeuvre pour prévenir et traiter ces infections afin de lutter contre les affections oculaires et la perte de vision. Nous espérons que ce numéro sera utile à tous les membres de l’équipe de santé oculaire.

Fonctionnement des virus

Les virus sont de très petits agents infectieux (Figure 2). Ils sont composés des éléments suivants :

  • Du matériel génétique (ADN ou ARN)
  • Une structure protéique (la capside) qui entoure et protège le matériel génétique
  • Une enveloppe lipidique qui entoure la capside, dans laquelle sont insérées des protéines de surface uniques (glycoprotéines). Certains virus ne possèdent pas d’enveloppe.

Les virus sont des agents très simples et ils ne peuvent se multiplier que lorsqu’ils sont à l’intérieur des cellules vivantes d’un organisme (hôte), par exemple un être humain. Un virus pénètre dans une cellule et la force à produire des copies du virus, jusqu’à ce que la cellule libère ces copies, ce qui entraîne souvent la destruction de la cellule en même temps.

Graphique représentant les différentes composantes du virus de l’herpès simplex, sous forme de coupe transversale d’un virus.
Figure 2 Diagramme simplifié du virus de l’herpès simplex /Shutterstock

Les virus (que l’on nomme particules virales ou virions lorsqu’ils ne sont pas dans une cellule) peuvent alors envahir d’autres cellules ou se transmettre à d’autre hôtes. Les principaux mécanismes de transmission sont les suivants :

  • Échange de fluides corporels (par exemple transfusion sanguine, contacts sexuels, baisers).
  • Transmission aérienne par inhalation de particules virales dans les aérosols (après toux ou éternuement d’une personne contaminée).
  • Transfert de particules virales d’une surface contaminée vers les yeux, le nez ou la bouche d’une personne, en général par l’intermédiaire de ses mains. Une surface, par exemple un appareil d’ophtalmologie, peut être contaminée lorsqu’un individu infecté tousse ou éternue, ou touche cette surface après avoir touché son nez, sa bouche ou ses yeux.
  • Instruments chirurgicaux contaminés entrant en contact avec des tissus et des fluides corporels durant une opération.

Un virus peut entraîner une maladie de deux façons :

  • Action directe du virus sur les cellules (par exemple, ulcère dendritique herpétique)
  • Réponse immunitaire de l’organisme au virus ou aux cellules infectées par le virus (par exemple, endothélite herpétique disciforme – voir page 29).

Réponse immunitaire

Le système immunitaire du corps réagit à une infection virale en produisant des anticorps spécifiques (des immunoglobulines M et G, dites IgM et IgG), qui ont pour fonction de se lier soit aux protéines de surface uniques, soit aux fragments de virus circulants qui ne sont pas dans les cellules de l’hôte. L’anticorps peut servir à « marquer » la cellule infectée comme devant être détruite par les lymphocytes T. Une fois que l’infection virale a été stoppée, le système immunitaire de l’hôte garde en mémoire la capacité à produire des anticorps contre ce virus, ce qui permet au système immunitaire de reconnaître immédiatement le même virus et d’empêcher une nouvelle infection.

La vaccination tire profit de cette propriété du système immunitaire ; elle consiste à exposer l’hôte à une version non pathogène du virus : la personne vaccinée ne tombe donc pas malade mais son système immunitaire produit des anticorps contre le virus, ce qui la protégera lorsqu’elle sera exposée à la « vraie » du virus (qui sera pathogène).

Cette approche a été utilisée avec succès contre plusieurs virus, comme ceux de la rougeole et de la rubéole, qui sont considérés comme stables. (Il est à noter que, dans le cas du virus de l’immunodéficience humaine ou VIH, l’approche traditionnelle ne marche pas pour plusieurs raisons, notamment parce que les protéines de surface du VIH mutent constamment, le virus cible directement des lymphocytes T et il ne stimule pas de réponse immunitaire suffisante).

Prévention

Certaines infections virales peuvent être prévenues en réduisant la transmission de personne à personne. S’abstenir de rapports sexuels non protégés permet de réduire le risque de transmission du VIH et du virus de l’herpès simplex (HSV). Un lavage des mains régulier et efficace permet de prévenir la transmission de certains virus (adénovirus, par exemple).

Dans un contexte clinique ou hospitalier, l’on peut diminuer la transmission entre docteur et patient ou de patient à patient en pratiquant une bonne hygiène. Les mesures d’hygiène incluent notamment :

  • Faire très attention au lavage des mains (bien frotter)
  • Nettoyer toutes les surfaces, ainsi que l’équipement et les instruments, avec des solutions antivirales en utilisant les méthodes appropriées
  • Porter des vêtements protecteurs, notamment des gants et, dans certaines situations, un masque.

L’équipe de la rédaction